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Objet d’étude : la littérature d’idées Jean de La Bruyère, « Du Souverain ou de la République » (Caractères, 1688)

Publié le 24/04/2024

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« Objet d’étude : la littérature d’idées Jean de La Bruyère, « Du Souverain ou de la République » (Caractères, 1688)   La guerre a pour elle l'antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire périr les frères à une même bataille.

Jeune Soyecour1 ! je regrette ta vertu, ta pudeur, ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable, je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que te montrer : malheur déplorable, mais ordinaire! De tout temps les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire ; ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus solide réputation ; et ils ont depuis renchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement.

De l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source, est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits et leurs prétentions.

Si, content du sien, on eût pu s'abstenir du bien de ses voisins, on avait pour toujours la paix et la liberté. 1. Jeune homme tué à la guerre et dont La Bruyère avait peut-être été le précepteur. COMMENTAIRE COMPOSÉ La littérature d’idée est l’un des grands genres de la littérature française comme de toutes les littératures européennes.

À compter des XVIe et XVIIIe siècles, cette littérature s’émancipe du contexte religieux chrétien qui avait été le sien et elle s’affiche comme une littérature proprement critique, en contournant la censure étatique bien connue.

C’est dans cette perspective que Jean de la Bruyère, célèbre moraliste, publie entre 1688 et 1696 Les caractères.

Dans cet ouvrage, il se donne pour objectif d’être le plus fidèle possible à cette vérité qu’il peint « d’après nature » et il dresse un véritable portrait de son époque.

La partie la plus connue de cette œuvre, ce sont les Caractères : une succession de petits portraits qui décrivent ce qu’on appelle des « types », types que l’on peut encore rencontrer de nos jours.

Mais dans cet ouvrage composite, il dénonce aussi un certain nombre de faits regrettables de l’humanité : et l’un d’eux, c’est le phénomène que nous appelons la guerre. Dans le texte argumentatif qui nous est proposé Jean de la Bruyère essaie d’établir la cause, l’origine de ce phénomène universel, qui touche toutes les sociétés, à toutes les époques.

Et qui le touche lui, directement, dans la perte de deux jeunes hommes qu’il connaissait manifestement. Nous montrerons par quels procédés l’auteur tente de rendre compte dans la nature humaine de l’entrée dans l’humanité de la guerre, et des motivations qui gouvernent les hommes qui se battent.

Et nous montrerons comment la rhétorique de l’émotion, en incise, vient rompre une stratégie argumentative qui est fondée sur une analyse philosophique de la guerre, de sa « naissance », de son universalité et de sa source problématique. I La guerre : un fait universel et destructeur de vies et de jeunesse L’objectif de La Bruyère est une tentative de reconstruire une sorte d’histoire imaginée des origines de la guerre.

En quelque sorte, le premier moment dans l’histoire où deux hommes se battent.

Il fait ce qu’on appelle une « genèse symbolique ».

C’est une reconstruction et elle s’ouvre par une dénonciation de la guerre comme fait universel : dès la ligne 1, la guerre a pour elle l’antiquité, ce qui signifie qu’elle est très ancienne, et elle est « de tout temps (l.

5).

Il y a une insistance sur ce caractère universel, donc dans la nature humaine même. La rhétorique de l’émotion vient renforcer cette dimension universelle.

De la ligne 3 à la ligne 5, L B évoque avec regret les deux jeunes hommes, deux jeunes nobles qu’il a connu à la cour du roi et qui sont morts à la guerre tous deux.

Dans ce passage, La Bruyère montre toute sa virtuosité stylistique : le rythme ternaire est soutenu par deux gradations successives qui insistent sur le sacrifice de deux jeunes existences pleines de promesses dont il évoque : la vertu, la pudeur et la maturité déjà grande.

Et l’auteur renchérit sur ces Marion Duvauchel-Alternativephilolettres 1   qualités en insistant encore, ce dont témoigne l’énumération d’adjectifs des plus louangeurs : pénétrant, élevé, sociable (leur esprit).

Toutes qualités appréciées par la noblesse d’alors. D’emblée la dénonciation de la guerre est établie, à la fois de manière argumentative, mais avec une touche d’émotion qui renforce le poids de cette critique. Mais c’est la dimension argumentative qui prévaut, en particulier de la ligne 5 à la fin, lorsque La Bruyère rend compte de la « naissance » de la guerre.

Comment naît ce phénomène universel, de tous les temps, de.... »

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