Mémoires du comte de Gramont
Publié le 09/04/2013
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Après avoir été comparé à Voiture pour ses lettres et ses petits vers, avoir sacrifié à la mode du temps en rédigeant des Contes, Hamilton fut véritablement consacré comme écrivain à soixante-sept ans avec les Mémoires du comte de Gramont. Hamilton ( 1646-1720), gentilhomme écossais, mais né en Irlande et élevé en France, partagea sa vie entre la cour de France et celle d'Angleterre. Il se lia à Gramont à l' arrivée de celui-ci à Londres en 1661.
«
« Il résolut de
l'acquérir à quelque
prix que ce fût pour la
mettre dans son
sérail.»
EXTRAITS
Gramont, libertin accompli,
converti
par l'amour
Quoique sa passion fût hautement déclarée,
personne à la cour ne la regardait que
comme ces habitudes de galanterie qui ne
vont qu'à rendre justice au mérite .
Son
philosophe en jugea tout
autrement, en voyant que,
sans compter un redoublement
infini de magnificence et de
soin, il avait regret
aux heures
qu'il donnait au jeu , qu'il ne
cherchait plus ces longues et
agréables conversations qu'ils
avaient d'ordinaire ensemble,
et que ce nouvel empressement
l'enlevait partout à lui-même.
«Monsieur le chevalier, lui dit
il, il me semble que vous laisse z
depuis quelque temps les beau
tés de la ville et leurs amants
bien en repos.
La Middleton
fait impunément de nouvelles
conquêtes,
et de vos présents
vous souffrez qu'elle vous crève
les yeux sans la moindre avanie.
La pauvre Warmestré vient d' ac
coucher tranquillement au milieu de la cour
sans que vous en aye z soufflé.
Je l'avais bien
prévu, monsieur
le chevalier, vous avez fait
connaissance avec mademoiselle de Hamil
ton : et, chose qui ne vous était jamais arri
vée, vous voilà véritablement amoureux.
»
Gramont séduit la cour d'Angleterre
Le chevalier de Gramont fut bientôt du goût
de tout
le monde .
Ceux qui ne l'a vaient pas
encore vu furent surpris qu'un Français
pût
être de son caractère.
Le retour du roi, qui
avait attiré toutes sortes de nations dans sa cour,
y avait un
peu décrié les Français ;
car, loin que les personnes de distinction y
eussent paru les premières,
on n'avait vu
que de petits étourdis, plus sots et plus em
portés les uns que les autres , méprisant tout
ce qui ne leur ressemblait pas, croyant in
troduire le bel
air en traitant les Anglais
d'étrangers dans leur propre pays.
Le chevalier de Gramont, au contraire.fa
milier avec tout
le monde, s'accommodait à
leurs coutumes,
mangeait de tout, louait
tout, et s'accoutumait facilement à des ma
nières qu'il ne trouvait ni grossières, ni sau
vages :
et faisant voir une complaisance
naturelle au lieu
del' impertinente
délicatesse des autres, toute
l'Angleterre fut charmée d'un es
prit qui dédommageait agréable
ment de ce
qu'on avait souffert du
ridicule des premiers.
Il fit d'abord sa cour au roi, et fut
de ses plaisirs.
Il jouait gros jeu, et
ne perdait que rarement.
Il trouvait
si peu de dif.f érence aux manières
et à la conversation de ceux qu'il
voya it
le plus souvent, qu'il ne lui
paraissait pas qu'il eût changé de
pays.
Tout ce qui
peut occuper
agréablement un homme de son
humeur
s'offrait partout aux di
vers penchants qui l'entraînaient,
co mme si les plaisirs de la cour de
France l'eussent quitté pour l' ac
compagner dans son exil.
Il était tous les jours retenu
pour quelque
repas ; et ceux qui voulurent le régaler à
leur tour
furent obligés enfin de prendre
leurs mesures,
et de le prier huit ou dix
jours devan t celui qu'ils devaient lui don
ner à manger .
« Le duc mit pied à terre pour la secourir.
Elle était tellement
étourdie, qu'elle n'avait
garde de songer à la
bienséance dans cette
occasion.»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Les Mémoires du comte de Gramont
appartiennent à ce type d'œuvre, faite en
pièces détachées, où
l'on retrouve pêle
mêle des aventures galantes, des galeries de
portraits, des dialogues
à l'ancienne entre
un" fol" et un" sage", quelques lettres et
une chanson dont le modèle restait
à coup
sûr le
Satiricon de Pétrone pour un lettré du
XVIIe siècle.
On sait l'importance que
prenait
à cette époque la valeur morale
d'une œuvre.
On peut dès lors reprendre à
propos de Hamilton ce jugement de Saint
Évremond sur Pétrone:" Je me trompe ou
les bonnes mœurs ne lui ont pas tant
d'obligation ;
c'est plutôt un courtisan délicat,
qui trouve le ridicule ,
qu'un
philosophe utile au public qui s'attache à
blâmer la corruption.
" Au xx:e siècle, les
Mémoires du comte de Gramont ou encore
L' Histoire amoureuse des Gaules de Bussy
Rabutin désignent des romans libertins
racontant le dévergondage amoureux des
nobles de France et d'Angleterre.
» Claude
Filteau,
Le Statut narratif de la
transgression, essais sur Hamilton et
Beckfort,
Naaman, Canada, 1981.
« Les Mémoires de la vie du comte de
Gramont se situent au carrefour de
plusieurs genres.
Ainsi s'explique
l'hésitation des contemporains pour classer
l 'œuvre par rapport aux catégories existantes.
En 1714, le
Journal littéraire
écrit:" C'est d'un côté une histoire
comique dont les aventures ne sont pas
moins divertissantes que celles de Francion,
mais racontées plus joliment et plus
naïvement et de l'autre une histoire galante
qui ne ressemble pas trop mal
à celle que
M.
de Bussy donna autrefois à la cour de
France sous le titre
d'Histoire amoureuse
des
Gaules." En 1734, Lenglet du Fresnoy
dans sa
Bibliothèque des romans relève que
l'ouvrage
est" autant historique que
romanesque
".
» Françoise Gevrey, Un
Récit émancipé : les Mémoires de la vie du
comte de Gramont, Cahiers de Littérature
du XVIIe, III, 1981.
1 B.N.
2, 3, 4, S ea ux- fortes de J.
Chauvet , B onn asies édite ur , Paris, 1876 / B.N.
HAMILTON 02.
»
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