Monsieur ou le Prince des ténèbres
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
Monsieur (1974) inaugure une série de cinq romans regroupés sous le titre de Quintette d'Avignon. Durrell fait ainsi suite au précédent volet de son oeuvre, Le Quatuor d'Alexandrie. La correspondance entre ses écrits permet à !'écrivain d'atteindre une vérité fondée sur la multiplicité des points de vue. Ces séries d'ouvrages se font d'ailleurs écho entre elles, puisque l'on y retrouve les mêmes personnages, bien qu' ils soient à peine voilés par des noms différents.
«
«Rien n'est plus
étrange que d'aimer un
être atteint de
folie ...
»
~ ------- EXTR AITS- --------.
Le Midi, sa vie nonchalante
Nous restâmes donc là assis, contemp lant
les petites scènes de la vie du Midi qui se
jouaient sous nos yeux -spectacle délec
table, car il confirmait le carac tère imma
nent de la ville et de ses habitants.
Quelques
ouvriers s'évertuaient à réparer sans succès
le mé canisme détraqué du vieux jaquemart.
Enfin
le couple de figurines de la taille d'un
enfa nt eut un tressautement spasmodique ou
deux et avança un peu
pour frapper deux
fois les douze coups de midi -à titre de
concession
aux ouvriers, semblait-il , qui,
particulièrement malsonnants dans leur
langage, ne semblaient rien savoir du
fonctionnement de
l'horloge .
C'en était
affligeant .
Le jaquemart était l'un des
ornements les
plus plaisants de la place
quand il marchait -le petit homme émer
geant ponctuellement de sa niche pour
sonner les heures avec son minuscule
maillet.
Mais de temps en temps ,
la machine
s'enrayait et c'était au moins la troisième
fois que nous étions témoins d'une tentative
pour
la réparer, et cette fois l'ensemble de
l'opération semblait très au-delà de la compétence
des ouvriers
car, au bout d'un
moment, après s'être beaucoup agités stéri
l ement, ils descendirent de
la tour.
Ils étaient
parvenus à mi-hauteur quand, par une sorte
de dérision , les petite s silhouettes reprirent
par saccades leur trajectoire incurvée et
d'elles-mêmes sonnèrent midi (ou minuit).
L es hommes tendi
rent jovialement le
poing dans leur di
rection en lâchant
de sonores explétifs.
Une soirée
à Genève
C'est un plein hiver
dont
je me souviens.
Le premier que je
passais à Genève.
J'y étais resté à cau
se d'elle.
Un soir, je
suis allé la chercher pour l'emmener au
concert .
La neige tombait dru et
le vent était
acéré comme un rasoir ; il faisait un froid
mordant et il était presque impossible de se
tenir debout .
Ils avaient rempli les rails de
sable en guise de frein pour empêcher les
trams de glisser dans toutes les directions
comme des galets sur de
la gla ce.
Elle m' at
tendait dans le hall du lugubre immeuble
aquarium où elle avait un appartement.
Elle
était auréolée de toute la splendeur de sa
robe du soir sous une fourrure somptueuse,
devant les miroirs éclairés de l'ascenseur.
Et elle se tenait sur des béquilles .
En man
teau de fourrure.
Elles' était fracturé la che
ville en
faisant du ski.
Je la considérai
stupéfait, sans voix devant tant de beauté.
J'en aurais pleuré de désir.
Traduction de Henri Robillot ,
G allimard, 1976
« Cet après-midi -là,
pour occuper mon
temps ,
je pris au plu s
court à travers ( . ..
) la
vieille ville ...
»
NOTES DE L'É DITE UR
«Un roman doit être un acte de divination
par les entrailles.
(Pursewarden.)
Tel est tout chef-d'œuvre; telle est l'œuvre
de Lawrence Durrell.
L'artiste est un devin
qui, loin d'imposer ses interprétation s
au monde comme un vulgaire idéologue,
devine le monde de l'intérieur, en
descendant dans ce que Jung a appelé
l'inconscient collectif.
Ce qu'il y
contem ple, ce sont les arcanes de notre
organisation la plus secrè te, la plus
élémentaire, parce que, en dernier ressort,
le monde est un fabuleux réseau de ressemblances,
comme seuls l' art et la
gnose
l'ont découvert et affirmé." Une
œuvre d'art est quelque cho se qui ressemble
plu s
à la vie que la vie elle-même .
" ( ...
)
Il n
'y a pas, à proprement parler, de
message durrellien.
C'est heure ux.
Pour
le s me ssages, j'ai mon facteur, disait
Céline .
Durr ell n'est pas un prophète;
son appréhension de la vérité demeure
métaphorique, allusive, progressive et
contradictoire.
On ne peut pas dire d'un
ouvrage de Durrell : il est ceci, parce «
L'univers du labyri nthe est aussi celui
d'une moralité religieuse faite de lumi ère
et d'ombr e, monde en noir et blanc aux
oppositions manichéennes.
Monsieur tout
entier, avec son sous-titre de
Prince des
ténèbres,
fait ressortir ce contr aste, puisque
l a croyance gnostique veut que
le prince
des Ténèbres, avec tout ce qu'il représente
de mal éfiq ue dan s sa noirceur, ait pris
1 Sipa-Press 2, 3, 4 aquarelles d e Carzou, Prolitt e ris
qu'il est aussi cela.
» Vladimir Volkoff,
Lawrence le Magnifique, Éd.
Julliard,
1984 .
la
place du Dieu des chré tiens - créateur
du monde, Dieu de
bonté- qu'il a détrôné .»
Colette Guillemard, Le Labyrinthe
romanesque
de Lawrence Durrell,
Champion , Paris, 1980 .
DURRELL03.
»
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