Nana de Zola
Publié le 06/04/2013
Extrait du document

Le personnage de Nana est devenu instantanément très célèbre : Manet et Renoir ont tous deux intitulé un de leurs tableaux de ce prénom.

«
EXTRAITS
Pour découvrir le
monde du spectacle
qu'il ne connaissait
pas , Zola demanda à
Ludovic Halévy , au
teur de nombreuses
opérettes à succès,
de lui faire visiter les
Variétés, théâtre à la
mode .
Il y rencontra
l a
grande c h ante use
Hortense
Schn eider.
Grâce à ces élément s,
il
put écrire la
première scène de
Nana.
La première apparition de Nana
va consacrer sa beauté
A ce moment, les nuées, au fond, s' écartè
rent , et Vénus parut.
Nana, très grande,
très forte pour ses dix-huit ans, dans sa
tunique blanche
de déesse, ses longs che
veux blonds simplement dénoués sur les
épaules, descendit vers
la rampe avec un
aplomb tranquille, en riant au publi
c.
Et
elle entama son grand air :
Lorsque Vénus rôde
le soir.
..
Dès
le second vers, on se regardait dans la
salle.
Était-ce une plaisanterie, quelque
gageure de Bord enave
? Jamais on n'avait
entendu une voix aussi fa
us se, men ée avec
moins
de méthod e.
Son directeur la jugeait ~----------'---------.
bien, elle chantait
" ...
et Vénus parut.
Nana, très grande,
trè s forte pour ses dix huit ans, dans sa
tunique blanche de
dée sse, ses long s cheveux blond s simplement dénoué s sur les épaules ...
"
comme une seringue .
Et elle ne savait même
pas se tenir en scène,
elle jetait les mains en
avant, dans un balan
ce
me nt de tout son
corps, qu'on trouva
peu conve nable et dis
gracieux .
De s oh !
oh !
s'élevaient déjà
du
parterre e t des
petites places, on sif
flotait, lorsqu'une
voix de jeune coq en
train de muer, aux
fauteuils d'orchestre,
lança avec conviction:
- Très
chic!
Devant Nana, le comte prend
conscience de ce qu'est sa maîtresse
Et, lâchant la chemise, attendant que Mu/
fat eût fini sa
lecture , elle resta nue.
Muffat
li sait lentem ent.
La chronique de Fau
chery, intitulée
la Mouche d'or, était/' his
toire d'une fille, née de quatre ou cinq
générations d'ivrognes,
le sang gâté par
une longue hérédité de misère et de boi s-
son, qui se tran sformait chez ell e en un
détraquement nerveux de son sexe de
femme.
Elle
avait poussé dans un fau
bourg, sur le pavé parisien ; et, grande,
belle ,
de chair superbe ainsi qu'un e plante
de plein fumier, elle vengeait les gueux et
l es abandonnés dont ell e était
le produit.
Avec elle,
la pourriture qu'on laissait fer
menter dans
le peuple remontait et pour
rissait /'aristocratie .
Elle devenait une
force
de la nature, un ferment de destruc
tion , sans le vouloir elle-même , corro m
pant et désorganisant Paris entre ses
cuisses de neige, le faisant tourner comme
des femmes, chaque mois, font tourner
le
lait.
Dans l'hôtel du comte, Nana
la destructrice parachève son œuvre
Ce fut /'époque de son existence où Nana
éclaira Paris d'un redoublement de splen
deur .
Elle grandit encore à /'horizon du
vice , elle domina la ville de /'insolence
affichée de son luxe, de son mépris de
/'argent, qui lui faisait fondre publique
ment les fortunes.
Dans
son hôtel, il y avait
comme un éclat de
forge.
Ses co ntinuels
désirs y flambaient, un
petit souff le de ses
lèvres changeait /'or en
une cendre fine que le
vent balayait à chaque
heure.
Jamais on
n'avait vu une pareille
rage de dépense .
L 'h
ôte l semblait bâti
sur un gouff re , les
hommes avec leurs
biens, leurs corps,
jusqu'à leurs noms, s'y
englou tissaient , sans
lais ser la trace d'un
peu de poussière.
Pour renforcer la
véracité
des
descriptions
dans ce roman réaliste , Zola ,
qui se défini ssait lui
même comme chaste , mena l'enqu ête , in
terro
gea ses amis Goncourt et Daudet ,
visita des maisons de
passe ...
"Et, lâchant la chemise, attendant que
Muffat eût fini sa
lecture , elle re sta nue."
NOTES DE L'ÉDITEUR
La sortie de Nana (1880) consacre Zola
comme un
"romancier du social":
Zola apparaît comme un romancier réaliste :
« Avec Nana, Émile Zola a réussi ce tour
de force de faire exister, respirer -son rire
et son odeur sont à côté de nous -un être
comme il y en a tant , mais si difficile s
à
saisir : à la fois concrets et dense s, et pour
ainsi dire insubstantiels.
Nana la femelle,
Nana la chienne , tire parti , sans problème,
de l'attrait que son corps exerce sur les
hommes pour mener, avec un mélange de
violence animale et de passivité , une vie rudimentaire
du bonheur.
» -Roger Ripoll,
remarques sur
Nana , Garnier-Flammarion ,
1968.
« L' Assommoir avait contraint la critique à
rompre son silence et à reconnaître en Zola
une puissance avec laquelle il fallait
compter.
Nana a pleinement consacré cette
reconnaissance.
Consécration fracassante
acquise au milieu des polémiques soulevées
tant par l' œuvre elle-même que par la
théorie du roman expérimental.
» qui corresponde à sa représentation Flaubert
se montre enthousiaste :
« S'il fallait noter tout ce qui s'y trouve de
rare et de fort,
je ferais un commentaire à
toutes les pages
! Les caractères sont
merveilleux de vérité.
Les mots
"nature "
foisonnent; à la fin la mort de Nana est
michelangele sque !
» -Flaubert, lettre
à Zola, Le Seuil, 1980 .
Photo (a) détail du portrait de Zo la par Manet , 1868 , Musée d'Orsa y/ Edimédia ; (b, c, d, e) gravure s coloriées de M.
V en ès, Editions lavai et B ourde a ux/ cli chés B.N.
© MCMXCI Prolitteri s.
Zürich
Z OLA03.
»
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