PENSÉES DIVERSES ÉCRITES À UN DOCTEUR DE SORBONNE À L’OCCASION DE LA COMÈTE QUI PARUT AU MOIS DE DÉCEMBRE 1680 ou PENSÉES DIVERSES SUR LA COMÈTE, 1683. Pierre Bayle
Publié le 29/09/2018
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La comète de 1680 n’est guère plus qu’un prétexte pour cet ouvrage, tout entier consacré à combattre les superstitions les plus diverses. Certes, il y est question de ce phénomène céleste, dont on montre, afin de renseigner et de rassurer les «personnes curieuses et alarmées», qu’il est entièrement naturel. Un raisonnement souvent serré permet d’établir que les comètes ne sont ni les signes ni les causes d’événements catastrophiques.
Comme souvent chez Bayle, l’essentiel se trouve dans les digressions. Celles-ci abondent en arguments longuement développés contre les préjugés, la superstition, la crédulité, l’autorité abusive de la tradition et la religion qui s’appuie sur cette dernière. L’athéisme est réhabilité et l’accusation traditionnelle de la religion selon laquelle un athée ne saurait être moral se trouve réfutée. En 1705 fut publiée une Continuation des
Pensées diverses ou Réponse à plusieurs difficultés que Monsieur X... a proposées à l'auteur.
«
«Il paraît de là que les savants font quelquefois une aussi méchante caution que le peuple, et qu'unetradition fortifiée de leur témoignage n'est pas pour cela exempte de fausseté.
Il ne faut donc pas quele nom et le titre de savant nous en impose.
Que savons-nous si ce grand docteur qui avance quelquedoctrine a apporté plus de façon à s'en convaincre, qu'un ignorant qui l'a crue sans l'examiner ? Si ledocteur en a fait autant, sa voix n'a pas plus d'autorité que celle de l'autre, puisqu'il est certain que letémoignage d'un homme ne doit avoir de force, qu'à proportion du degré de certitude qu'il s'est acquisen s'instruisait pleinement du fait.Je vous l'ai déjà dit, et je le répète encore : un sentiment ne peut devenir probable par la multitude deceux qui le suivent, qu'autant qu'il a paru Vrai à plusieurs indépendamment de toute prévention, et parla seule force d'un examen judicieux, accompagné d'exactitude, et d'une grande intelligence deschoses : et comme on a fort bien dit qu'un témoin qui a vu, est plus croyable que dix qui parlent parouï-dire, on peut aussi assurer qu'un habile homme qui ne débite que ce qu'il a extrêmement médité, etqu'il a trouvé à l'épreuve de tous ses doutes, donne plus de poids à son sentiment, que cent milleesprits vulgaires qui se suivent comme des moutons, et se reposent de tout sur la bonne foi d'autrui.»
Pierre Bayle, Pensées diverses sur la Comète
L'homme soucieux de découvrir le vrai s'interroge nécessairement sur les conditions de la réussite de son entreprise.Chez les grecs, d'ailleurs, la question du vrai se confondait avec la question de l'accès au vrai.Pierre Bayle réfléchit à la connaissance et nous met en garde contre le danger d'adhérer sans vérification aux diresdu plus grand nombre.
Si la tradition doit faire l'objet d'une vigilance intellectuelle, la figure même du savant,paradoxalement, ne doit pas non plus nous mettre à l'abri du soupçon.
Sachons ainsi considérer la véritable causede l'autorité d'une opinion et voyons comment l'expérience et l'exercice du doute mis en valeur dans ce texte sontdes aides précieuses pour aller de l' avant.
Replaçons le texte dans son contexte.
« Les pensées diverses sur la comète » sont un traité contre la superstition,un plaidoyer contre les présages.
Le prétexte à l'origine de cette réflexion est le passage en 1680 d'une comète.Des études spécialisées, destinées à faire comprendre ce que sont les phénomènes : passage de comètes,éclipses..:, tendent à l'époque de notre philosophe, à affirmer l'incrédulité, le rationalisme.
Il s'agit de répondre àl'opinion communément répandue, et non fondée, de voir là le signe de malheurs à venir, un avertissement divin.
Quela crédulité soit l'affaire de gens non avertis, ignorants, cela peut se concevoir.
Ce qui est plus alarmant, c'est quedes hommes, dits de science, et des personnages importants de la cité, cautionnent la superstition lui donnant plusde force.L'extrait que nous avons à analyser trouve alors sa place au moment où, l'auteur ayant rapporté des opinionsabsurdes soutenues par des savants, il devient nécessaire de réfléchir à quoi l'esprit doit se fier pour assurer sesaffirmations.
C'est par la considération sur le savant, le constat de son ignorance, que débute notre texte.
Cette considérationqui sert de conclusion à ce qui précède dans l'ouvrage - est d'autant plus paradoxale pour nous que le titre desavant est prometteur.
N'est-il pas celui qui détient les secrets du monde qu'il étudie et qui de ce fait possède despouvoirs étendus? Nous nous en remettons à lui comme à un initié qui se tient loin de nos expériences courantes etde notre connaissance vulgaire.
Opposé au grand nombre le savant fait figure de spécialiste.
En tant qu'autorité iln'est pourtant pas toujours, nous dit Pierre Bayle, plus crédible que le peuple, en cela semblable à la multitude.
C'estl'expérience qui nous le prouve.
Il affirme ce qu'un analyse sérieuse dément, victime à son tour de la précipitation,de la crainte et de la tradition.-La précipitation nous la devons au fait que nous jugeons « de tout sur les premières impressions des sens et despassions sans attendre un examen plus exact mais aussi un peu trop pénible (Pierre Bayle, Pensées diverses sur lacomète).
Attachés à la sensibilité trompeuse et à notre paresse nous ne prenons pas soin de consulter notre raisonlà où cela est nécessaire.-La crainte, quant à elle, vient de ce que, dit Spinoza, les hommes ne savent conduire leur vie avec certitude etbonheur : « si les hommes pouvaient diriger toutes leurs propres affaires suivant un projet assuré, ou si la chanceleur souriait toujours, ils neseraient en proie à aucune superstition.
Mais réduits souvent à une situation tellement extrême qu'ils ne sont pas enétat de mettre sur pied aucun projet, et, la plupart du temps, condamné par leur désir immodéré de biens incertainsau sort, à flotter misérablement entre l'espoir et la crainte, ils ont l'esprit très enclin à croire en général n'importequoi » (Spinoza, préface du traité théologico-politique).Le savant, lui-même homme, se laisse ainsi emporter par un savoir facile, non critiqué, traduisant une expériencevague du monde liée à des données affectives.L'imagination alors s'active traduisant la confusion des perceptions, des expériences-que nous en tirons et de nosdésirs eux-mêmes.-Nous nous perdons enfin par la tradition et le consentement unanime.
Il est si aisé de s'en remettre au plus grandnombre.
Pierre Bayle critique le principe selon lequel « les opinions généralement établies sont vraies » (Penséesdiverses sur la comète).
)lève à cet égard de Descartes, qui déjà nous prévenait de ne pas compter les voix despartisans d'une opinion (règle 3 pour la direction de l'esprit, Descartes), l'auteur donne icipour principal but à sa réflexion de « décréditer », l'autorité de ce or 'tendu savoir.
Nous adhérons aux affirmationsdu sens commun parce qu'elles sont généralement admises et qu'elles ne peuvent donc être fausses.
Victimes de.
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