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MÉMOIRES de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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MÉMOIRES. Ouvrage de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz (16131679), publié à Nancy chez Jean-Bap-tiste Cusson en 1717.

Lorsque, au début de la Régence, parurent à Nancy (dans la Lorraine encore indépendante), puis à Amsterdam les Mémoires de Retz, on fut tenté d'en mettre en doute l'authenticité. Le libraire Cusson ne donnait aucune indication sur la provenance du texte ; dans tous les passages consacrés à la Fronde, on retrouvait de nombreux et évidents emprunts au Journal du Parlement; en 1715 avait commencé en France une nouvelle régence, comparable, dans ses débuts, à celle d'Anne d'Autriche : le neveu de Louis XIV, comme jadis la veuve de Louis XIII, avait eu recours au Parlement pour s'octroyer un pouvoir régalien, et ces Mémoires auraient pu être forgés pour montrer l'iniquité et la malfaisance du despotisme, pour justifier en quelque sorte la sédition des frondeurs et pour proposer un équilibre des pouvoirs conforme aux anciennes traditions françaises. Même s'il subsiste bien des mystères dans ce texte, qui est d'ailleurs brutalement interrompu, il paraît plus raisonnable d'en admettre l'authenticité. Ce n'est pas sans arrière-pensée qu'on l'a fait paraître en 1717, mais nous pouvons penser que Retz l'a composé dans sa retraite de Commercy : ce travail l'aurait occupé à peu près dix-huit mois, de l'automne 1675 au printemps 1677.

Les Mémoires, dans l’état où nous les connaissons, comportent trois parties. La première va de 1613 à 1643 ; nous y trouvons l’évocation de la famille de Retz, de sa jeunesse désordonnée (duels et galanteries), de la folie de son père de mettre dans l’Église « l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers ». il se mêle aux complots du comte de Soissons contre Richelieu, qui a abaissé sa famille. Le cardinal-duc meurt le 4 décembre 1642, et Louis XIII le 1er mai 1643. La régente, un mois plus tard (le 12 juin), le nomme coadjuteur de son oncle à l’archevêché de Paris Dans la deuxième partie, nous assistons à tous les événements de la Fronde. Quand Broussel est arrêté et que le peuple de Paris se révolte, Retz concourt à apaiser cette sédition. Mazarin et Anne d’Autriche ne lui en savent aucun gré et le considèrent comme un factieux. Il demeure à Paris lors de la retraite de la cour à Saint-Germain et essaie vainement d’entraîner Condé dans le camp du Parlement II devient avec Bouillon et Turenne, l’un des chefs de la rébellion et voit se conclure en mars 1649 la paix de Rueil. Puis c’est l’arrestation des princes, Condé, Conti et Longueville, la guerre civile, la fuite de Mazarin, enfin la victoire du roi, qui prodame, le 22 octobre 1652, une amnistie générale. Cela ne l’erripêche pas de faire arrêter Retz le 13 décembre. Il est enfermé à Vincennes, puis à Nantes. Il s’évade le 8 août 1654, gagne l'Espagne, puis la Toscane, où il parvient trois mois plus tard. Là commence la troisième partie. Retz est à Rome ; il est reçu par Innocent X (novembre 1654). Le pape meurt le 7 janvier 1655. S’ouvre un conclave qui durera quatre-vingts jours : Retz parvient à faire élire le cardinal Chigi, qui prend le nom d’Alexandre VII. Il apprend que la cour a remis l’administration de l’archevêché de Paris au chapitre de Notre-Dame. Il s'agite pour faire reconnaître ses droits et recouvrer son diocèse. C'est là que le récit s’arrête, de la manière la plus abrupte.

Au début du texte, Retz affirme entreprendre ces Mémoires à la prière d'une dame de ses amies, qui lui a demandé un récit fidèle de ses aventures. Cette dame a des fils, auxquels l'écrivain adresse, dans les dernières pages, quelques conseils et réflexions. Les historiens ont cherché à identifier cette mystérieuse destinatrice. On a cité Mme de Lesdiguières, Mme de

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« Sévigné, Mme de La Fayette, Mme de Grignan.

Aucune certitude, aucune preuve formelle ; notons toutefois que les > de la dame semblent encore des enfants au moment où le cardinal écrit, ce qui doit restreindre l'enquête.

Cela donne, en tout cas, aux Mémoi­ res, un accent très particulier.

Retz n'écrit ni des *Confessions comme Rousseau ni un poème du temps et du rêve, comme les *Mémoires d'outre­ tombe.

Il ne revit pas son passé et ne s'y plonge pas comme dans un songe éveillé.

Il a en face de lui une lectrice qu'il ne faut pas lasser, qu'il importe d'amuser constamment, et peut-être de jeunes lecteurs qui ont quelque chose à apprendre de ses expériences.

C'est ainsi que le ton est brillant, vif, et que le passé- peu coloré d'ailleurs, peu pit­ toresque -conduit, à chaque page, à des analyses et à des réflexions généra­ lisantes.

Cette intellectualisation pres­ que permanente n'atteint pas la haute métaphysique ; elle se borne à la morale et à la politique ; elle demeure dans les limites qu'exigent la conversa­ tion et la plus souriante pédagogie.

Cette démarche qui ne fait, au fond, de la vie de Retz qu'une longue suite d'exempla, n'empêche nullement, im­ pose peut-être même, une extrême pré­ cision.

Tous les détails importent à qui veut persuader et éclairer.

Avouons que ces détails n'ont pas tous la même valeur et qu'une sorte de myopie embarrasse souvent la narration.

L'écrivain se perd un peu dans le poin­ tillisme : il se retrouve heureusement, quand son impétuosité et sa vive intel­ ligence interrompent cette trame trop serrée, réintroduisent des aperçus cava­ liers et de séduisantes fulgurances.

L'autobiographe était, malgré tout, un historien, et il se plie, comme dans la Conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque (1665), aux topai du genre - longues harangues, maximes, et cette célèbre galerie de portraits où défilent tous les protagonistes de la guerre civile.

Mais une ironie subtile mine tous ces procédés.

Les discours trop beaux paraissent à demi rêvés.

Les portraits trop brillants éclairent moins sur le héros que sur le peintre, qui étale, presque jusqu'à la parodie, sa vir­ tuosité :. »

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