MITHRIDATE de Jean Racine (analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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MITHRIDATE. Tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine (1639-1699), créée à Paris au théâtre de l'hôtel de Bourgogne en 1673, et publiée chez Claude Barbin la même année.
S'inspirant librement de faits historiques, cette pièce confirme la volonté qu'a Racine de concentrer le tragique d'une situation pour le faire éclater, puisqu'il réduit à une seule journée des événements qui dans la réalité s'étalèrent sur une période de vingt-six ans. Libéré du poids de l'exactitude chronologique, il ne garde que ce qui sert l'action : tout part de Mithridate et tout y ramène. Vieux roi vaincu, amoureux d'une jeune fille courtisée par ses fils, il est le moteur d'une action où se mêlent sans se confondre une tragédie amoureuse et une tragédie politique. Malgré cette « juxtaposition » (R. Picard), l’unité est assurée par la présence active du père dans les quatre derniers actes, lui de qui tout dépend, la mort comme la réunion de Monime et de Xipharès. L'originalité du dénouement, liée à la force du personnage de Mithridate contribua, au succès de la pièce.
Mithridate. le roi du Pont passe pour mort Xipharès. son fils cadet espère conquérir Monime. jeune fille d'Ephèse que son père était sur le point d'épouser et que son frère aîné, Pharnace, se propose désormais de prendre pour femme. Mais Monime pour résister à Phar-nace, vient demander la protection de Xipharès, qui alors se déclare. La rivalité éclate entre les deux frères : mais on annonce le retour du père (Acte I). Monime qui aime Xipharès en secret refuse d’aller accueillir Mithridate. Celui-ci apprend le projet de Phamace sans que rien ne transpire de l'amour de Xipharès à qui il confie donc Monime Elle avoue alors son amour à son protecteur, mais lui demande de l'oublier (Acte II). Pour démasquer Phamace. Mithridate
exige son mariage avec la fille du roi des Parthes. dont il prétend chercher l'alliance pour marcher sur Rome. Réticent Phamace est bientôt percé à jour puis arrêté : il accuse alors Xipharès d'aimer Monime. D'abord incrédule. Mithridate s'en assure auprès de Monime et décide de faire pénr son fils (Acte III). Flairant le piège. Xipharès conseille à Monime d'épouser son père pour se sauver. Monime. après avoir reproché à Mithridate sa lâche ruse, le repousse et accepte de mourir. Le roi s’interroge alors sur la conduite à tenir : ses deux fils se sont révoltés et les Romains sont là (Acte IV). Monime croit Xipharès mort et veut s’étrangler. Elle reçoit de Mithridate l’ordre de s'empoisonner et y consent ; mais au moment de prendre le poison, un contrordre la sauve : Xipharès est vivant et Mithridate, reconnaissant sa fidélité, lui confie Monime au moment d'expirer (Acte V).
D'emblée s’impose le personnage de Mithridate. Contrairement à Phèdre où le retour de Thésée n'intervient que tardivement, celui de Mithridate est annoncé dès la fin de l’acte I, laissant directement percevoir que le cours des événements va s'infléchir en fonction de sa présence : cette scène est en effet suivie d'un entretien entre ses fils qui témoigne de leur soumission à l'autorité paternelle, malgré les velléités de rébellion de Pharnace, momentanément étouffées. Ch. Mauron a montré comment Mithridate tenait une place centrale dans l'œuvre de Racine grâce à cette omniprésence de la figure du père, personnage tout-puissant, ayant droit de vie et de mort sur les autres -jusqu'alors absent des tragédies de Racine et qui se retrouvera dans les suivantes, de Phèdre à Athalie. Au-delà des analyses psychanalytiques qui le fondent, ce schéma souligne que ce personnage assume tout le poids de l'action. On notera l'absence de toute instance supérieure - malédiction divine, oracle ou autre coïncidence voulue par le destin - qui exercerait son influence sur le déroulement tragique. Mithridate est seul responsable de
«
l'action : sa ruse lui a permis de survi vre en faisant croire à sa mort, elle lui
servira deux fois encore
à confondre
Pharnace, puis Monime.
Elle est dou blée d'un sens politique très déve
loppé, qui le pousse à faire passer la rai son d'Etat avant tout autre chose.
Ainsi,
il sait gré à Xipharès d'avoir
prouvé sa fidélité
en se retournant
contre sa propre mère qui avait trahi
en faveur des Romains.
Mais c'est sur
tout dans le dénouement que triom
phe son sens politique : par son sui
cide, il met fin lui-même au conflit
entre père et
fils qui faisait le dyna
misme de la pièce, celle-ci s'achevant
alors sur une note d'espoir.
La tragédie
ne suspend pas le temps
par l'instant
privilégié de
son dénouement mais
ouvre sur une Histoire à venir.
En ce
sens
L.
Goldmann a raison de considé
rer
Mithridate plutôt comme un drame
que comme une véritable tragédie.
Le
conflit entre le roi et ses fils trouve une
solution dans le monde, et le rythme
même qui
nous entraîne vers cette
solution est entièrement lié aux déci
sions prises par les personnages, tous
apparemment maîtres d'eux-mêmes.
Pharnace et Xipharès choisissent
l'obéissance, l
'un par opportunisme - d'où son revirement-, l'autre par res
pect pour son père.
De même Monime
choisit d'être d'abord une victime
consentante, puis
une héroïne préfé
rant la mort à un mariage dégradant
(puisqu'elle avait avoué
son amour
pour Xipharès à Mithridate qui lui
avait tendu
un piège).
Ces choix, ces
revirem ents sont menés tambour bat
tant.
Rien de plus efficace que l'exposi
tion dans cette pièce.
Efficace égale
ment, le changement d'attitude de
Monime
qui s'opère en un acte, entre
le
moment où elle ne veut pas avouer
son amour à Xipharès et le moment où
elle
s'y résout (Il).
De même la précipi
tation
de l'acte V, qui mène du suicide
.
manqué de Monime (sc.
1) à l'ordre d'empoisonnement
(sc.
2) immédiate ment contré dans une .
scène brève,
rapide, toute de mouvement
(sc.
3).
Rythme soutenu, mais
non confusion : tout est transfiguré par une grandeur
épique.
L~arrière-plan guerrier est d'ail leurs constamment rappelé et Mithri
date prononce la plus longue tirade du
théâtre racinien
(III, 1 : 150 vers !),
emporté par un souffle qui donne à ce
vieillard
une majesté souveraine effa çant sa peu glorieuse propension à la
ruse.
On assiste à la.
»
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