MONTAIGNE : Essais
Publié le 14/10/2013
Extrait du document

Montaigne nous oblige à l'introspection. Les 107
chapitres de ses Essais sont autant de points d'entrée
possibles pour le lecteur qui voudra à son tour se
servir de Montaigne pour s'essayer lui-même : « Le
monde regarde tousjours vis à vis; moy, je replie ma
veue au dedans, je la plante, je l'amuse là. Chacun
regarde devant soy; moy, je regarde dedans moy : je
n'ay affaire qu'à moy, je me considere sans cesse, je
me contrerolle, je me gouste « (II, 17, 320 /). La toile
offerte par Montaigne requiert un effort d'interprétation
de la part du lecteur. Cet effort, comme on s'en
doute, varie selon les époques. Ainsi, au xvnc siècle,
quand Pascal, Descartes et Malebranche contemplèrent
cette toile, ils n'y virent que de simples traces
incompréhensibles au milieu d'« ornements« démodés
et à moitié disparus. Mais, évidemment, le biais et
l'angle s'étaient considérablement modifiés. C'est là la
force des Essais : chacun peut y trouver ce qu'il
cherche, car tout est dans le regard.

«
MONTAIGNE 533
livre
à toutes sortes de « commerces », aussi bien avec
les
hommes qu'avec les livres.
Son regard erre sur ce
qui est à sa portée, il ne privilégie jamais une chose sur
une autre.
1\1.ontaigne rédige ses Essais à une époque où l'au
torité des Anciens, pierre angulaire de !'Humanisme
de la Renaissance, commence à faire problème.
L'Hu
manisme est en crise ! Quand Montaigne se décide à
écrire, tous ces beaux textes latins qui firent le bon
heur des scolastiques sont en effet attaqués de toutes
parts, et il est probable que si Montaigne avait écrit un
siècle auparavant, il n'aurait été, comme bien d'autres,
qu'un auteur de traité sans grand intérêt.
Ce qui fait la
force
de Montaigne, c'est la période de trouble dans
laquelle il compose ses Essais.
L'Humanisme touche à
sa fin et Montaigne représente une transition entre la
scolastique
et le rationalisme cartésien.
Théorique
ment, tout est possible ; les utopies et les sciences
occultes connaissent par exemple un essor remar
quable.
Montaigne reste quant à lui indécis, il se
retranche en lui-même et s'évertue à confronter son
moi au reste du monde.
Il évolue dans un monde
divisé et instable qui est désormais perçu comme une
« branloire perenne » (Ill, 2, 20 //).
Les idées de Copernic commencent à se répandre et
l'édifice humaniste s'effrite un peu plus chaque jour.
Imaginons Ptolémée et Aristote, véritables piliers de la
civilisation occidentale
pendant plus de quinze siècles,
qui se mettent soudain à chanceler.
Le cosmos prend
une dimension nouvelle, on en connaît de moins en
moins les limites.
Montaigne est le témoin de son
temps : « Ptolemeus, qui a esté un grand personnage,
avoit estably les bornes de nostre monde ; tous les
philosophes anciens
ont pensé en tenir la mesure » (Il,
12, 237 /).
Et tout s'écroule en un instant.
Alors qui
croire ? Que savoir ? Deux questions qui reviennent
comme un leitmotiv dans les Essais.
La pensée de
Montaigne est un constat, le constat de la faillite du
monde des Anciens.
Les guerres de Religion renfor
cent ce sentiment d'un monde qui a abandonné toute.
»
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