Paul et Virginie
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
«
« Votre case est vers le soleil du milieu du jour ; il faut que nous
passions, comme ce matin, par-dessus cette
montagne que tu vois
là-bas ( ...
).
Allons,
marchons, mon amie.
»
~-------EXTRAITS
Paul apprend que Virginie doit partir
Il répéta en tremblant ces mots : « Mon fils ...
mon fils ...
Vous ma mère, lui dit-il, vous qui
séparez le frère d'avec
la sœur ! Tous deux
nous avons
sucé votre lait ;
tous deux, élevés
sur vos
genoux, nous avons appris
de vous
à nous aimer ; tous
deux, nous nous
le sommes
dit mille fois.
Et mainte
nant vous l'éloignez de
moi ! Vous l'envoyez en
Europe dans ce pays bar
bare qui vous a refusé un
asile,
et chez des parents
cruels qui vous
ont vous
même abandonnée ..
Vous
me direz : Vous n'avez plus
de droits sur
elle., elle n'est
pas votre
sœur.
Elle est tout
pour moi, ma richesse, ma
famille, ma naissance, tout
mon bien.
Je n'en connais
plus d'autre.
Nous n'avons
eu
qu'un toit, qu'un ber
ceau; nous n'aurons qu'un
tombeau.
Si elle part,
il
faut que je la suive.
Le gouverneur m'en em
pêchera ? M'empêchera-t-il de me jeter
à la
mer? Je la suivrai à la nage.
La mer ne sau
rait m'être plus funeste que
la terre.
Ne pou
vant vivre ici près d'elle, au moins je
mourrai sous ses yeux, loin de vous.
Mère
barbare !
femme sans pitié ! puisse cet
océan où vous l'exposez ne jamais vous la
rendre !
puissent les flots vous rapporter
mon corps, et,
le roulant avec le sien parmi
les cailloux de ces rivages, vous donner,
par
la perte de vos deux enfants, un sujet éter
nel de douleur !
»
A ces mots je le saisis dans mes bras ; car
le désespoir lui ôtait la raison.
Ses yeux étin
celaient ;
la sueur coulait à grosses gouttes
sur son visage en feu ; ses genoux trem- blaient,
et
je sentais dans sa poitrine brû
lante son cœur battre
à coups redoublés.
Virginie vont la mort s'approcher
On vit alors un objet digne d'une éternelle
pitié : une jeune demoiselle parut dans la
galerie de la poupe
du« Saint-Géran », ten
dant les bras vers celui qui faisait tant
d'ef
forts pour la joindre.
C'était Virginie.
Elle
avait reconnu son amant
à son intrépidité.
La vue de cette aimable personne, exposée
à un si terrible danger, nous remplit de dou
leur et dè désespoir.
Pour Virginie, d'un port
noble et assuré, elle nous faisait signe de la
main, comme nous disant un
éternel adieu.
Tous les matelots s'étaient jetés
à la mer.
Il
n'en restait plus qu'un sur
le pont, qui était
tout nu et nerveux comme Hercule.
Il s'ap
procha de Virginie avec respect : nous le
vîmes se
jeter à ses genoux, et s'efforcer
même de lui ôter ses habits; mais elle,
le re
poussant avec dignité, détourna de lui sa
vue.
On
entendit aussitôt ces cris redoublés
des spectateurs :
«Sauvez-la, sauvez-la ; ne
la quittez
pas!» Mais dans ce moment une
montagne d'eau d'une effroyable grandeur
s'engouffra entre l'île d'Ambre et la côte, et
s'avança en rugissant vers le vaisseau,
qu'elle menaçait de ses flancs noirs et de ses
sommets écumants.
A cette terrible vue le
matelot s'élança seul
à la mer; et Virginie,
voyant
la mort inévitable, posa une main sur
ses habits, l'autre sur son cœur, et levant en
haut des
yeux sereins, parut un ange qui
prend son vol vers les cieux.
« Ils aperçurent là
une maison bien bâtie,
des plantations
considérables, et un
grand nombre
d'esclaves ( ...
).
Leur
maître se promenait au
milieu d'eux, une pipe à
la bouche, et un rotin à
la
main.»
NOTES DE L'ÉDITEUR religion, a dû nourrir son génie de la beauté
des livres saints.
» Chateaubriand, Le Génie
du christianisme,
1802.
de l'ensemble.» Sainte-Beuve, Les
Causeries
du lundi.
« Il est certain que le charme de Paul et
Virginie
consiste en une certaine morale
mélancolique qui brille dans l'ouvrage, et
qu'on pourrait comparer à cet éclat uniforme
que la lune répand sur une solitude parée de
fleurs.
Or, quiconque a médité l'Évangile
doit convenir que ces préceptes divins ont
précisément ce caractère triste et tendre.
Bernardin de
Saint-Pierre qui, dans ses
Études de la nature, cherche à justifier les
voies de Dieu, et à prouver la beauté de la
1 coll.
Viollet 2, 3 , 4 dessins d'Émile Bayard, Hachette, 1871
« Bernardin a l'image légère.
Toutes
ces harmonies, tous ces contrastes, ces
réverbérations morales dont il a tant parlé
dans les
Études et dont il traçait une
poétique un peu vague, il les a ici réalisés
dans un cadre heureux, où, dès l'abord, le
site, les noms des lieux, les aspects divers
du paysage sont faits pour éveiller les
pressentiments et pour concourir
à l'émotion
«Après Rousseau, dont La Nouvelle
Héloïse
avait connu un engouement du
même ordre, Bernardin avait touché la corde
sensible en s'adressant au cœur.
Son roman
marque
le point d'aboutissement littéraire, il
est le résultat fatal d'une évolution qui,
depuis l'abbé Prévost, s'efforce de substituer
à l'esthétique classique une esthétique dont
la sensibilité est l'élément
~ssentiel.
»
P.
Trahard, éditions Garnier, 1958.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE 02.
»
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