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MOTS (les) Récit autobiographique de Jean-Paul Sartre (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

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MOTS (les) Récit autobiographique de Jean-Paul Sartre (1905-1980), publié à Paris dans les Temps modernes en octobre et novembre 1963, et en volume chez Gallimard en 1964.

 

En 1963, Sartre est au faîte de sa gloire : outre son activité militante, il a publié le premier volume de la Critique de la raison dialectique (1960), il est à la veille de refuser le prix Nobel (1964) et envisage le projet de l'Idiot de la famille (1971-1972). Il ne connaît donc pas ce répit, ou cet essoufflement, qui pousse bien souvent un écrivain à entreprendre ses Mémoires. C'est que, le titre devrait suffire à nous en convaincre, les Mots ne sont pas le bilan d’une vie, mais le récit d'une illusion, celle qui fait de la littérature un absolu, et la relation d'un arrachement au mythe des « belles-lettres ». Comme souvent dans l'œuvre de Sartre, la mise en mots témoigne d'une rupture avec une phase dépassée de l'existence. L'autobiographie n'est donc pas ici destinée à rassembler des souvenirs - c'est à Simone de Beauvoir qu'est dévolu ce rôle depuis les *Mémoires d’une jeune fille rangée - non plus qu'à renouer,malgré les apparences, avec une forme d'académisme littéraire que le « beau style » de l'œuvre pourrait laisser supposer. En fait, après avoir écrit sur Baudelaire (1947), Genet (1952) et Mallarmé (1953), Sartre éprouve le besoin d'en venir à un autre écrivain, lui-même, pour se demander : pourquoi suis-je devenu écrivain ? Or, même si jusque dans les années cinquante la pratique littéraire ne lui apparaît guère que comme un prolongement naturel de son existence, cette question, Sartre la porte en lui depuis longtemps : on le voit dès 1940, quand dans les Carnets de la drôle de guerre, il s'interroge sur le sens de sa « vocation littéraire » en fouillant dans son enfance; mais la réponse, de l'ordre de l'« illusion biographique », est alors encore fragmentaire. A en croire certaines de ses déclarations, c'est en 1953, dans un contexte politique et personnel agité, qu’il a conçu le projet d'écrire une autobiographie, à ce moment où, « jeté dans l'atmosphère de l'action, [il a] soudain vu clair dans l'espèce de névrose qui dominait toute [s]on œuvre antérieure » (à J. Piatier). Ainsi, la naissance de l'ouvrage est sous-tendue par la réflexion de l'auteur sur les rapports entre l'écriture et le politique et par sa conversion à la philosophie marxiste. Par une explication autocritique, il s'agit de remonter à la racine de cette « névrose d'écrivain », qui avait abouti à la morale du salut par l'art affirmée dans la *Nausêe. En pleine période de rejet de la littérature, un premier état est rédigé en 1954, sous le titre de «Jean sans Terre»; mais jugeant trop radicale sa condamnation de la littérature - « Il n'y a pas de raison de tramer un malheureux dans la boue parce qu'il écrit », dira-t-il en 1964 -Sartre remanie son texte, dont la sévérité sera atténuée dans la version de 1963. Sans pour autant renoncer à l'au-todérision, l'écrivain se propose alors,

par-delà une mise en « situation » personnelle, comme sujet exemplaire d'une époque - le xixe siècle finissant -et d'une classe - la bourgeoisie - à la lumière d'une méthode à la fois marxiste et psychanalytique. Mais les Mots peuvent aussi se lire comme un tombeau, au moins autant celui du mythe de l'écrivain que de la littérature. Tombeau somptueux, parce qu'édifié avec le matériau même - une langue et une culture exceptionnelles - de ce qu'il prétend ensevelir, mais tombeau ambigu, parce qu'y sont vivifiées, plus qu'elles n'y sont résolues, les contradictions de Sartre face au toujours fascinant prestige des mots.

 

I. « Lire ». « En Alsace, aux environs de 1850, un instituteur accablé d'enfants consentit à se faire épicier. » Charles Schweitzer, l’un des fils, conservant de son père le goût du sublime et de son éducation protestante celui de la spiritualité, opte pour un sacerdoce atténué, le professorat épouse au cours d'une carrière rapide Louise Guillemin, catholique mais cynique, fine mais froide. Leur fille cadette. Anne-Marie, « grande fille délaissée », épouse à son tour un officier de marine originaire de Thiviers en Périgord, Jean-Baptiste Sartre, qui « lui fait un enfant au galop ».

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« malgré les apparences, .avec une forme d'académisme littéraire que le « beau style » de l'œuvre pourrait laisser sup­ po ser.

En fait, après avoir écr it sur Bau­ delaire (1947), Genet (1952) et Mal­ larmé (1953 ), Sartre éprouve le besoin d'en venir à un autre écrivain, lui­ même, po ur se dem ander : pourquoi suis-je devenu écrivain ? Or, même si jusque dans les années cinquante la pratique littéraire ne lui apparaît guère que comme un prolongement naturel de son e xiste nce, cette quest ion , Sartre la por te en lui depuis longtemps : on le voit dès 1940, quand dans les Carnets de la drôl e de guerre , il s'inte rroge sur le sens de sa «vocation littéraire » en fouillant dans son enfance ; mais la r é pons e, de l 'ordre de l'. »

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