MORT A CRÉDIT. Louis-Ferdinand Céline
Publié le 19/07/2016
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MORT A CRÉDIT. Dans cet énorme roman, publié en 1936, l’écrivain français Louis-Ferdinand Céline (pseud. de Louis-Ferdinand Destouches, 1894-1961), raconte avec une rage inspirée et une vigueur peu commune son enfance hantée par la pauvreté. L’un de ses plus grands mérites est d’avoir su rendre sensible le poids de la pauvreté, celle qu’il est particulièrement difficile d’exploiter en littérature parce qu’elle n’a pas l’éclat violent et dramatique de la misère, parce qu’elle est triste, médiocre, quotidienne, presque universelle. Thème, atmosphère et paysage, elle est essentielle à son œuvre, on est pauvre chez Céline comme on est romantique chez Chateaubriand. Ses parents d’abord, ses
patrons successifs ensuite sont tourmentés sans répit par cette préoccupation terre-à-terre : comment boucler un maigre budget? Pour ses parents, une seule recette. Des sacrifices, encore des sacrifices, toujours des sacrifices. Sa mère s’acharne à essayer de vendre dentelles, guipures, guéridons, vieilleries de toutes sortes. Son père, employé à la Coccinelle-Incendie, est en butte aux tracasseries de son chef de service. Seule, sa grand-mère Caroline était apte à se défendre. On lui paie ses loyers, à elle. Les locataires ont beau boucher les tinettes pour avoir un motif de plainte, elle les débouche. Mais un jour de janvier, à tripoter comme ça l’eau froide, elle attrape une pneumonie et, dignement, meurt. Dignement, oui. Céline ne noircit pas systématiquement tout le monde. Il n’est pas tendre, ça non, mais il n’est pas injuste. Sans doute, rien ne lui échappe, il ne passe rien. Et quand il a des compliments à faire, il y met une extrême pudeur. Il se contente de s’arranger pour que le lecteur le sente. A cette réserve, qui est sa façon de louer, ses parents n’ont pas droit. Il est même, à leur égard, spécialement impitoyable. Sa grand-mère les méprisait, nous dit-il. Le mépris est partagé. Ils se débrouillent mal, ses parents. Un exemple entre mille : leur lamentable voyage en Angleterre. Reste à raconter l’excursion aux voisins du passage. Car c’est un passage qu’ils habitent, du côté de la Bourse, un lieu bien infect, sans air, sans lumière, sans soleil. Riche en voisins, par contre, en jalousies mesquines et en commérages. Ah, pour les histoires, le père est fort. Pour ce qui est de parler, personne ne lui en remontre. Il étourdit l’auditoire. Il l’enchante, il l’émerveille. A présent, il la connaît, l’Angleterre. Posez-lui des questions, incollable. Avec ces Fenouillards sans argent ni fantaisie, le gosse grandit, incompris. On gifle et on regifle, on ne perd pas son temps à écouter. A la moindre peccadille, les parents du petit s’imaginent être en présence
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