PASSÉ SIMPLE (le) de Driss Chraïbi (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 28/10/2018
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PASSÉ SIMPLE (le). Roman de Driss Chraïbi (Maroc, né en 1926), publié à Paris chez Denoël en 1954.
Le narrateur, Driss Ferdi, relate sa révolte contre le père, le « Seigneur», riche commerçant originaire de Fès qui, imbu d'un incommensura ble orgueil de caste, fer de son autorité familiale quasi féodale, de sa respectabilité de musulman pieux et de sa position de notable, fait régner une discipline de fer sur son épouse et ses sept fils. Fréquentant l'école française, Driss ose cha que jour affronter la loi du père, défie la religion en ridiculisant un fghi [docteur de la loi religieuse] libidineux chez son oncle, à Fès où il avait été envoyé pour « attirer la grâce de Dieu sur les affaires paternelles ». De retour à Casablanca pour enterrer son jeune frère, Hamid, et, finalement chassé par le Seigneur, il n'y revient que pour apprendre le suicide de sa mère. C'est publiquement qu'il dénonce la tartufferie du haj, que le pèlerinage à La Mecque a conduit dans les tripots du Caire et de Damas, où il a entretenu des maîtresses, qui a d'une concubine, jeune ouvrière de ses plantations, deux bâtards, qui dis simule vins et alcools derrière sa bibliothèque. L'affrontement tourne à la tragédie lorsque Driss, qui depuis longtemps rêve de parricide, menace son père d'un pistolet, puis, dans un ultime rebondissement, livre son anme. Après cette scène d'apparente réconciliation, où le père prend à son tour le fils pour confident, il est décidé que ce dernier, qui a obtenu son bacca lauréat, ira étudier en France : Driss savoure sa victoire.
L'extraordinaire violence de la satire - du Maroc traditionnel, de l'islam, du modèle patriarcal, de la bourgeoisie nantie - fit le succès de scandale de ce roman à la veine autobiographique à peine travestie (le narrateur s'appelle Driss), tant au Maroc qu'en France, si bien que Chraibi dut faire amende honorable, après avoir été accusé de « colonialisme ». Le livre a fait date et a marqué profondément des auteurs comme Rachid Boudjedra (la Répudiation, 1969) ou Tahar Ben Jelloun (Harrouda, 1973). La cible principale de la satire, c'est le lien ontologique, ainsi que le dit le narrateur, entre « théocratie » et « paternité », de sorte que le roman prend l'allure d'un pamphlet contre l'islam avec un ton blasphématoire jusqu'alors inconnu. De tous les romans de la littérature maghrébine d'expression française, aucun n'atteint une telle violence verbale, à la mesure de l'intensité du drame œdipien qui se joue entre le narrateur, le Seigneur haj Fatmi Ferdi, l'épouse résignée et les frères tremblants devant la « loi ». Le narrateur érige ainsi une figure archétypale du père (qui ne s'exprime, jusqu'à l'explication finale, que par un « nous » de ...
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pour
enterrer son jeune frère, Hamid, et, fina
lement chassé par le Seigneur , il n'y revient que
pour apprendr e le suicide de sa mèr e.
C'est
publiquem ent qu'il déno nce la tartufferie du haj,
que le pèlerinage à La Mecque a cond uit dans les
tripo ts du Cair e et de Damas, où il a entretenu
des maîtresses, qui a d'une concubine, jeune
ouvrièr e de ses plantations, deu x bâtards, qui dis
sim ule vins et alcools derrière sa bibl iothèque.
L'aff rontement tourne à la trag édie lorsque Driss,
qui depuis longtem ps rêve de par ricide, menace
son père d'un pistolet, puis, dans un ultime
re bondis sement, livre son anme.
Après cette
scène d'apparente réconcilia tion, où le père
prend à son tour le fils pour confiden t, il est
décidé que ce dernier , qui a obtenu son bacca
laur éat, ira étud ier en France : Driss savoure sa
vic toire.
L' extraordinaire violence de la
satire -du Maroc traditionnel, de
l'is lam, du modèle patriarcal, de la
bourgeoisie nantie -fit le succès de
scandale de ce roman à la veine auto
biographique à peine travestie (le nar
rateur s'appelle Driss), tant au Maroc
qu'en France, si bien que Chraibi dut
faire amende honorable, après avoir
été accusé de «colonialisme ».
Le livre
a fait date et a marqué profondément
des auteurs comme Rachid Boudjedra
(la Répudiation, 1969) ou Tabar Ben Jel
loun (Harrouda, 1973).
La cible princi
pa le de la satire, c'est le lien ontologi
que, ainsi que le dit le narrateur, entre
«t héoc ratie » et «paternité », de sorte
que le roman prend l'allure d'un pam
phlet contre l'islam avec un ton blas
phéma toire jusqu'alor s inconnu.
De
tous les romans de la littérature
maghrébine d'ex pression française,
aucun n'atteint une telle violence ver
bale, à la mesure de l'intensité du
drame œdipien qui se joue entre le nar
rateur, le Seigneur haj Fatmi Ferdi,
l'é pouse résignée et les frères trem
blants devant la «loi ».
Le narrateur
érige ainsi une figure archétypale du
pè re (qui ne s'exprime, jusqu'à l'expli
cation finale, que par un « nous » de majes
té) dans la société musulmane
traditionnelle -et du père tout court.
É chappant à l'a necdote, la figure du
Seigneur inspire la terreur sacrée de la
tragédie antique et l'aff rontement,
avec le parricide pour arrière-plan,
prend une dimension titanesque .
La
puissance évocatrice du récit tient éga
lement à sa portée fantasmatique,
attestée par la discontinuité de la chro
nolo gie, l'écla tement de la composi
tion et le discours paratactique -
comme si le fantasme se livrait à l'état
brut .
Avec la Civilisation, ma mère!
(19 72), hommage tendre à la mère, le
Passé simple constitue ainsi un dipty
que délibérément et expressément
consa cré au triangle œdipien .
La théâtralité de cette relation père
fils est d'ailleurs constamment souli
gnée par le narrateur, dont le ton ven
geur déploie toute son ironie, inflé
c hissant le « drame » tragique vers la
« comédie ».
Certes, la tragédie est pré
sente à travers la mort bien réelle de
Hamid -officiellement d'une ménin
gite, mais l'hypothèse d'un châtiment
infligé par le père au principal allié de
Driss est envisagée -et le suicide de la
mère .
La scène où le Seig neur chasse
son fils et le maudit pour l'éternité
relève bien du genre dramatique ;
mais, comme dans le drame bourgeois,
du drame à la comédie, il n'y a qu'un
pas : ainsi de la répudiation de l'épouse
(pour ne pas avoir gardé la soupe au
cha ud) et de sa réintégration ; ainsi,
surtout, du rebondissement où le tar
tuffe est démasqué, et de la scène lar
moyante d'autoflagellation où le Sei
gneur demande à ses enfants et à son
épouse de lui cracher au visage ; ainsi
encore de l'explication finale où les
confidences du maître sont l'expres
sion d'un ultime masque de comédien.
Mais dans cette «comédie », c'est en
fin de compte le narrateur qui triom
phe («Je l'avais proprement possédé » ),
éluci dant le sens du titre : « Pas un.
»
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