MOLLOY, roman de Beckett
Publié le 27/01/2019
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MOLLOY, roman de Beckett (1951), le premier que l'auteur ait écrit directement en français. Deux monologues et deux aventures (celle de Molloy et celle de Moran) identiques, deux points exemplaires sur la courbe beckettienne, qui va de l'errance à la pétrification. La finalité de la vie et les moyens de vivre disparaissent peu à peu au cours d'une quête sans cesse interrompue : Molloy recherche sa mère, Moran recherche Molloy. Les corps sont voués à la paralysie et les esprits à l'oubli et au hasard.
«
narrateur différent.
Il s'agit en premier lieu de Molloy, personnage réduit à l'immobilité quasi totale au moment où, ayant enfin rejoint la demeure de sa mère, il se met à écrire pour
raconter l'histoire de son errance à l'intérieur d'une ville puis dans la campagne environnante à la recherche justement de ce logement maternel.
Ce vieil homme à la jambe raide effectue ainsi, d'abord juché sur une bicyclette et· ensuite en s'aidant de ses béquilles, une pénible déambula tion au cours de laquelle il connaît une lente dégradation physique, qui rend ses déplacements de plus en plus difficiles jusqu'à le réduire à la reptation.
Ce laborieux vagabondage est entre
coupé de quelques rencontres : celle d'un com missaire d'abord qui le met dans l'embanras lors
qu'il lui demande de décliner son identité, celle de Lousse ensuite, vieille dame qui l'héberge et qu'il quitte subrepticement après un séjour assez prolongé chez elle, et celle, dans la forêt, d'un
charbonnier qu'il rosse méthodiquement après
un court dialogue.
Il achève ce pitoyable parcours dans un fossé.
Le second nanrateur s'appelle Jacques Moran.
Il est enquêteur et une « voix» l'a chargé de
rédiger un rapport sur une mission qu'il vient de terminer.
L'objectif de celle-ci, transmis par le messager Gaber, consistait à partir à la recherche
d'un certain Molloy.
Moran est un homme très
méthodique, catholique pratiquant, qui mène sa propre vie, celles de son fils et de sa gouvernante
Marthe selon des principes rigides.
Mais dès le départ de cette nouvelle enquête, il semble en proie à un certain relâchement et ses méthodes habituelles perdent leur efficacité.
Il a ordre
d'emmener son fils pour effectuer le trajet vers le lieu où il est censé retrouver Molloy.
Mais en chemin les difficultés s'accumulent.
Moran perd
peu à peu l'usage d'une jambe, avance de plus en plus lentement et s'installe dans un coin de forêt d'où il envoie son fils acheter une bicyclette au bourg le plus proche.
Resté seul, il tue un homme qui l'importunait, après, semble-t-il, une courte rixe.
Son fils le rejoint enfin, mais c'est pour l'abandonner un peu plus tard.
Il reste immobile, ne sachant comment faire pour gagner Bally, sa destination, lorsque après plusieurs jours il reçoit, apportées par Gaber, de nouvelles instructions : il doit rentrer chez lui «toutes affai res cessantes».
Sur le chemin du retour, accom pli à grand-peine durant tout l'hiver, Moran se pose des questions et pense à ce qu'il a pu adve
nir de ses abeilles et de ses poules pendant son absence.
Quoique constituant une œuvre par
faitement
autonome par ailleurs, Mol
loy doit se lire aussi, et peut-être sur
tout, comme le premier volet
du grand
triptyque romanesque beckettien qui
comprend également Malone meurt
(1951) et l'Innommable (1953).
Car il
s'agit bien ici en effet de la présenta
tion des premiers protocoles d'une
découverte lentement et chèrement
acquise, et de la maturation grâce à
laquelle celle-ci est advenue : l'écriture
requiert
avant tout immobilité et
silence mais elle est aussi le seul che
min qui y conduise, après qu'aient été
surmontés
toute une variété d' obsta
cles d'ordre quasiment initiatique.
Au
départ donc cette « aporie >> : les condi
tions
à remplir pour qu'une activité, ici
l'écriture, puisse se
mettre en branle,
ne peuvent être atteintes que par cette
activité même.
Beckett rejoue ainsi
à sa
manière dans cette grande trilogie nar
rative la mise
en place du dispositif
proustien : le texte
dont le lecteur
prend connaissance ne fait que décrire
le processus grâce auquel,
à cause
duquel
ou en dépit duquel le narrateur
s'est enfin retrouvé
devant sa table de
travail
pour raconter précisément le
cheminement qui l'y a conduit.
Mais
aussi peut-être
pour tenter de répondre
à cette rumeur qui se lève à la nais
sance
et même avant, à cet insatiable
«Comment faire? Comment faire?».
Le propos consiste ici en une double
métamorphose que vivent
ou subissent
deux narrateurs distincts, à
moins que
ce ne soit le même, pris à deux pério
des différentes de
son évolution : « Le
fait est, on dirait, que tout ce qu'on
peut espérer c'est d'être un peu moins,
à la fin, celui qu'on était au commen
cement, et par la suite.
».
»
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