Mort DE SÉNÈQUe (la) de Tristan L'Hermite (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 25/10/2018
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Mort DE SÉNÈQUe (la). Tragédie de François L'Hermite, seigneur du Solier, dit Tristan L'Hermite (1601-1655), créée à Paris par la troupe de l'Illustre-Théâtre en 1644, et publiée à Paris chez Toussaint Quinet en 1645.
Pour sa troisième tragédie, l'auteur suit Tacite de près ; il s'inspire aussi de textes modernes, notamment de l'image crypto-chrétienne de Sénèque qu'avait donnée le P. Caussin. Tragédie de la conjuration, la Mort de Sénèque s'inscrit dans la lignée de la Mort de César (1636) de Scudéry, et de Cinna ; mais son climat, tout de violence et de désenchantement, annoncerait plutôt la Mort d’Agrippine (1653) de Cyrano. La pièce n'eut qu'un succès éphémère.
Sabine, sa seconde femme, incite Néron à éliminer Sénèque, son ancien précepteur (Acte I). Rufus, Pison et Sévinus, poussés par Épicaris, complotent contre Néron ; Sénèque admet que l'empereur est devenu un tyran, sans pouvoir se résoudre à agir contre celui dont il fut le maître. Épicaris est arrêtée (Acte II). Elle nie devant Néron, qui la fait torturer ; Sévinus est dénoncé et arrêté (Acte III). Émoi des conjurés ; Sévinus les trahit. Sabine convainc Néron que Sénèque est coupable (Acte IV). Le philosophe se prépare au suicide qui lui a été ordonné. Ayant refusé de parler, Épicaris est envoyée au supplice. Au récit de la mort de Sénèque, Néron est la proie d’un délire qui s'achève par un défi aux dieux (Acte V).
Comme dans sa Marianne, Tristan peint un monstre : tyran achevé (le temps n'est plus du «monstre naissant » de Britannicus), Néron incarne le mal avec cynisme et détermination. Sabine, âme damnée au discours empreint du machiavélisme le plus noir, ne songe qu'à l'entraîner plus loin encore. Il se complaît déjà dans ce gouffre où il s'abîme en un genre de suicide : il brave le ciel qui prépare son châtiment, se plaisant seulement à l'assurance qu'il aura le temps de « perdr[e] la moitié de la Terre » (dernier vers).
De ce point de vue, il n'est que l'incarnation hyperbolique d'un monde sans valeur, d'une décadence que tout souligne : chacun parle d'argent - le couple infernal, mais aussi les conjurés et même Sénèque, stoïcien qui vit dans le luxe et dont on souligne ironiquement les contradictions -, contrairement à ce qu'impose d'ordinaire la dignité tragique ; l'amour n'a qu'une place fort limitée - on ne le trouve guère qu'entre Sénèque et son épouse, personnages d'un autre âge, pour des adieux d'un pathétique retenu; les débats politiques sont quasi inexistants et le chef des conjurés, qui craint le peuple, tremble aux premiers signes inquiétants; comme dans tout bon État policier règne la délation ; et c'est Épicaris, une affranchie, qui en remontre par son courage à des militaires et à des sénateurs fébriles.
«
Néron, qui la fait torturer; Sévinus est dénoncé
et arrêté (Acte Ill).
Émoi des conjurés; Sévinus les trahit.
Sabine convainc Néron que Sénèque
est coupable (Acte IV).
Le philosophe se prépare au suici> (der
nier vers).
De ce point de vue, il n'est que l'in
carnation hyperbolique
d'un monde
sans valeur, d'une décadence que tout
souligne : chacun parle d'argent -
le
couple infernal, mais aussi les conjurés
et même Sénèque, stoïcien qui vit dans
le luxe et
dont on souligne ironique
ment les contradictions -, contraire
ment à ce qu'impose d'ordinaire la
dignité tragique; l'amour
n'a qu'une
place fort limitée - on ne le trouve
guère qu'entre Sénèque et son épouse,
personnages
d'un autre âge, pour des
adieux
d'un pathétique retenu ; les
débats politiques sont quasi inexistants
et le chef des conjurés, qui craint le
peuple, tremble
aux premiers signes
inquiétants; comme dans tout bon
~tat policier règne la délation; et c'est
Epicaris,
une affranchie, qui en remon
tre par son courage à des militaires et à
des sénateurs fébriles.
Usant d'une langue expressive jus
qu'au réalisme, Tristan rudoie bien- séances
et règles pour mieux peindre ce
crépuscule.
L'exposition semble
se pro
longer jusqu'à l'avant-dernière scène
de l'acte
II : le refus de Sénèque d'être
du complot.
Suit l'arrestation d'Épica
ris, scène
d'une intense brièveté :
l'échec de la conjuration est déjà qua
siment joué.
Une seule question
demeure : qui va trahir
? Plusieurs lieux
sont nécessaires, mais Néron occupe
souvent la scène, ouvrant
et fermant
cette pièce où,
en vrai chef de la police,
il aime à pratiquer lui-même les inter
rogatoires,
ordonnant tout avec une
froide ironie - >, Epicaris, partant à la
mort, lance encore les plus acerbes bra
vades.
Seul Sénèque est exempt de tels
débordements, lui qui songe à laisser
une image de vertu et finit dans un
acte de foi chrétien qui, à sa manière,
dit aussi -de manière ambiguë -la fin
de la vieille Rome.
Le titre de cette pièce qui comporte
une action double jette sur elle une
lumière oblique : Sénèque est presque
un personnage secondaire, peu présent
en scène mais s'exprimant longue
ment.
Il est entraîné malgré lui dans ce
complot qu'il a soutenu sans vouloir y
adhérer, victime
d'un tyran que la
vertu irrite
jusqu'~u délire.
Avec le phi
losophe (et aveç Epicaris, qui fait cou
ple avec lui pour mieux faire
pendant
au duo Néron-Sabine) disparaît l'incar
nation de la morale - et le dernier
témoin
d'un autre Néron, vertueux et
bon.
Sang difficile à faire couler pour
le tyran mais par lequel il s'accomplit
définitivement,
> qui scelle
tout à la fois le sort de Néron et celui
de Rome..
»
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