MOLIÈRE: Dom Juan (Résumé et Analyse)

« suivi la voie de ses prédécesseurs français, qui était celle de la tragi-comédie en vers (ibid.).

Il a plutôt suivil'exemple des auteurs de comédies à machines, genre brillant que Corneille a illustré avec Andromède (1650) et LaToison d'or (1660).

Cela lui permettait des changements de décors entre les actes, et même des changements àvue à l'intérieur de l'acte III.

Mais il a gardé la distance du poète comique aussi bien avec le modèle premier qu'avecle genre de la tragi-comédie ou avec celui du théâtre à machines.Les événements représentés sont très peu nombreux dans la comédie.

Il y est fait surtout allusion à des entreprisespassées, à des actions avortées ou à des projets, parfois sans suite.

Touchant la construction générale, on peutfaire les remarques suivantes : a/ La discontinuité spatiale est compensée, dans Dom Juan, par une continuité temporelle particulièrement marquéeau passage d'un acte à l'acte suivant : le début de l'acte II fait référence à l'entreprise de séduction projetée à lafin de l'acte I ; la première scène de l'acte III fait explicitement allusion à la fuite du héros à la fin de l'acte II et àson projet d'échange de vêtements avec Sganarelle ; les premières répliques de l'acte IV évoquent la rencontre dela statue et celles de l'acte V la récente conversation du père et du fils. b/ Il est possible de repérer la suite des événements en appréciant les étapes de chaque intrigue particulière :l'abandon d'Elvire et ses suites (poursuite des frères, retour implorant de la jeune femme, ultime rencontre de DonCarlos, vision de la femme voilée (?) ) ; l'histoire du commandeur, dont le meurtre est évoqué à l'acte I et dont lastatue paraît aux actes III, IV et V ; l'une et l'autre intrigues se trouvant opposées à des ensembles courts, commela paysannerie de l'acte II, les deux scènes entre débiteur et créancier de l'acte IV, les deux rencontres avec lepère aux deux derniers actes. c/ Les événements sont parfois liés les uns aux autres comme s'ils constituaient des « suites » : la paysannerie estjustifiée par un naufrage, celui-ci par la poursuite d'une jeune femme et de son fiancé, et cette poursuite par ledégoût du héros à l'égard d'Elvire.

Ils le sont aussi par la simple proximité dans l'espace-temps : ainsi en va-t-il desrencontres successives, dans la forêt, du pauvre, des frères d'Elvire (attaqués par les brigands signalés par lepauvre) et du tombeau du commandeur : la forêt est, comme la mer, une sorte de « continuum » où la variété desaventures se concilie avec la suite des pas et démarches d'un personnage.

Ils sont liés encore par la simpleconvention des visites successives qu'autorise à l'acte IV la présence du héros dans son appartement.Mais c'est surtout la constante présence du maître et du valet qui assure l'unité de l'ensemble.

L'action progresse,certes, en un temps limité (deux journées seulement), mais avec des ruptures et des alternances qui font sesuccéder scènes d'information, jeux à dominante comique, scènes « sensibles » ou pathétiques et dialogues oùs'exposent des « idées ».

Les premières se poursuivent jusqu'au milieu de l'acte III, les scènes « pathétiques » sontplus marquées aux deux derniers actes ; les jeux comiques et les dialogues d'idées sont distribués en revanche toutau long de la comédie, et animent la plupart des échanges entre Don Juan et Sganarelle. Les personnages La particularité de la pièce réside dans la présence quasi constante de Don Juan et de Sganarelle, l'extrême raretédes scènes, par conséquent, où d'autres personnages s'entretiennent entre eux, ou avec le seul maître, ou avec leseul valet.L'ensemble de la comédie apparaît ainsi comme une sorte de revue où se trouvent confrontés aux deux figurescentrales, à la fois contrastées et complices, divers types humains et sociaux : représentants de la noblesse d'hier(Don Louis) et d'aujourd'hui (Don Carlos), de la petite bourgeoisie marchande (M.

Dimanche), de la paysannerie (lespersonnages de l'acte II), du monde religieux (Francisque, le pauvre).

Elvire à peu près seule échappe à lacatégorisation sociale, en incarnant les diverses dimensions de la ferveur amoureuse.Le valet s'est appelé tour à tour, dans les diverses « écritures » du mythe, Caton (Tirso de Molina), Arlequin (chezles Italiens), Briguelle (Dorimond) ou Philippin (Villiers).

Il porte ici le nom de Sganarelle, c'est-à-dire celui d'unpersonnage farcesque, inspiré, dans l'allure et le costume, du Scaramouche italien dont la légende veut que soninterprète Molière ait suivi les leçons.

Ses diverses apparitions dans l'oeuvre de J.-B.

Poquelin ont fait de lui tour àtour une sorte de zanni insolent et rusé ou un ridicule que sa prétention expose à être berné.

L'unité du valet deDon Juan n'est assurée que par sa relation à un maître singulier, par le talent de son interprète et un « passé » quel'on peut deviner à travers certaines de ses confidences, et qui l'a conduit à se frotter, comme ce sera le cas pourle fagotier du Médecin, à des milieux divers mais surtout à un Inonde d'êtres simples et humblement conformistes.Pourtant, son rôle n'est pas simple et sa signification n'est pas univoque : sa situation à la croisée de la tradition dumythe, de la tradition de la farce franco-italienne et de l'itinéraire des valets moliéresques lui permet de s'adapter icià des rencontres fort différentes et d'y réagir avec un mélange de gravité, de gouaille et de balourdise que seulretrouvera le Sosie d'Amphitryon.Le maître est sans doute plus complexe que le valet.

Si l'élégance du costume, des manières et du langage ledésignent comme un représentant de l'aristocratie de son temps, il figure une branche particulière de cettearistocratie.

Sa supériorité affichée, son souci de se situer en marge d'une catégorie sociale qui est la sienne et sonconstant recours, dans les partis qu'il prend, à l'intuition personnelle ou à l'inspiration instinctive, tout cela permet àMolière de satiriser les nobles, tantôt dans son personnage de « grand seigneur méchant homme », tantôt par labouche de cet observateur amusé des spectacles du monde.

La comédie se présente, à travers son héros, comme. »