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Molloy (résumé & analyse) de Beckett

Publié le 17/11/2018

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beckett

Molloy

 

Molloy, le deuxième roman écrit en français par Beckett après Mercier et Camier, est de loin le plus célèbre. Il est constitué de deux parties apparemment hétéroclites, mais en fait profondément symétriques. Dans la première, on suit les déambulations de Molloy, un clochard à moitié paralysé, écrivain et héros à la fois de sa propre histoire. Triste chose que ce Molloy : il est à la recherche d’une mère « impossible », avec, pour seuls fétiches, une paire de béquilles, une vieille bicyclette et quelques cailloux qu’il suce selon un rituel démentiel. Une larve, plutôt qu’un humain. Guidée par

 

une voix intérieure, son aventure le conduit au cœur d’une forêt. Il a à peine la force de s’y traîner en s’accrochant aux arbres avec ses béquilles, qui lui serviront d’ailleurs à tuer un vieillard rencontré là par hasard... Un beau jour, le gisant qu’il est devenu atteint la lisière de la forêt, mais ses membres, totalement atrophiés, ne lui permettent plus de continuer. Il finit au fond d’un fossé.

 

Moran est le héros de la seconde partie. On lui a donné une mission : retrouver Molloy. Il part donc avec son fils, et, peu à peu, sa trajectoire va se superposer, en miroir, à celle de Molloy : lui aussi deviendra progressivement paralysé, lui aussi fantasmera des désirs de bicy-

beckett

« elene et tuera un inconnu ...

Il ira même, dans sa méta­ morphose larvaire, jusqu'à ramper sur le sol en s'accrochant à son parapluie : comme si Molloy s'était réincarné en lui.

Curieuse rédemption par le bas, dans une épopée sans étoile.

Roman gigogne, roman du dédoublement spéculaire, Molloy est un de ceux qui mettent le mieux en scène l'autoboulimie narrative qu'on trouve partout chez Beckett : une sorte de complexe de Pénélope où l'on voit le livre se défaire dans le mouvement même qui le fabrique.

Et cela est d'autant plus sensible que les déboi­ res de Molloy-acteur sont également ceux de Molloy­ écrivain.

Au lieu d'avancer, le récit remonte donc ici, en un perpétuel recommencement, vers sa propre source, mais c'est pour constater qu'elle est tarie.

La fin du texte est aussi son origine, la progression de la lecture équivaut à une régression, selon une spirale étourdis­ sante.

Aussi Molloy-Moran, les deux versants du livre, sont-ils les étaux d'une double mâchoire qui finalement annule 1 'espace littéraire par strangulation : sur ce fond d'aphasie généralisée, le discours romanesque se détruit.

C'est pourquoi Molloy est un roman totalement dépouillé, écrit sans le moindre effet de style.

Et plus les séquences sont absurdes, plus elles sont grotesques ou insolites, moins le narrateur s'y implique : d'un bout à l'autre, il reste un étranger et décline le cauchemar avec une précision d'entomologiste, comme si cela allait de soi.

L'humour naît de ce décalage.

En fin de compte, ce roman de la dérision et de l'impossible verticalité pour­ rait bien être le renversement le plus impitoyable de toutes ces idéologies du salut que Beckett exècre tant, de la morale à la religion.

Et il est aussi une étonnante plongée dans l'univers quotidien de l'aliénation et de la bêtise, au sens flaubertien : «J'ai connu Molloy et la suite le jour où j'ai pris conscience de ma bêtise>>, a écrit Beckett.. »

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