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PANTAGRUEL de François Rabelais (résumé & analyse)

Publié le 08/11/2018

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PANTAGRUEL. Deuxième récit du cycle des géants de François Rabelais (vers 1483-1553), dont le titre complet est : Pantagruel, roi des Dipsodes. Restitué à son naturel, avec ses faits et prouesses épouvantables, publié sous le pseudonyme anagrammatique d'Alcofrybas Nasier à Lyon, chez Claude Nourry, en 1532. Il se présente comme la suite des Grandes et Inestimables Chroniques du grand et énorme géant Gargantua, ouvrage anonyme (à ne pas confondre avec le *Gargantua de Rabelais), qui remporta un vif succès la même année. Après plusieurs rééditions, c'est en 1542 que le texte est fixé dans sa forme définitive (à Lyon chez François juste) : la richesse verbale s'y accroît, tandis que certaines formulations subversives disparaissent.
 
Dès le Prologue, où le narrateur-bonimenteur fait tout ensemble l'éloge des romans de chevalerie et de leurs parodies populaires, l'ouvrage s'inscrit dans une double filiation : les modèles littéraires sont vraisemblablement les Macaronées de Folengo (1517) et le Mor-gante de Pulci (1481), où des géants pleins de force, d'appétit et de bonhomie s'entourent de compagnons qui incarnent chacun une vertu ou un pouvoir particulier; mais le récit se nourrit surtout de la tradition carnavalesque, où la référence omniprésente au corps transforme en bouffonnerie l'ordre social, politique et religieux.
Fils de Gargantua, et dernier d'une lignée de géants. Pantagnuel en naissant provoque la mort de sa mère Badebec. Dès son enfance. il montre une force physique et un appétit peu communs (chap. 1-4). Gargantua prend très à cœur l'éducation du jeune géant : il lui donne de savants compagnons, l'envoie faire la tournée des universités, et lui adresse. à Paris, une lettre qui contient un vaste programme intellectuel. Devenu « abysme de science », Pantagnuel parvient à démêler un procès inextricable, ce qui lui vaut d'êêtre comparé à Salomon (S-8). Un jour. il rencontre Panurge. vagabond hâbleur pour qui il se prend aussitôt d'une vive amitié. Homme de toutes les prouesses verbales. Panurge n'est jamais en peine d'espiègleries. et ne dédaigne pas les plaisanteries de mauvais goût (9-22). lorsque Pantagruel apprend que les Dipsodes ont envahi le pays de son père, il quitte Paris. suivi de tous ses compagnons. Il remporte de faciles victoires sur les troupes ennemies. qu'il noie dans son urine, avant de vaincre en combat singulier loup Garou. chef des géants mercenaires des Dipsodes (23-3 1 ). les hasards de la guenre font entrer le narrateur, maître Alcofrybas Nasier, dans l'énorme bouche de Pantagnuel, où il découvre un « nouveau monde ». peuplé d'êtres vivants et curieusement semblable au nôtre (32-34).

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« du héros : à la vigueur physique de l'enfant, expression de la brutalité anarchique des instincts, succède l'acuité Intellectuelle de l'étudiant, puis l'énergie du guerrier qui défend sa terre contre l'envahisseur.

Cette pro­ gression est conforme au vœu exprimé par Gargantua dans la fameuse lettre à son fils : « Que je voie un abysme de science : car dorénavant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra ysslr [sortir) de cette tranquillité et repos d'estude, et apprendre la cheva­ lerie et les armes pour défendre ma maison [ ...

) contre les assaulx des mal­ faisans." La structure de l'œuvre n'en est pas moins pro bl ém atiq ue : Rabelais juxta· pose des épisodes dont le contenu et la tonalité sont très différents (chap.

7-9), les indications temporelles sont vagues et désinvoltes (« Quelque jour ...

»,« Un jour, je ne sçays quand ...

» ), et certains développements (16-17, 21-22) relè­ guent le héros au second plan, quand ils ne le font pas totalement oublier.

Cette discontinuité, trop systématique pour n'être pas concertée, est en fait une revendication de liberté.

Aux contraintes de l'ordre linéaire, le récit préfère une logique de la rupture, où chaque élément suscite son contraire.

L'épisode initial est à cet égard révéla­ teur.

La naissance de Pantagruel est à la fols douleur (la mort de Badebec) et joie (la beauté du nouveau-né), larmes et rires entre lesquels Gargantua ne cesse d'osciller : "Et ce disant, pleuroit comme une vache ; mais tout soudain rioit comme un veau, quand Panta­ gruel lui venoit en mémoire ,.

(3).

Les épisodes suivants, prouesses du savoir et des armes, obéiront à la même disposition binaire : tout élément sérieux y sera l'objet d'un détrônement et d'un travestissement bouffons.

Comme l'a souligné Mikhai1 Bakhtine, il ne faut pas y voir une ironie néga­ tive, mals l'affirmation simultanée, joyeuse, de l'endroit sérieux et de l'envers bouffon des choses.

En associant la sagesse humaniste à la farce la plus débridée, le récit s'ins­ talle dans une ambivalence qui rend indéctdable le sens de certains épiso­ des.

La situation du chapitre 8, où Gar­ gantua, très solennellement, recense les matières et les objectifs du pro­ gramme humaniste, en est la meilleure preuve : la lettre du géant à son fils est encadrée par l'énumération des livres ineptes de la bibliothèque Saint-Victor (7) et les prouesses d'un Panurge capa­ ble de maîtriser langues vivantes et langues antiennes (9) ; à l'allure didac­ tique d'un programme soucieux de cohérence, les chapitres 7 et 9 oppo­ sent un joyeux hétéroclisme, ivre de sa richesse verbale.

Mals Il y a plus : Pan­ tagruel, qui a reçu l'ordre d'apprendre les langues (grec, latin, hébreu), est confronté brusquement à un vagabond polyglotte, qui lui renvoie, comme en un miroir brisé, la caricature de l'idéal humaniste.

Où est l'image rabelai­ sienne du savoir -dans la facétie ou dans la réflexion pédagogique ? n serait vain de chercher une " vérité " du récit qui exclurait l'une ou l'autre de ces dimensions : sa force tient précisément à ce brassage de l'humanisme militant et de la culture populaire.

Au fil des chapitres, il devient évi­ dent que cette dualité s'incarne dans les deux personnages principaux, Pan­ tagruel et Panurge.

Une fois son éduca­ tion terminée, le géant se fait porte­ parole d'un humanisme chrétien, où l'action de l'homme n'a de sens et de valeur qu'au regard de la toute-puis­ sance divine (29).

Par contraste, Panurge est prompt à justifier son inconduite avec une inquiétante vir­ tuosité : au chapitre 17, il accommode à sa façon le « centuplum accipies » [«Tu recevras au centuple ») de l'Evan­ gile, en pillant les troncs des églises chaque fois qu'il y glisse une pièce.

Le. »

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