Pantagruel (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée) de Rabelais
Publié le 29/11/2018
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Pantagruel
Si les éditions complètes de l’œuvre de Rabelais donnent d’abord le Gargantua, puis le Pantagruel, on se souviendra pourtant que le second fut publié avant le premier. Dans le Prologue du Pantagruel, Rabelais fait explicitement allusion à un roman d’aventures imprimé à Lyon, sans nom d’auteur, les Grandes et Inestimables Cronicques de l'énorme géant Gargantua [voir Grandes et inestimables cronicques], qui venait de paraître avec grand succès, et annonce offrir, avec Pantagruel, « un aultre livre de mesme billon ». L'histoire du père étant ainsi connue par ailleurs, il a entrepris de raconter celle du fils, auquel il donne un nom étranger à la légende gargantuine et emprunté à la tradition médiévale des mystères : petit démon de la mer, Penthagruel y est le génie de la soif. Dans son ouvrage, Rabelais semble d’abord n’avoir voulu que se divertir (ce qui n’interdit pas d’y voir plus qu’une bouffonnerie). Le succès de Pantagruel (huit rééditions ou contrefaçons entre 1533 et 1538) encourage Rabelais à écrire lui-même la vie du père, le Gargantua — où, du reste, il n’hésite pas à reprendre aux Grandes et Inestimables Cronicques des thèmes d’épisodes.
On a souvent noté que Rabelais suit à peu près le plan des romans de chevalerie : des Enfances Pantagruel précèdent des Prouesses Pantagruel. Mais, si Rabelais doit beaucoup aux romans de chevalerie (les tout premiers mots du Prologue y font songer, qui apostrophent les « Tresillustres et treschevaleureux champions, gen-tilz hommes et aultres »), il ne s’astreint guère à en imiter
vraiment le plan. Dans le cadre commode d’une chronique gigantale, il opte pour une structure à épisodes, favorable à la variété des récits, des tons, des propos. La geste du géant, qui raconte successivement son lignage, sa naissance, son enfance et ses prouesses, laisse sans cesse place à des « narrés », des récits, des dialogues, où le plaisir de dire et de conter se donne libre carrière. Du reste, comme l’a noté M.A. Screech, la première édition respire la joie; d’un bout à l’autre du livre, on ne remarque nulle amertume, nulle aigreur, et la satire vise d’abord à la drôlerie. Il n’en sera plus de même de l'édition de 1534.
«
célèbre
lettre de Gargantua à Pantagruel (chap.
vm) ce
qu'il est convenu d'appeler un hymne à la Renaissance
- qui, du reste, fait écho aux propos de Rabelais dans
sa lettre-dédicace de J'édition de Manardi.
La peinture
satirique de l'ancienne culture, celle des .
Cette désinvolture est le signe de la liberté nouvelle
du narrateur, maître de son œuvre, et qu'aucune
contrainte ne bride désormais, fût-elle celle de la logique
du récit et des personnages : le géant Pantagruel peut
n'être qu'un simple bonhommet; le savant qu'il est peut
ne rien comprendre aux diverses langues étrangères dans
lesquelles Panurge l'apostrophe; le fils respectueux et
dévoué, qui, apprenant l'expédition des Dipsodes, quitte
Paris «sans dire à Dieu à nully, car l'affaire requeroit
diligence », peut en route s'attarder à chercher pourquoi
les lieues de France sont si petites au regard de celles
des autres pays.
Au demeurant, cette liberté du narrateur
n'est pas le simple gage d'aventures extraordinaires,
volontiers pimentées d'étrangeté ou d'exotisme: le
voyage d' Alcofrybas dans la bouche de son maître (chap.
xxxn) -épisode qui est à nouveau pour lui l'occasion
d'assurer qu'il ne dit rien que de vrai : « Juppiter me
confonde de sa fouldre trisulque si j'en mens » -lui fait
rencontrer un brave homme qui plante des choux et qui lui
déclare que œ monde est si loin d'être «un nouveau monde
>> qu'au contraire « on dist bien que hors d'ici y a
une terre neufve où ilz ont et soleil et lune, et tout plein
de belles besoignes; mais cestuy-cy est plus ancien ».
Cet imprévu maintient le lecteur dans un état de per
pétuelle incertitude, comme le fait aussi la structure du
système des personnages.
A la façon des romans de che
valerie, Rabelais organise ce système selon une série
d'oppositions simples: c'est, par exemple, celle du géant
Pantagruel et du géant Loupgarou, ou celle du bon roi et
du mauvais roi.
Mais Panurge échappe curieusement à
ce schéma: si, d'une certaine manière, il est le double
du héros -l'épisode des trophées (chap.
xxvn) le mon
tre bien -, s'il peut être son substitut -ainsi lors de
l'épisode de Thaumaste (chap.
XVIII à xx), où le savoir
du disciple atteste celui du maître -, il est aussi
l'homme aux mille ruses, volontiers compagnon d'indi
vidus douteux, et avec qui Alcofrybas lui-même refuse
de s'associer (chap.
XVII): c'est pourtant à lui que Panta
gruel donne son amitié; et cette affection toute spéciale
- que rehaussent d'ailleurs la verve et l'agilité d'esprit
de Panurge -entretient, dans le livre, une sorte de
séduction du mal : excellent représentant de cette
« science sans conscience» où Gargantua, au chapitre
VIII, ne voit que« ruine de l'âme », Panurge, dès le chapi
tre IX, devient celui qui arrête l'attention de Pantagruel
et à qui ce dernier propose de faire « un nouveau pair
d'amitié telle que feut entre Enee et Achates ».Il est bien
de ces gens dont Gargantua vient de dire, au chapitre
précédent : « Je voy les brigans, les bourreaulx, les avan
turiers, les palefreniers de maintenant, plus doctes que
les docteurs et prescheurs de mon temps », phrase qui
n'est pas seulement une reconnaissance de la diffusion
de la nouvelle culture puisqu'à la fin de la lettre il distin
gue science et sapience et, à l'adresse de son fils, pré
cise : « Fuis les compaignies des gens esquelz tu ne veulx
point resembler ».
Quand on pense à l'importance de
1' idée de ressemblance dans cette lettre, on est porté à
donner à ce conseil quelque poids..
»
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