Paul MORAND : Tendres Stocks
Publié le 24/09/2012
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Ce nouvel écrivain est généralement assez fatigant à lire et difficile à comprendre parce qu'il unit les choses par des rapports nouveaux. On suit bien jusqu'à la première moitié de la phrase, mais là on retombe. Et on sent que c'est seulement parce que le nouvel écrivain est plus agile que nous. Or il advient des écrivains originaux comme des peintres originaux. Quand Renoir commença de peindre on ne reconnaissait pas les choses qu'il montrait. Il est facile de dire aujourd'hui que c'est un peintre du XVIIIe siècle. Mais on omet, en disant cela, le facteur temps et qu'il en a fallu beaucoup, même en plein XIXe, pour que Renoir fût reconnu grand artiste. Pour y réussir, le peintre original, l'écrivain original, procèdent à la façon des oculistes .

«
Londr es, Bing Ben Ph01o Rosi Baumga nncr 1 Explorer
Paul Morand fït de fréquent s sé jours à Londres pendant tout e sa jeunesse : il y vint plusieurs fois les étés qui précédèrent son baccalau réat (1905) , pui s il passa une année à
Oxford pour pelfe c tionner son ang lais (1908).
R eç u au con cours des ambas sades , il fut nomm é atta ch é à Londres (1913) ; "affe cté s pé c ial " à /'ambassade
de Londr es pendant la g uerre , il y d emeu ra de 1914 à 1917.
Photo T all / S ipa- lcono
Le livre
Tendres hérétiques
L
e goût très vif qu'elles ont de leur indépendance- ce sno
bisme à l'envers
qu'on appelle originalité pour artificiel
lement l'
opposer aux conventions -, voilà sans doute, avec
la
curiosité que toutes trois ont su éveiller chez le narra
teur , l'essentiel trait commun à Clarisse, Delphine et Aurore,
femmes de Londres et de personne ,
d'une société brillante avec
laquelle, chacune à sa manière , elles trichent.
Clarisse est une
poupée mal habillée , d 'hygiène spartiate, toute d'intuition et de
séduction ; elle collectionne les rossignols, les imitations et les
aventures galantes.
Delphine est une mystique sans moyens :
une
mécanique de sainteté qui s'enrayerait entre perfection
éthérée et débauche souffrante.
Aurore est tout à fait détraquée,
belle comme une douche froide, nonne inquiète et sauvage qui
doit inventer sa règle de renoncement.
Tendres Stocks évoque
successivement derrière ces trois personnages d'excentriques
les types
convenus de la prostituée (Clarisse) , de la sainte
(Delphine) et de la folle (Aurore, sans foi
ni corps).
Du style en stocks
P
arues en 1921, les trois nouvelles qui composent Tendres
Stocks, premier livre d'un jeune attaché d'ambassade, sont
surtout demeurées célèbres par la préface dont les honora
Marcel Proust qui saluait sans hésiter dans leur auteur un "écri
vain original qui unit les choses par des rapports nouveaux ".
En effet, Paul Morand multiplie les fonnes médailles, trouve
des épithètes inouïes, des associations brillantes, cultive le
paradoxe et imagine des métaphores inédites :
"Il est 1 'inven
teur du style moderne.
Le trait en éclair, le ton cassant ,
1 'image
qui fait sursauter viennent de
lui" (Jacques Chardonne).
Reste à
déplorer que, situées à Londres entre
1914 et 1917 , Clarisse ,
D elphine
et Auror e s'inscrivent dans 1 '"âge snob" de leur
auteur- certaine convention de superficialité qui domine l'ana
lyse des caractères et le ton du récit.
"Feuilles de température "
du monde, tels voulait Morand ses nouvelles et brefs romans :
à lire aujourd 'hui
Tendres Sto c ks, on se demande si ce n'était
pas
là prendre un parti de vitesse et de circonstance qui a mal
vieilli
....
»
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