NAUSÉE (La) de Jean-Paul Sartre : Fiche de lecture
Publié le 16/11/2018
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NAUSÉE (La)
Jean-Paul Sartre. Roman, 1938.
Antoine Roquentin se trouve soudain en proie à une étrange crise de folie : le monde lui apparaît absurde, jusqu’à l’écœurement. Rien n’échappe à cette révélation brutale, ni les autres (les bourgeois de Bouville, par exemple, dont la description des ridicules donne au roman une veine satirique), ni Anny,
l’amie dont la présence devient moins nécessaire et dont il s’éloigne progressivement. Renonçant à écrire son livre d'Histoire qui le ramène encore au monde des existants, Roquentin, qui désormais se survit, trouve le salut dans la création artistique et la fiction. Chronique monologuée de la faillite d’un homme voué à la solitude, hanté par des images obsédantes, La Nausée est aussi un récit philosophique où figures et formes manifestent l’effondrement d’une culture: caricatures d’Autodidacte, incarnation de l’humanisme déchu) et pastiches (recours à la fiction du manuscrit trouvé, parodie du Cogito de Descartes, d’une page d'Eugénie Grandet) ruinent les modèles antérieurs et concluent à leur vanité.
«
La Nausée de Jean-Paul Sartre (fiche de lecture)
Un point de repère de la conscience moderneEn écrivant La Nausée, Sartre tentait une difficile gageure : à première vue, rien de plus impropre à la philosophiequ'un roman.
L'oeuvre à thèse pointait à l'horizon.
Pourtant, non seulement l'auteur de L'Etre et le Néant a évité cetécueil qui guette tout philosophe candidat à la littérature, mais, en faisant de la grande littérature, il a enrichi laréflexion philosophique.
Son roman est un vrai roman.
En outre, les idées qu'il exprime à travers l'expérience de sonpersonnage, Roquentin, n'auraient pu être incarnées autrement.
Il y a parfaite adéquation entre le fond et la forme.La Nausée est un texte de littérature pure et la pensée qui s'en dégage tire avant tout sa profondeur et sa force del'invention romanesque.
Dépouillée des abstractions théoriques, la philosophie, grâce au roman, retrouve sa vraiefonction, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : poser l'interrogation la plus simple sur l'existence humaine, surla situation de l'homme, son rapport avec les êtres et les choses qui l'entourent.
Alors, le roman n'est plus un miroirqu'on promène le long du chemin, mais un miroir dans lequel chacun de nous peut se regarder, réfléchir sur soi-même, se réfléchir.L'auteur de La Nausée précède le Sartre de l'engagement politique, le Sartre des Temps modernes, le compagnon deroute des communistes.
C'est Sartre avant Sartre.
Bien plus, c'est Sartre contre Sartre.
Les réponses qu'il voudradonner aux questions angoissées qu'il pose dans ce premier roman le conduiront sur de fausses pistes, sur des voiessans issue.Curieusement, dans La Nausée, il dénonçait les pièges dans lesquels il tombera lui-même plus tard.
A la fin de sonparcours, revenu de ses illusions, il avouera que, en dépit des théories, des slogans, des emportementsidéologiques, la chose qui avait le plus compté dans sa vie, c'était le jeu des Mots.
Il revenait à son point de départ.A l'état brut, à l'abri de toute spéculation artificieuse, de toute idée préconçue, les intuitions fondamentales del'existentialisme sont déjà contenues dans La Nausée, ce premier roman par lequel Sartre faisait son entrée enlittérature et qui reste un point de repère essentiel de la conscience moderne.
Résumé
Un avertissement des éditeurs présente le texte comme trouvé parmi les papiers d'Antoine Roquentin.
H auraitcommencé à écrire ces cahiers en janvier 1932.
A cette date, il s'était déjà fixé depuis trois ans à Bouville pour yachever ses recherches historiques sur le marquis de Rollebon.Premiers signes de changementRoquentin a décidé de tenir un Journal afin d'y noter les signes de changement qu'il constate dans sa perception desobjets.
Il relate ses occupations quotidiennes : les heures passées à la Bibliothèque à travailler à sa biographie deRollebon.
Il est très seul et ne fréquente personne, sauf l'Autodidacte qu'il rencontre à la Bibliothèque et Françoise,la patronne du Rendez-vous des cheminots où il a ses habitudes et avec laquelle il baise de temps en temps parhygiène.Roquentin pense parfois à Anny, une femme qu'il a aimée, qui l'a quitté.
Les troubles qu'il éprouve dans ses rapportsavec les choses, avec lui-même, s'intensifient.
Un jour, il note dans son Journal : «Ça ne va pas! ça ne va pas dutout: je l'ai, la saleté, la Nausée.
» Une envie de vomir l'a pris dans le café où il vient tous les jours.
La Nausée sefixe sur tout ce qu'il voit, sur les bretelles et la chemise du cousin Adolphe qui remplace la patronne au comptoir.Roquentin demande qu'on lui passe au phono une chanson : « Some of these days », un ragtime chanté par unechanteuse noire.
La musique triomphe de la Nausée.Pour essayer d'échapper à cette sensation, Roquentin se promène dans les rues de Bouville.
Il aime particulièrementle boulevard Noir, « un envers », « un couloir droit et sale » qui respire l'abandon.
Il assiste à une scène de ruptureet reconnaît dans la femme Lucie, la bonne de son hôtel.
Il envie la capacité de souffrance qu'elle révèle, car poursa part, Roquentin se sent, depuis trois ans, calme et vide.Entre deux séances de travail à la Bibliothèque, il descend fumer une pipe dans la cour des Hypothèques etcontemple la statue de Gustave Impétraz, une gloire intellectuelle locale.
Il est accosté par l'Autodidacte quiconsacre tous ses loisirs à la lecture.L'Autodidacte témoigne sa respectueuse admiration pour quelqu'un comme Roquentin qui «a le bonheur d'écrire unlivre ».
Roquentin s'intéresse aux lectures de l'Autodidacte et a la surprise de découvrir que celui-ci s'instruit parordre alphabétique.
Il lit actuellement tous les auteurs dont le nom commence par la lettre L : «Je le contempleavec admiration.
Quelle volonté ne lui faut-il pas, pour réaliser lentement, obstinément, un plan de si vasteenvergure? »
Le dimanche à BouvilleRoquentin reçoit la visite de l'Autodidacte à qui il a promis de montrer des photos de voyage.
Sa conversation avecl'Autodidacte l'amène à réfléchir sur son propre passé.
Il constate qu'il n'a jamais eu d'aventures.
Les histoires qui luisont arrivées n'ont jamais eu de vrais commencements.
Il évoque le bonheur qu'il éprouve à entendre une négressechanter : «...
quels sommets n'atteindrais-je point si ma propre vie faisait la matière de la mélodie».
Il s'interrogeensuite sur l'opposition entre le temps narratif et le temps vécu :«...
il faut choisir : vivre ou raconter [...] mais quand on raconte la vie tout change...
la fin transforme tout...
J'aivoulu que les moments de ma vie se suivent et s'ordonnent comme ceux d'une vie qu'on se rappelle.
Autant vaudraittenter d'attraper le temps par la queue.
»A Bouville, le dimanche est un véritable événement.
Les bourgeois sortent, se promènent, se saluent.
Roquentin.
»
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