Mémoires d'un tricheur de Guitry

« « ...

je regardais amusé, impressJonné aussi, ces vieilles dames ...

» -- -- ---- EXTRAITS Paris, terrain de jeu du narrateur « Toutes les villes ont un cœur; et ce qu'on appelle le cœur d'une ville, c'est l'endroit où son sang afflue, où sa vie se manifeste intensément, où sa fièvre se déclare, sorte de carrefour où toutes ses artères paraissent aboutir.

Mais le cœur de Pari s a ceci de par­ ticulier, c'est que chacun le place où il l'entend.

Chacun à son Paris dans Paris.

Le mien commence à l'Arc de Triomphe et se termine place de la République -en pas­ sant par les Champs­ Élysées, la rue Royale et les Grands Boule­ vards.

Le boulevard Haussmann le limite à sa droite et la Seine à sa gauche.

Passy, La Villette, Grenelle, Mont­ martre, dont on dit que ce sont des quartiers de Par is, pour moi sont de petites villes - avec leur physionomie, leurs habitudes, leurs coutumes, et souve nt aussi leur accent.

Un petit garçon né à Grenelle ne parle pas du tout de la même manière qu'un petit garçon né à Ménilmontant.

Si mon Paris à moi est limité par la Seine, c'est que sur la rive gauche de ce fleuve se trouvent instal­ lées la Politique , la Justice, l'instruction, les Prisons et ces grandes Maisons sinistres où l'on vous soigne -tout cela ne m'est pas extrêmement sympathique.

( ...

) L'argent plus que la sensualité - Vous pouvez entrer; fit-elle.

J'entrai.

Elle me regardait, rougissant un peu, et je vis qu'un louis d'or brillait entre ses doigts.

Elle me le tendit, et rien n'était plus clair que ce qu 'elle désirait, bien entendu.

Mais, je le répète, j'avais dix­ sept ans et j'étais vierge.

Pourtant j'allais me jeter sur elle quand un doute soudain me prit : « Et si je me trompais ? Si ce n'était pas cela qu'elle voulait ? Si elle allait se mettre à pousser des cris, si elle allait sonner ...

» Risque bien grand.

Dilemme affreux.

D'abord, se jeter sur une femme, c'est bien facile à dire -et c'est même facile à faire.

Oui, mais après ? La renverser sur le lit - évidemment.

Seulement, voilà, ce sont de ces choses que l'on peut très bienfaire et qu'on peut faire très bien la deuxième fois.

Pas la première, me semblait-il.

Alors? Refuser les 20 francs ? C'était bien grave aussi, car c'était lui dire: - Non, vous ne me plaisez pas.

Alors, ma foi , j'ai pris le l ouis d'or, j'ai balbutié quelque chose et je m'en suis allé très vite.

Le joueur joue a ussi avec les femmes Les années passent - sans incident pour moi notable.

D es aventures pas­ sagères .

Entre autres, la femme d'un fac­ t e ur.

Blonde, un corps ravissant et .des seins minuscules.

Elle m'écrivait chaque soir une lettre d'amour­ en déguisant son écriture, à cause que c'était son mari qui, chaque matin, me la remettait.

il « ...

ce regard sans ex­ pression, dont la fixité pénétrante me troublait et me gêna it, s'adressa it a u croup ier bien plus encore qu'à l'homme.» NOTES DE L'ÉDITEUR En 1936, Sacha Guitry a adapté son livre à l'écran, sous le titre Le Roman d'un tricheur.

A la suite du film, il avoue : « Lorsque les journaux ont annoncé le Roman d'un tricheur, lor squ 'ils en ont raconté le sujet, il s'est passé une cho se extrêmement drôle.

Ce film, je l'ai tiré d'un petit livre que j'ai fait il y a deux ans et que j'avais intitulé Mémoires d'un tricheur.

Comme ce so nt soi-disan t de s Mémoires, j'a i bien été obligé de dire JE à la place de IL.

J'ai écrit je suis né à telle époque, j'ai fait ceci, j'ai fait cela.

En une heure et demie, j'ai voulu condenser toute la vie d'un personnage singulier sur lequel le destin s'ac harne comme à plaisir : quarante ans de la vie d 'un homme auqu el ses mauvaises actions portent bonheur et que la c hance abandonne aussitôt qu'il ve ut s'amender.

Il faut en convenir, ce sujet était bien tentant.

» Sacha Guitry.

extraordina irement étroit, tel nous apparaît avec le recul le personnage de Sacha Guitry .

Attaché par toutes ses fibres à une certaine France, à un certain Paris, à un certain quartier de Paris -rive droite bien entendu -pendant les quarante premières années du siècle.

Le contraire d'un excentrique, d'un marginal, d'un révolté , d'un révolutionnaire .

» Michel Tournier , «Guitry ou l'image bloquée », Maga zine littéraire n° 223 , octobre 1985.

«Le pur produit d'une certaine société.

L 'image bloquée d'un milieu 1 Len Sirman 2, 3, 4, 5 eaux-fones de A.

Collot , éd.

Guillot , Paris.

1953 / B .N .

GU ITR Y 02. »