PESTE (la). Roman d'Albert Camus (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 08/11/2018
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PESTE (la). Roman d'Albert Camus (1913-1960), publié à Paris chez Gallimard en 1947.
Certains personnages de laPeste sont présents dans des pages des Carnets, écrites à Alger en 1938. Mais c'est surtout à Oran, de la fin de 1940 au printemps de 1942, puis en métropole que Camus va élaborer son roman. Une première version manuscrite, prête au début de 1943, sera profondément remaniée. Publiée en juin 1947, la Peste vaudra à Camus son premier grand succès de librairie (161 000 exemplaires vendus en deux ans ; environ 5 millions d'exemplaires, toutes éditions françaises confondues, au début des années quatre-vingt-dix) .
Première partie. À Oran. un jour d'avril 194., le docteur Rieux découvre le cadavre d'un rat sur son palier. Il accompagne au train son épouse, qui part se soigner à la montagne. Tandis que d'autres rats affluent dans la ville et agonisent, le concierge du docteur succombe à un mal violent et mystérieux. Les morts vont se multipliant On ose enfin prononcer le mot : la « peste ». Après bien des réticences, les autorités se décident à « fermer» la ville.
Deuxième partie. L'enfermement et la peur modifient les comportements collectifs et indivi duels. Rambert, journaliste parisien séparé de sa compagne, sollicite en vain l'appui de Rieux pour regagner la métropole. Cottard, un représentant qui avait pour des raisons inconnues tenté de se suicider, puise une curieuse satisfaction dans le malheur de ses concitoyens. Grand, employé de mairie, est plus que jamais absorbé à écrire un livre dont il retouche sans cesse la première phrase. Le père Paneloux appelle les fidèles à méditer sur la punition qui leur est envoyée par le Ciel. Tarrou, lui, ne croit qu'en l'homme ; avec un tranquille héroïsme, il se met à la disposition de Rieux, imité bientôt par Rambert.
Troisième partie. L'été accro1't la puissance du fléau. La ville s'organise : on réprime des soulève ments, on enterre à la hâte, on incinère. Sans mémoire et sans avenir, les habitants s'installent dans une résignation qui a chassé tout senti ment d'amour.
Quatrième partie. Rambert, à qui s'offrait une chance de quitter la ville, a renoncé à partir : avec Rieux et Tarrou, il luttera jusqu'au bout L'agonie d'un enfant (le fils du juge Othon) révolte Rieux et jette le trouble dans les certitudes de l'abbé Paneloux, qui meurt bientôt en serrant fiévreu sement contre lui un crucifix. Tarrou et Rieux trouvent dans la tiédeur d'un bain d'automne, une forme de communion amicale. Comment trouver la sainteté sans Dieu? s'interroge Tarrou. L'hiver arrive. Et voici que Grand, atteint à son tour et que l'on croyait perdu, guérit sous l'effet d'un nouveau sérum. Des rats réapparaissent dans la ville, vivants.
Cinquième partie. Le fléau fait ses dernières victimes : Othon, puis Tarrou, qui meurt, serein, au domicile de Rieux. Celui ci apprend le lende main, par un télégramme, la mort de sa femme.
Les portes de la ville s'ouvrent enfin. Nous découvrons l'identité du narrateur : c'est le doc teur Rieux lui même, qui a tenu à témoigner du combat mené par des hommes contre le mal. Mais tandis que la ville exulte, il sait que celui
«
Les portes de la ville s'ouvrent enfin.
Nous
déco uvrons l'identité du narrateur : c'est le doc
teur Rieux lui même, qui a tenu à tém oigner du
comba t mené par des homme s contre le mal.
Mais tandis que la ville exulte, il sait que celui ci
peu t reve nir un jour , et appelle à la vigilance.
Oran, ville « fermée >> qui tourne le
dos à la mer, s'oppose pour Camus aux
villes «ouvertes >>, telle Alger i à ce
titre, elle se prêtait à l'atmosphère de
réclusion évoquée dans la Peste ; sa
banalité même (elle était la plus euro
péenne des villes d'Algérie) la prédis
po sait à l'illustration d'un mythe.
Une
épidémie de typhus, qui sévit en Algé
rie en 1941-1 942, a pu fournir des
détails à l'intrigue ; mais la peste avait
évidemment un pouvoir symbolique
plus fort.
Camus se documente, à cette
époque, en lisa nt des ouvra ges médi
caux (parmi lesquels la Déf ense de
l' Europe contre la peste, d'Adrien Proust,
le père de Marcel}, le Journal de l'année
de la peste, de Daniel Defoe (d'où il
tirera l'épigraphe de son roman) ; mais
aussi Moby Dick, de Melville, qui illus
tre les poss ibilités d'utilisation roma
nesque d'un mythe.
La situation d'une
ville coupée du reste du monde reflète
assurément celle de la France de
l'O ccupation : le fléa u, dans les deux
cas, sépare des amants ou des familles,
et Rambert, qui veut à tout prix quitter
la ville, est à l'image de ces Français
qui, bloq ués en zone occupée, finiront,
en se mettant au service de la Résis
tance, par tourner leur malchance en
héroï sme.
Il faut ajouter qu'une nou
velle fois atteint par l'hémoptysie, au
printemps de 194 2, Camus doit quitter
sa femme pour partir se soigner en
Haute-Loire ; surpris par le débarque
ment des Alliés en Afrique du Nord, il
sera séparé d'elle jusqu'à la Libération.
On ne sous-est imera pas cette particu
la rité du roman qui le rend, selon le
mot de Camus lui-même, > : c'es t, la mère de Rieux exceptée, une
histoire d'homm es.
Sur cette terre
d'Al gérie généreuse en tentations sen
suelles, les femmes représentent, dans
la Peste, l'ailleurs, la privation, la frus
tration du désir ; à cet égard, une qua
rantaine peut produire le même effet
que la guerre ou la prison.
Le séjour à Oran, une documenta
tion livresque, la guerre, la transp osi
tion d'un drame personnel n'épuisent
pour tant pas le sens de la Peste : le
roman prolonge la réflexion philoso
phique et morale de l'*Étranger et du
My the de Sisyphe (1942}, largement
ava ncés quand intervient l'armistice
de juin 194 0.
«L e bacille de la peste ne
meurt ni ne dispara ît jamais >>, lit-on
aux dernières lignes du roman.
Le sym
bole se révèle ici inadéquat : on peut
espérer éradiquer définitivement la
peste, non le mal qu'elle signifie.
Si ce
mal a pris, en 1940, la forme de la
guerre et de l'O ccupation, la souffrance
de l'homme dépasse les contingen ces
de l'Hi stoire .
La mort d'un enfant (IV}
figure la limite de l'absurde et de l'into
lérable, jusqu'à faire chanceler la foi
religieuse .
On a pa rfois suggéré que
celle-ci n'était pas vraiment absente
des préoccupations de Camus : miné
par une sorte de « péché originel >> (le
goût de son père pour les condamna
tions à mort}, Tarrou aspire, suivant sa
propre expression, à une forme de
«s ainteté >>; mais c'est en combattant
un mal dont il ignore la significat ion
qu'i l se met finalement en accord avec
lui-m ême.
Camus l'a souvent répété :
« Mon royaume tout entier est de ce
mond e.>> À l'exception de Cottard,
ch acun reprod uit l'aventure de Sisy
phe, et si Gr and ne roule d'autre rocher
que la première phrase d'un roman
touj ours inache vé, cette obstination
dérisoire n'est pas moins émouvante :
à sa manière aussi, elle témoigne de
la grandeur de l'hom me devant
l'a bsurde.
La morale de la Peste relève du stoï-.
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