Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir (analyse détaillée)
Publié le 22/10/2018
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Mémoires d'une jeune fille rangée. Autobiographie de Simone de Beauvoir (1908-1986), publiée à Paris chez Gallimard en 1958.
Simone de Beauvoir grandit à Paris, dans un milieu aisé et conformiste. Son enfance se partage entre l'intimité du cercle familial et une scolarité brillante par laquelle elle se sent accéder à tout l’univers : « De mon fauteuil studieux, j'entendais l'harmonie des sphères. » Au cours Désir, elle rencontre « une petite noiraude, aux cheveux coupés court», Éisabeth Mabille, surnommée Zaza. dont elle admire la vivacité et la spontanéité (I). Au moment de la puberté, elle se détache de son père, puis de sa soeur et de sa mère, et cesse de croire en Dieu. Elle éprouve du dépit de la désinvolture avec laquelle Zaza la traite parfois (II). Étudiante en philosophie à la Sorbonne, elle croise Simone Weil, Roger Vailland, mais ne se lie avec personne : « Il y avait longtemps que la solitude m'avait précipitée dans l'orgueil. La tête me tourna tout à fait. » Elle tente quelques incursions dans les cafés, boit de l'alcool, découvre le jazz, et se laisse aborder par des inconnus. Mais ces tentatives d'émancipation restent sans lendemain. Pendant ces années, elle entretient avec son cousin Jacques une amitié amoureuse et intellectuelle (III). Elle prépare l'agrégation en compagnie de Nizan et surtout de Sartre, avec qui elle se sent en profonde connivence. Fin de la relation avec Jacques. De son côté, Zaza, qui ne se résout pas à se déta-
«
cher d'une famille hostil e à ses projets de
m ariage, meurt avec l'amère conscience d'u n échec.
« Souvent la nuit elle m'est apparue.
[-] elle m e regardait avec reproche.
Ensemble nous avions lutté contre le destin fangeux qui nous guettait et j'a i pensé longtemps que j'avais payé ma liberté de sa mo rt » (IV).
Ces Mém oires relève nt de l 'a uto
portrait autant q ue de l'autobiogra
phi
e.
À la relation des menus faits de
la vie
qu otidi enne, l' aut e ur mêle une
re c
her che des é lé ment s fo ndateurs
d
'une per sonnalité qui s'affirme dès les
p remières années :
« Aussi loln que je
remonte , j'ét ais fière d 'êt re l'ainée : u la
première ", "mon sérieux", c'était " tou t
moi", et je tenais énorm éme nt à moi.,.
Cette qu ête de soi-m ême est guidée par
u n souci d'exactitude qui pousse
Simone de Beauvo ir à évoquer sa vie
avec précisi on et froideur .
Comme une
journaliste c
har gée d'une enqu ê te , elle
cite son journa l intim e à titre de docu
ment.
Elle confronte ainsi l 'imp ression
im
méd i ate et le recul de l'expé rience
dans des ana lyses ma rquées par le rejet
des illusi
on s ou de la comp laisance.
Elle d épein t sans indu lgence ses tra ve rs (son « arrogante solitude •, son
absence de fan tais ie ou de
générosi té)
au
point de paraître étra ng ère à elle
mêm e.
Ses souve nirs d'e n fance la lais
sent Insensible.
Ses ém ois d 'adole s
cente lui paraisse
nt naïfs et conve n
tio nne ls i elle se dit «soumise aux lois,
aux pon
cifs, aux préjugés •.
Le ton est
ainsi celui du ré
qui sitoir e, et non de
l'apologie : la sympathie du lecteur
n 'es t ja m ais sollidtée dans ces pages, et
a u charme
du pass é, l'a uteur préfère la
rigue ur et
la céré brali té d'u ne contesta
tion lucide de ses erreurs d'a ntan.
Une double am bitio n s'affi rme pour
tant au fil des pages, qui transfo rme la
terne c
hioni que familial e en aventure
ind iv iduelle.
L'héroïne ép rouve une
v o l
onté pa ssio nnée d'émancipatio n et
d'affirmation de sol que couronne )a
re nco ntre avec Sartre, «intelle ctuel •,
«a n ti bourgeois "• dont 1' « es thétisme d'opposition ,.
donne droit de dté à sa
pr opre pensée.
Ce rejet
d'u n rniHeu
familial conformiste se prolonge dans
le dés ir très
préco ce de se consacrer à
l 'éc riture, vocation dictée
par l' exalta
tion que lui pro cur e la lec ture : « La lit
térature prit dan s mon exis ten ce la
pla ce
qu 'y avait occ up ée la rel igio n :
elle l' envahit tou t entière
et la transfi
gu ra .
,.
Mai s le dés ir de « tout dire ,.
de
so l n'est pas seuleme
nt esthétique.
n
donne se n s à la vie entiè re : « En écri
vant une œuvre nourrie de m on his
toi r e, je m e créerai s m oi- même à neuf
et je
justifi erais mon existence.
En
même temps, je servirais l'humani té :
quel plus beau cadeau lui fair e que des
livres?,.
Le c h oix de l'éc riture person
ne
lle procèd e autant de la révo lte que
du don de soi.
Ces Mémoir es (q ui s'arrê tent à
l'a nnée 1929) ne son t que le déb ut d'un e lon gue autobiograp hie qui se
pou rsuivra avec
la Force de l'age (1960),
la Force des choses (196 3) et Tout compt e
fait (1972)..
»
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