ORGANISATEUR (L') Saint-Simon (résumé)
Publié le 15/11/2018
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ORGANISATEUR (L') Saint-Simon (Claude Henri de Rouvroy, comte de). Journal social, 1819.
Considéré comme l’un des fondateurs du socialisme, Saint-Simon (1760-1825) est l’auteur d’un ensemble d’ouvrages théoriques qui remettent en question les fondements de l’organisation de la société au début du xix* siècle. Définissant l’objet d’une science de l’homme, examinant la dynamique des conflits sociaux, il croit à l’avènement d’une société industrielle basée sur la rationalité économique, et préconise l’organisation politique de l’Europe. Dans la parabole des frelons et des abeilles qu’il publie dans L’Organisateur de 1819, il suppose que la France a perdu les quelque trois mille citoyens «les plus capables dans les sciences, dans les beaux arts, et dans les arts et métiers».
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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Saint-Simon, l'Organisateur (extrait) - anthologie historique.
À partir de 1819, Saint-Simon publie périodiquement une suite d’opuscules qui mettent en avant la nécessité de parvenir, avec l’aide du corps social tout entier, au biencommun et de combattre les maux de l’humanité.
Dans l’Organisateur, Saint-Simon, en concevant toute activité dans le soucis du bien être collectif, donne à l’économie une place prépondérante dans l’organisation sociale qu’il conçoit.
Premier « socialiste », il montre que le pays perdrait moins à la disparition de la famille royale et de lanoblesse qu’à celle des membres actifs de la société (savants, agriculteurs, industriels).
Saint-Simon critiquant la politique
Nous supposons que la France perde subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers physiologistes, sescinquante premiers poètes, ses cinquante premiers peintres, ses cinquante premiers sculpteurs, ses cinquante premiers musiciens, ses cinquante premiers littérateurs ;
Ses cinquante premiers mathématiciens, ses cinquante premiers ingénieurs civils et militaires, ses cinquante premiers artilleurs, ses cinquante premiers architectes,ses cinquante premiers médecins, ses cinquante premiers chirurgiens, ses cinquante premiers pharmaciens, ses cinquante premiers marins, ses cinquante premiershorlogers ;
Ses cinquante premiers banquiers, ses deux cents premiers négociants, ses six cents premiers cultivateurs, ses cinquante premiers maîtres de forges, ses cinquantepremiers fabricants d’armes, ses cinquante premiers tanneurs, ses cinquante premiers teinturiers, ses cinquante premiers fabricants de coton, ses cinquante premiersfabricants de soieries, ses cinquante premiers mineurs, ses cinquante premiers fabricants de drap, ses cinquante premiers fabricants de toile, ses cinquante premiersfabricants de quincaillerie, ses cinquante premiers fabricants de faïence et de porcelaine, ses cinquante premiers fabricants de cristaux et de verrerie, ses cinquantepremiers armateurs, ses cinquante premières maisons de roulage, ses cinquante premiers imprimeurs, ses cinquante premiers graveurs, ses cinquante premiersorfèvres et autres travailleurs en métaux ;
Ses cinquante premiers maçons, ses cinquante premiers charpentiers, ses cinquante premiers menuisiers, ses cinquante premiers maréchaux, ses cinquante premiersserruriers, ses cinquante premiers couteliers, ses cinquante premiers fondeurs, et les cent autres personnes de divers états non désignés, les plus capables dans lessciences, dans les beaux-arts, et dans les arts et métiers, faisant en tout les trois mille premiers savants, artistes et artisans de France.
Comme ces hommes sont les Français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les produits les plus importants, ceux qui dirigent les travaux les plusutiles à la nation, et qui la rendent productive dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la fleur de la société française.
Lanation deviendrait un corps sans âme à l’instant où elle les perdrait ; elle tomberait immédiatement dans un état d’infériorité vis-à-vis des nations dont elle estaujourd’hui la rivale, et elle continuerait à rester subalterne à leur égard tant qu’elle n’aurait pas réparé cette perte, tant qu’il ne lui aurait pas repoussé une tête.
Ilfaudrait à la France au moins une génération entière pour réparer ce malheur, car les hommes qui se distinguent dans les travaux d’une utilité positive sont devéritables anomalies, et la nature n’est pas prodigue d’anomalies, surtout de celles de cette espèce.
Passons à une autre supposition.
Admettons que la France conserve tous les hommes de génie qu’elle possède dans les sciences, les beaux-arts et dans les arts etmétiers, mais qu’elle ait le malheur de perdre, le même jour, Monsieur frère du roi, Monseigneur le duc d’Angoulême, Monseigneur le duc de Berry, Monseigneur leduc d’Orléans, Monseigneur le duc de Bourbon, madame la duchesse d’Angoulême, madame la duchesse de Berry, madame la duchesse d’Orléans, madame laduchesse de Bourbon, et mademoiselle de Condé ;
Qu’elle perde en même temps tous les grands officiers de la Couronne, tous les ministres d’État, avec ou sans département, tous les conseillers d’État, tous les maîtresdes requêtes, tous ses maréchaux, tous ses cardinaux, archevêques, évêques, grands-vicaires et chanoines, tous les préfets, tous les employés dans les ministères, tousles juges, et, en sus de cela, les dix mille propriétaires les plus riches parmi ceux qui vivent noblement.
Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu’ils sont bons, parce qu’ils ne sauraient voir avec indifférence la disparition subite d’un aussi grandnombre de leurs compatriotes.
Mais cette perte des trente mille individus réputés les plus importants de l’État ne leur causerait de chagrin que sous un rapportpurement sentimental, car il n’en résulterait aucun mal politique pour l’État.
La prospérité de la France ne peut avoir lieu que par l’effet et en résultat des progrès des sciences, des beaux-arts et des arts et métiers ; et, les princes, les grandsofficiers de la couronne, les évêques, les maréchaux de France, les préfets et les propriétaires oisifs, ne travaillent point directement aux progrès des sciences, desbeaux-arts et des arts et métiers ; loin d’y contribuer, ils ne peuvent qu’y nuire, puisqu’ils s’efforcent de prolonger la prépondérance exercée jusqu’à ce jour par lesthéories conjecturales sur les connaissances positives ;
Ces suppositions font voir que la société actuelle est véritablement le monde renversé.
Source : Œuvres de Claude-Henri de Saint-Simon, tome 2, « l'Organisateur », Paris, éditions Anthropos, 1966.
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