Oeuvres poétiques de Leopardi
Publié le 07/04/2013
Extrait du document
Le fameux critique littéraire Sainte-Beuve a consacré à Leopardi, en 1844, l'essai le plus important paru hors d'Italie sur cet auteur. A une époque où, en France, le poète était pratiquement inconnu, Sainte-Beuve a largement contribué à la diffusion de ses oeuvres. Rares ont été les amours de Leopardi, mais sa liaison malheureuse avec Fanny Targioni-Tozzetti est à l'origine des plus belles pièces de poésie qu'il ait jamais écrites.
«
« Elle ne te volt plus,
cette terre natale ...
,.
A SYLVIA
Sylvia, te souvient-il encore
De ce temps de ta vie mortelle
Où la beauté resplendissait
Dans tes regards rieurs,furtifs ,
Et que tut' élevais, heureuse et sage,
Aux bords de ta jeunesse ?
Les chambres calmes résonnaient,
Et les rues à l'entour,
De ta chanson perpétuelle .
Assise aux travaux féminins
Tu souriais
à l'avenir rêveur
Que tu portais
en toi ;
Ainsi dans les senteurs de mai
S'é coulaient tes journées.
Quittant parfois les études charmeus es,
Les pages ensuées
Où ma part la meilleure ,
Où mon printemps se consumai t,
Je venais au balcon
De la demeure paternelle
Pencher l'oreille vers ta
voix
Et ta main déliée
Volant sur une toile ardue .
J e con templais le ciel tranquill e,
Les rues dorées et les vergers,
I
ci les mont s, là-bas la mer lointaine :
Langue
au monde ne saurait dire
Ce que mon âme ressentait .
Que de songes suaves ,
Quels espoirs
et quels cœ urs, ô Sylvia!
Quelle pur e apparen ce
De notre vie et du destin .
Quand je me ressouviens d'une si belle attente,
Pressé
d'une pensée cruelle
Je rentre inconsolable
Aux souffrances anciennes.
Ô Nature, Nature ,
Pourquoi
n'avoir tenu
Tes promess
es d'alors ? Pourquoi
Te jouer de tes fils ?
Dès avant quel' hiver eût séché les verdures,
Battues , vaincue
d'un mal obscur ,
Tu mourus , ô très douce!
Tu ne vis pas la fleur de tes années ,
Ni ton cœur
ne mollit
D'entendre célébrer
ta sombre chevelure,
Et tes beaux yeux désireux et craintifs ;
Ni tes amies
aux jours de fête
Avec toi n'ont devisé d'amour .
Bientôt mourait aussi
Ma très chère espérance; à mes années
Aussi les destins dénièrent
La fleur de la jeune sse.
Hélas!
Passée, comme tu es passée ,
Amie de ma saison première,
Espoir trempé de larmes !
Est-ce là notre mond e ? Est-ce là
Cet amour , ces plaisirs, ces actions,
Ces beaux événements dont nou s parlions ensemble ?
Est-ce le sort des nations humaines ?
La véri té parut ,
Tu
tombas , ô c hétive !
Montrant d'un doigt lointain
Près d'une tombe nue , la mort glacée.
« Voici la clarté qui éclate là-bas •..
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« La faculté maîtresse de Leopardi est
l'imagination.
Il est toujours poète
et artiste
et, en tant que poète,
il reste subjectif ,
penché sur les moindres fluctuations de son
âme, au point de se désintéresser souvent du
reste des humains.
Ce sont la colère, la
tendre sse, l'amour, parfois le sarca sme ou
le dédain qui font de lui un grand penseur.
Marquis
de Casa-Fuerte,
« Giacomo
Leopardi », dans Rev ue de France,
juillet/août 193 7.
«Notre Leopardi : je ne sais si aucun
écrivain, hors Pasca l, eut autant de cœur
que lui.
Il ne sut rien qu'
aimer: un amour
s an s limites pour sa patrie, une pitié sans
limite s pour lui-même et ses frère s humains.
Il a des accords infinis ;
il sait domier à la
moindre syllabe,
à peine effleurée, un
pouvoir immédiat
d'évocation; des accents
d 'indicible tendresse assurent au
cruel·
déploiement de sa vaste dialectique sa
flamme
et son unité de mesure.
» Giuseppe
Ungaretti, préfa ce aux Œuvres de 1.;eopardi,
Éd.
del Luca, 1964.
Il
s'apparente
à Jean-Jacques Rousseau en
ce que ses conceptions, ses aphorismes, ses
pensées sont le produit d'un e évocation,
d 'un souvenir,
d'une doul e ur épro uv ée.»
1.
2 .
3.
4 ~v .
d"auteurs divers/ 6d.
Ohidinî e Fiorini .
Vtrone.
1963
« Giacomo Leopardi a beaucoup souffert ;
il a sublimé ses souffrances en quelque s
courts poèmes lyriques qui sont parmi les
plus parfaits du monde .
Romantique par
époque
et par nature, il était nourri de
culture antique.
Sur des pensers nouveaux ,
il faisait des vers ancien s et retrouvait la
gracieu se rigueur des poètes grecs.
»
André Maurois, « Giacomo Leopardi »,
dans La Rev ue de Paris, novemb re 1955.
LEOPARD I02.
»
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