Ménon de Platon
Publié le 23/02/2013
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Le personnage historique de Ménon nous est connu par le portrait qu'en donne Xénophon, qui le dit cupide, ambitieux, hypocqte et injuste. On l'accuse même d'avoir trahi les autres généraux grecs, dans l'expédition contre les Perses. Anytos fut l'un des principaux instigateurs du procès qui mena Socrate à la mort ; il quitte d'ailleurs le dialogue en accusant Socrate de médisance et en le menaçant d'avoir un jour à s'en repentir.

«
EXTRAITS
En comparant Socrate à une torpill e,
Ménou donne
du philosophe un
portrait aussi viv
ant que révé lateu r
MÉNON.
-Socrate, avant même d'être en
relàtions avec toi,j' avais bien entendu dire
que
tu ne fais rien d'autre que douter toi
même et qu 'amener les autres à douter ;
et, à présent, telle est l'impression que tu
me donnes : me voilà ensorcelé
par toi,
j'ai bu ton philtre magique, je suis, c'est
bien simple, la proie de tes enchantements,
si bien que
je suis maintenant tout embar-
-, , rassé de doutes! A mon sens, supposé
4è~~-.
que l'on doive ici faire à la raillerie
« MÉNON.
- ( ••• )Je défi nis donc la ve rtu :
l e désir des belles
choses
joint au p o uvoir
d e se les procure r.
,.
quelque place, tu es, de tout point,
tant
par ton extérieur qu'à d'autres
égards, on ne peut plus semblable à
cette large torpille marine qui,
comme on sait, vous plonge dans la
torpeur aussitôt
qu'on s'en ap
proche et
qu'on y touche.
C'est une
impression analogue
qu'à cette
heure ,
je crois, tu as produite sur
moi !
Une véritable torpeur enva
hit
en effet mon âme aussi bien que
ma bouche,
je ne sais que te ré
pondre.
Et pourtant, oui,
j'ai sur la
vertu mille et mille fois copieusement
parlé, et devant de grands auditoires,
enfin, au moins si
je m'en crois, avec
plein succès !
Or, à présent, ce qu'elle
est,
je suis totalement incapable de même
le
dire!
Quoique sophistiqué , l'argument
de Ménou pose un problème
philosophique bien réel
MÉNON.
- Et comment chercheras-tu,
Socrate, ce dont tu ne sais absolument pas
ce que c'est ? Laquelle en effet, parmi ces
choses que tu ignores , donneras-tu
pour
objet à ta recherche ? Mettons tout au
mieux : tomberais-tu dessus, comment
saurais-tu que
c'est ce que tu ne savais
pas ?
SOCRATE.
-Je comprends, Ménon, à quoi tu
fais allusion.
Aperçois-tu tout ce qu'il
y a de
captieux dans la thèse que tu me débites, à
savoir que, soi-disant,
il est impossible à un
homme de chercher ni ce
qu'il sait ni ce
qu'il ne sait
pas? Ni, d'une part, ce qu'il
sait, il ne le chercherait en effet, car il le
sait,
et, en pareil cas, il n'a pas du tout
besoin de chercher ; ni , d'autre
part , ce
qu'il ne sait pas car il ne sait pas davantage
ce qu'il devra chercher.
En répondant à Ménou ,
S ocrate introduit
l'une des thèse s
les plus illustres du platonisme
SOCRATE.
-( .• .
) Ce n'est pas du tout mer-
veille que, concernant
la vertu comme
le reste, elle [l'âme] soit capable de se
ressouvenir de ce dont même elle avait
certes , auparavant, la connaissance.
( ...
)En tant que tout sans exception a été
appris
par l'âme, rien n'empêche que,
nous ressouvenant d'une seule chose, ce
que précisément nous appelons ap-
prendre , nous retrouvions aussi tout
_
le reste, à condition d'être vail- ç~ -~ .
lants et de ne pas nous découra- -;"i\i @( ::JtD& \ki~~~~-rlift
ger dans la recherche : c'est que, - __ -~ ·
enfin de compte , chercher et ap- ~~~.
prendre sont, en leur entier, une '+
remémoration.
Traduit du grec par Léon Robin,
Gallimard,
1950
«SOCRATE.
-Il est à craindre, Anytos, mon comp agnon , que
l a vert u n e s'enseigne pas.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR -puisqu'elle ne s'enseigne pas - n'est pas
à prendre à la lettre.
Elle ne s'enseigne pas,
mais elle
peut s'enseigner.
Ainsi qu'on le
dira plus tard,
de non esse ad non passe non
valet consequentia.
Et d'ailleurs, est-ce bien
vrai
qu'il n'y ait pas de maîtres de la vertu ·
et qu'elle ne soit pas enseignée? Que fait
donc
Socrate? N'est-il pas clair que toute
son action -jusques et y compris la
discussion avec Ménon et Anytos -
n'est
rien d'autre qu'un enseignement de la
n'est rien d'autre que la science du bien?
Ménon n'a pas compris la leçon? C'est
Analyse de la conclusion du Ménon:
« Ménon, s'il avait pu, ou voulu, accqmplir
l'effort de pensée que lui demande Socrate,
aurait compris -comme nous
le
comprenons -que l'idéal de l'homme
d'État véritable, capable de transmettre et
d"' enseigner " sa vertu, est, pour Socrate,
un idéal valable.
Et que, par conséquent,
le raisonnement par lequel Socrate nous
démontre que la vertu
n'est pas science vertu
? ou, si l 'on préfère, de la sagesse, qui
1 buste de P laton , musée du Ca pito le, Ro me/ D aris -Gir audon 2, 3 , 4 art grec , ye sièc le av.
J.-C.
, Athène s, Musée National
que dans son âme il n'y a pas -ou plus -de
vestiges de l'idée du bien.
Aussi, pour nous,
· la conclusion -non formulée -du dialogue,
réponse
à la question posée par Ménon,
est-elle tout
à fait claire: oui, la vertu
s'enseigne, puisqu'elle est science .
Mais elle ne s'enseigne pas à Ménon.
»
Alexandre Koyré, Introduction à la lecture
de Platon.
PLATON 06.
»
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