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Moïra de Green

Publié le 31/03/2013

Extrait du document

Julien Green, romancier français d'origine américaine, a reçu une éducation puritaine qui l'a profondément marqué. Il tente de la conjurer en abjurant le protestantisme et en se convertissant au catholicisme en 1916.

« « Les bras de Moïra pendaient par-dessus l'épaule droite de Joseph, et il la tenait par le milieu du corps, la serrait.

» Joseph est venu chez Praileau pour le battre, après des réflexions désobligeantes ; il a le dessus Subitement, une joie folle l'envahit à se sen­ tir si fort et il eut l'impression d'assouvir une faim mystérieuse.

C'était en vain que son ennemi se tournait et se retournait de fureur entre ses bras ; à présent il le tenait sous lui dans l'étau de ses jambes et lui fit toucher terre des deux épaules à la fois.

Praileau haletait, immobile.

Joseph lui prit la tête entre les poings et d'une voix rauque, entrecoupée par l'effort, il s'écria: -Si je voulais, je pourrais t' ou­ vrir la tête aussi facilement qu'on casse un œuf ! La réponse vint dans un souffle : - Tu n'oserais pas.

Tu as peur.

(.

..

) Tu as voulu me tuer tout à l'heure, reprit-il.

Tu n'as pas osé; cepen­ dant il y a en toi un assassin.

Son jugement sur les passions « Il faut dompter ses passions », se dit-il en allants' asseoir à sa table.

Mais quelles pas­ sions ? A vrai dire, il n'en avait pas.

Quand les gens parlaient de passions , ils voulaient dire l'amour; et il n'avaitjamais été amou­ reux.

Bien qu'il n'osât pas en convenir avec lui-même,( ...

) l'histoire de Roméo et Juliette lui avait paru simplement idiote : ces amours clandestines, cette violence, ce double sui­ cide, autant de fautes graves, impardon­ nables peut-être .

Ses parents à lui n'avaient pas fait tant d'histoires pour se marier! Et quant à l'acte impur par lequel on l'avait conçu, un garçon honnête n'y pensait jamais.

Sa description de Moïra Cette petite femme orgueilleuse, insolente, c 'était donc elle ...

Il l'avait imaginée tout autre, et la vraie Moïra lui avait paru sinon laide, du moins trop singulière, trop étran­ gère d'aspect pour qu'il pût l'admirer.

Étrangère, c'était bien cela ..

Une femme d'un pays lointain.

Vêtue de rouge comme la pros­ tituée de !'Apocalypse, les lèvres peintes.

Il se revit, courbant l'échine devant elle pour ramasser son chandail.

Avec quelle joie il lui eût frotté la bouche de cette laine rugueuse, avec quelle affreuse joie il l'eût frappée, punie, oui punie, de son arrogance ! Après une nuit d'amour, il tue Moïra Et ramassant à pleins bras la grosse couverture grise qui avait glissé sur le plan­ cher; il la fit retomber soudain sur la tête de la jeune femme.

Moïra eut un soubresaut qui faillit la jeter hors du lit, mais Joseph la maintint de toutes ses forces sous cette énorme masse de laine d'où monta une plainte qui ressemblait à un cri d'enfant.

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.

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) Il soufflait, courbé sur elle.

Éditions du Seuil, 1989 \.

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1 .

~ 1 -1 -- ---- 1 «Son corps d'homme la voulait, mais le corps menait en enfer si on lui cédait.» NOTES DE L'ÉDITEUR Julien Green qui occupe son fauteuil à l'Académie française depuis 1971.

être brutalement jeté hors de ses habitudes et contraint à la difficile, tragique découverte de soi.

» Jacques Petit, Julien Green, l'homme qui venait d'ailleurs, Desclée De Brouwer, 1970.

Né à Paris en 1900, Julien Green fit ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris et à l'université de Virginie aux États-Unis, avant de se fixer en France dès 1922.

Il se convertit au catholicisme à l'âge de seize ans, puis devint longtemps agnostique.

Revenu à la foi vers la quarantaine, il reste l'un des créateurs les plus tourmentés de la littérature contemporaine.

Comme François Mauriac l'avait lui-même souhaité, c'est «Green romancier( ...

) cherche seulemerit, quand le don de double vue J'habite, à découvrir ce qui se cache derrière les apparences, et à nourrir de sa chair le personnage qui s'est imposé et se comporte à son égard en véritable vampire.

» Robert de Saint-Jean , Julien Green par lui-même, Paris, Seuil , 1967.

«Tout roman greenien est l'aventure d'un 1 Sip a-lc ono 2 .

3 .

4 , 5 lithographi es de Brasilie r.

é d .

A ndr é Sauret .

Monte-Ca rlo, 1951 « C'e~t le secret de Green d'être à la fois si loin de l'aisance, de la puissance et du naturel et si proche de nous qu'il semble nous agripper, nous demandant de partager ses obsessions jamais guéries.

» Henri Lemaître, Dictionnaire Bordas de la littérature française, 1985.

GREEN 03. »

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