MERLEAU-PONTY : Phénoménologie de la perception - Le Visible et l'Invisible
Publié le 14/10/2013
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L'approche ontologique ne signifie rien d'autre pour lui que l'exigence d'aborder l'expérience sans pré-jugés : les traits de cette expérience expriment le sens d'être du monde plutôt que la complexion du sujet humain. Or une telle exigence appelle bien une refonte radicale de la conceptualité philosophique tra¬ditionnelle et, par conséquent, une critique radicale qui consistera à montrer que, dans chaque cas, la réflexion philosophique outrepasse ses droits, méconnaît sa situation véritable, à savoir son irréduc¬tible appartenance à l'Être qu'elle questionne : elle prétend le posséder en transparence alors que, capable de s'en détacher, elle ne peut cependant jamais en résorber totalement l'opacité. Cela revient à dire, pour Merleau-Ponty, que la réflexion philosophique tend à négliger sa propre dimension interrogative, à ne pas prendre la mesure de ce que signifie une interrogation. Celle-ci dépasse certes le donné, ouvre l'horizon d'une réponse, d'un sens, mais aucune réponse ne vient jamais la clôre, aucun sens ne peut résorber l'épaisseur du donné : la question n'y est pas l'invocation d'une positivité en droit accessible'. Ainsi, en un mouve¬ment qui peut rappeler la démarche de Heidegger dans Être et Temps, Merleau-Ponty détermine le sens d'être de ce qui est à partir de l'essence interrogative du discours philosophique qui le vise : l'irréfléchi est caractérisé à partir du comportement qui le fait paraître, à savoir de la réflexion. Mais l'attitude philo¬sophique n'est finalement qu'un témoin privilégié de notre rapport général à l'Être : l'interrogation n'est pas un mode du discours mais une organe ontolo-gique2 «, l'interrogatif en vient à désigner le sens d'être de l'Être, en deçà de l'affirmation et de la négation.
«
514 GRADUS PHILOSOPHIQUE
taire de ses événements, et capable de se retourner
vers ce monde pour le penser, capable de liberté.
Un
tel projet passe nécessairement par une mise en cause
symétrique de l'idéalisme et du réalisme, philosophies
qui ressaisissent la situation de l'homme de manière
unilatérale, qu'il soit conçu comme la condition de
!'apparaître du monde ou comme inséré en lui selon
des relations de causalité : la critique de ces deux
traditions rythme de part en part la Phénoménologie de
la perception.
Une telle entreprise pose un problème de méthode.
Une attitude strictement réflexive ne saurait
convenir : découvrant que le doute à l'égard de
l'existence du monde ne peut atteindre la conscience
elle-même, elle est presque inévitablement conduite à
concevoir la conscience comme un absolu, étranger
au monde parce qu'il en est la condition.
Il faut donc
aller à la rencontre de la connaissance positive, quitte
à accepter provisoirement l'ontologie réaliste qui en
est le préjugé le plus constant, et examiner si la
science elle-même n'est pas conduite par le déve
loppement de ses recherches à renoncer à l'idée d'un
homme soumis de part en part aux déterminismes
naturels, sans pour autant retomber dans l'idéalisme 1
•
Telle est plus particulièrement l'entreprise de La
Structure du comportement, qui représente, à tous
égards, la phase préparatoire de la Phénoménologie de
la perception.
Merleau-Ponty y étudie les développe
ments de la psychologie de la forme (Koftka, Koeh
ler ...
), ainsi que les analyses de Goldstein dans La
Structure de l'organisme, et en conclut que le compor
tement est irréductible à un ensemble de réflexes, et
témoigne donc d'une activité orientée, douée d'un
sens vital, sans pour autant que cette activité puisse
être comprise, même chez l'homme, comme l'ex
pression d'une intention et d'une conscience claires 2
•
Cependant, La Structure du comportement se situait
1.
Voir, en particulier, Phénoménologie de la perception, p.
60-63, 77, 86.
2.
Par exemple, p.
133-138, 157-175..
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- "Il faut comprendre la perception comme cette pensée interrogative qui laisse être le monde perçu plutôt qu'elle ne le pose, devant qui les choses se font et se défont dans une sorte de glissement, en deçà du oui et du non." Merleau-Ponty, Le Visible et l'invisible, 1964. Commentez cette citation.
- Le corps propre (existentiel) est dans le monde comme le coeur dans l'organisme: il maintient continuellement en vie le spectacle visible, il l'anime et le nourrit intérieurement, il forme avec lui un système. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p.235. Commentez cette citation.
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