Mendiants et orgueilleux
Publié le 08/04/2013
Extrait du document
Né en 1913 au Caire, où il a passé son enfance et son adolescence, Albert Cossery fut révélé dès 1940 par un premier recueil de nouvelles, Les Hommes oubliés de Dieu. Lawrence Durrell, alors en poste en Égypte, le conseilla à Henry Miller, lequel, enthousiasmé, le fit publier aux États-Unis pendant la guerre. Depuis 1945, Albert Cossery s'est installé à Paris, où il poursuit son oeuvre. En 1990, l'Académie française lui a décerné le grand prix de la Francophonie. Paru en 1955, Mendiants et orgueilleux peut être considéré comme le roman le plus représentatif de l'univers de Cossery. De nombreuses adaptations en témoignent : après le film de Jacques Poitrenaud, avec Georges Moustaki dans le rôle principal, une seconde version, réalisée par la cinéaste égyptienne Asma El Bakri, a récemment vu le jour. Enfin, depuis 1991 , grâce au dessinateur Golo, Mendiants et orgueilleux est aussi une bande dessinée.
«
v M'AS l'l\S DE i.iT?! 1 C.OM!of'\Î l>S·TU oMfi l>~~ S Ut\E T€U.6 MiSER€
~
« -Je vis en mendiant
parce que je le désire.
»
EXTRAITS
Parmi la foule où il cherche refuge,
Gohar rencontre un personnage
fascinant
Gohar s'a rr êta d'instinct comme s'il pres
sentait une zone de douceur, la promesse
d'une joie délectable parmi la confuse
rumeur environnante .
Devant une boutique
vide
il vit un homme d' un certain
âge, aux vêtements soignés, assis
dignement
sur une chaise, et qui
regardait passer
la foule d'un air
détach é
et roya l.
L'homme avait
une attitude majestueuse extraor
dinairement frappante.
« Voilà un
homme selon mon cœur
», pensa
t-il.
Cette boutique vide
et cet
homme qui ne vendait rien étaient
pour lui une trouvaille inestimable.
La boutique , Gohar le devinait ,
représentait simplement un décor;
elle lui servait
pour recevo ir ses
amis et leur offrir une tasse de café.
C 'était
là le comble de l'opulence
et de
la générosité.
Pour le poète Yeghen, fidèle disciple
de Gohar,
le génie n'est pas le critère
de la
« vraie valeur »
Il faut dire à son avantage -caractéristique
asse z rare chez les poètes -que
Yeghen ne
se prenait pas pour un génie.
Il trou vait que
le génie manquait de
gaieté! L'immense
entreprise de démoralisation, que certains
esprits dits supé rieurs exer çaient sur
l'humanité , lui paraissait relever de la plus
malfaisante criminalit
é.
Son estime allait
plutôt à des gens quelconqu
es, qui n'étaient
ni poètes, ni pens eurs , ni ministres, mais
simplement habités
par une joie jamai s
éteinte.
La vraie valeur
pour Yeghen se
mesurait à
la quantité de joie contenue dans
chaque être.
Comment pouvait-on être
intelligent et triste
? même devant le bour
reau
Yeghen n 'a urait pu s 'empêcher d'être frivole
; toute autre attitude lui eût semblé
h ypo crite et empreinte d'unefauss e dignité.
Ainsi en était -il de sa poésie ; elle était
le
langâge même du peuple parmi lequel il
vivait; un langage où l'humour fleurissait
mal gré les pires misères!
Le policier Nour El Dine
est
ici poussé dans ses derniers
retranchements : sa conversion
est proche
« -L'inno ce nt est le coupable, dit Nour
El Din
e.
J'établis ma conviction d'après
ce rtain s faits irrécusables et
pré cis.
Je
n'arr ête un homme que lorsque je suis
convaincu de sa culpabilit
é! Vous êtes tous
ici des gens instruits et pourtant vous me
semble z n'avo ir aucune idée de
la loi .
- Ce
n'est pa s la loi qui nous int éresse , dit
Yeg hen, mais l'homme .
C e qui nous inté
r esse
c'est d e savoir pourquoi un homme
co mm e
toi, au lieu de jouir de sa courte v ie,
pass e son temp s à arrêter ses semblables .
J e trouve cette occupation bien
malsain e.
- Mais ,
je ne fais que défendr e la
socié té contre les criminels, dit
Nour El Dine.
Quelle sorte de
gens êtes-vo us
donc! Vou s vivez
en dehors de la réalité!
- La réa lité dont tu parle
s, dit
Gohar, est une
réalité faite de
pr éj ugés.
C'e st un cauchemar
inventé par les hommes.
- Il
n'y a pas deux réalités , dit
Nour El Din
e.
-Si, dit Gohar.
Il y a d'abord la
réa lité née de l'impo sture , et dan s laqu elle
tu te débat s comme
un poisson pris dans un
filet.
- Et quell e es t l 'autre
?
- L'autre est une réalité souriante reflétant
la simplicité de la vie.
»
Julliard, 1955
«Il n'y avait plus en lui qu'une infinie lass itude,
un immense besoin de
paix -simplement de
paix.»
NOTES DE L'ÉDITEUR action s hum aine s ; ( ...
) Leur intelligence des
ressorts du monde leur épargne de faire de
ce lle-ci
un usage absurde, c'est-à-dire de
vo uloir ch anger le monde , d
'être des
révolutionnaire
s.
( ..
.
) Leur parole est dénuée
d e viole
nce, non pas d'ironie .
L 'aut orité de
l a vérité est dans ce qu'
ils disent (mai s la
force de la vio lence est dan s ceux qui la
bafouent).
Il n'est pas
jusqu 'à leur s silences virtuosité
(comme on dit que l'aiguille
d'une bous sole s'affole).
»Claude Schmitt ,
Matulu, septembre 1973.
Henry Miller fut un constant admirateur de
Cos se
ry.
D an s une étude consacrée à ses
roman
s, il écrivit dès 1945 : « Albert
Cossery annonce une aube nouvelle , une
aube
pui ssante venue du
Proche , Moyen et
Extrême-Orient.
»(« The Novels of Albert
Cossery
»,Ac cen t, automne 1945).
« Le regard que posent s ur le monde les
personnages d'Albert Cossery est toujour s
vif à sa is ir ce qu'
il y a de burlesque dans les
1 D .
R .
2.
3.
4.
5 dess ins de Golo .
Cast erman.
1991 /photos Trnp ic Studi o
· qui ne soient insupportable s à leur s
bourreaux.
La bêtise de ceux-l à s'affo
le du
lang age sententieu
x, ou précieux , ou
sim plement propre, qu'il s manient avec
«A traver s l'intraduisible buée de la s ieste
orientale, ses personnages portent sur
l 'organisation humaine, sur l'agitation toute
méc anique de la cité,
un regard d'aimable
mépris .
Le mouvement est un complot
contre l'homme.
Toute sollicit ation d
'ordre
utilitaire met en péril sa paix intéri eure.
»
George s Henein , Calligrammes, Almanach
de s arts et des lettres en Égypte, 1956.
COSSER Y 02.
»
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