PASCAL: Les Pensées, fragments
Publié le 20/11/2010
Extrait du document
«Il faut commencer par là le chapitre des puissances trompeuses. L'homme n'est qu'un sujet plein d'erreur, naturelle et ineffaçable sans la grâce. Rien ne lui montre la vérité. Tout l'abuse ; ces deux principes de vérités, la raison et les sens, outre qu'ils manquent chacun de sincérité, s'abusent réciproquement l'un l'autre [...]« (Pensée 83) Prisonnier donc de ses contradictions (ici la raison face aux sens), l'homme est en outre victime de son imagination, «cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer« (82), de la coutume ou encore de son amour-propre : «Le moi est haïssable : [...] il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout ; il est incommode aux autres en ce qu'il veut les asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres.« (Pensée 455)
«
II à VII.
Il entreprend une analyse de la condition humaine, de la misère et de la grandeur de l'homme.
VIII à X.
Il montre comment l'homme se fourvoie dans sa quête du bonheur terrestre.
— XI à XVII.
La solution se trouve dans la religion chrétienne.
XVIII à XXV.
Pascal argumente ce qu'il avance en s'appuyant sur une série de preuves tirées des témoignagesbibliques et de l'histoire.
— XXVI à XXVII.
Pascal délivre une morale chrétienne, celle de l'homme converti qui trouvera son bonheur dansDieu.
Ce classement est celui adopté par l'édition Lafuma (1951) ; l'édition de référence la plus souvent employée restecependant celle établie par Léon Brunschvicg (1897 et 1904), qui propose un classement thématique en quatorzesections.
Les numéros des Pensées adoptés ici renvoient à cette dernière édition.
2.
UNE OEUVRE JANSÉNISTE
Livre inclassable et cependant majeur de notre littérature, les Pensées sont tout à la fois l'oeuvre d'un moraliste, d'un théologien, d'un scientifique et d'un poète.
Témoignage fragmentaire d'une existence originale et d'une quêteindividuelle, elles s'inscrivent en même temps dans le courant janséniste qui a profondément marqué la pensée duXVIIe siècle.
Le jansénisme est un courant de pensée, une forme de catholicisme qui s'inspire des idées de Jansénius (1585-1638), évêque d'Ypres.
Ce dernier reprend dans sa somme théologique, l'Augustinus (1640), les thèses de saint Augustin (354-430).
Les jansénistes, après lui, s'opposent notamment aux jésuites sur la question de la grâce.D'après la doctrine chrétienne, la grâce est le don divin et surnaturel par lequel l'homme, déchu par le péché, trouveson salut.
Tandis que les jésuites, par le biais de la casuistique (voir note ci-contre), proposent quelquesaccommodements pour l'obtention de la grâce divine, les jansénistes, eux, s'en tiennent à une conception austèreet rigoriste de celle-ci.
Selon eux, la grâce est liée à la prédestination : Dieu ne consent à sauver que quelquescréatures, petit nombre d'élus choisis de toute éternité.
C'est insister avant tout sur la misère de l'homme et sur lafaiblesse de sa volonté au regard de la miséricorde divine qui décide tout.
0° Cette vision pessimiste de la nature humaine incite les jansénistes à stigmatiser les vanités terrestres et toutesles faussetés du monde.
Ils prônent une stricte obéissance aux dogmes et une vie d'austérité, d'ascèse, consacréeà la prière, dans l'attente d'une hypothétique grâce : telles sont les règles de vie de l'abbaye de Port-Royal,réformée par l'abbesse Angélique Arnauld dans les premières années du XVIIe siècle.
Par-delà les murs du couvent,le jansénisme et son pessimisme tragique influenceront très profondément la pensée et la littérature du XVIIe siècle: les oeuvres de La Rochefoucauld, Madame de La Fayette ou Racine en sont profondément imprégnées.
Pour ce qui concerne Pascal cependant, il est un élan capable de surmonter cette vision pessimiste de l'homme,c'est l'élan vers Dieu.
Il est possible de distinguer deux mouvements dans les Pensées, dans le prolongement dynamique l'un de l'autre : d'une part celui qui trace une manière d'anthropologie, d'autre part celui qui tend àaboutir à une théologie de la grâce.
3.
UNE VISION TRAGIQUE DE LA CONDITION HUMAINE
Le premier constat que dresse Pascal dans ses Pensées est celui de la «misère de l'homme sans Dieu».
Créature déchue depuis le péché originel, l'être humain est sans cesse égaré par les «puissances trompeuses» :
«Il faut commencer par là le chapitre des puissances trompeuses.
L'homme n'est qu'un sujet plein d'erreur,naturelle et ineffaçable sans la grâce.
Rien ne lui montre la vérité.
Tout l'abuse ; ces deux principes de vérités,la raison et les sens, outre qu'ils manquent chacun de sincérité, s'abusent réciproquement l'un l'autre [...]»
(Pensée 83)
Prisonnier donc de ses contradictions (ici la raison face aux sens), l'homme est en outre victime de son imagination,«cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer» (82), de la coutume ouencore de son amour-propre :
«Le moi est haïssable : [...] il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout ; il est incommode aux autresen ce qu'il veut les asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres.»
(Pensée 455)
Ce qui, en définitive, symbolise le mieux la grande misère de l'homme, c'est sa situation dans l'univers : perdu entreles deux infinis, l'infiniment grand et l'infiniment petit, l'homme se voit vertigineusement égaré dans un monde dont ilne peut saisir qu'une infime parcelle :.
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