Maurice BLANCHOT : L'Arrêt de mort
Publié le 24/09/2012
Extrait du document
L'écrivain Edmond Jabès, dont la propre oeuvre, par certaines des questions qu'elle se pose, est proche de l'oeuvre de Maurice Blanchot, commente en ces termes L'Arrêt de mort : Jamais un livre n'aura été , à ce point, l'espace éprouvé de sa Loi. Souveraine gravité de l'arrêt de mort ! L'implacable sentence, l'infaillible décret s'abat, comme un couperet, sur chacune de ses pages et une fois au moins, de la manière la plus visible, non pour séparer, en deux parties presque égales , le récit mais , au contraire, pour marquer de sa coupure le passage de l'une à l'autre, de la vie à la mort afin de les confondre ensuite. «
«
111ustration J.
Simon
"Je ne suis pas rnaî1re du langage.
Je /'écoule seule ment dans son effa cemenl , m'effa ça ni en lui , ve rs celle
limite silencieuse oû il a/tend qu'on le
re cond uise pour par ler, là oû défa ille la présen ce comme elle
d éfai lle là oû parle le désir ", écril Mauri ce Blan cho l dans un
ouvrage uilérieur , Le Pas au-delà.
Le livre
Sentences, sentence
J.
est
malade, condamnée à mourir , à 1 'instar du narrateur,
condamnée
comme tout un chacun.
Cette sentence finale et
décisive qui ne peut pas tarder
à s'abattre fait peser un poids
chaque
jour plus lourd sur les paroles et les gestes des êtres qui
1 '
entourent.
L 'inquiétude cède le pas à la peur panique , la
crainte de la solitude, et les protagonistes du récit sont envahis
tour à tour par cette angoisse que reflète en la multipliant
le
regard des autres.
Page après page, l'héro"ine s'enfonce dan s la
mort.
Page après page, le lecteur suit 1 'évolution clinique de sa
disparition .
Brusquement, les fils se brisent,
le récit se rompt.
Mais
il n'y a malheureusement pas de fin, pas d'avant non plus
que l' on puisse radicalement isoler du
mouvement de la vie
même.
Il
n'y a pas la vie d'un côté puis la mort de l'autre, mais
une succession d'instants qui les enchevêtrent
jusqu'à ne plus
pouvoir les distinguer.
La seconde partie de L'A rrêt de mort
nous raconte tout cela, faisant surgir à la surface des mots cette
cassure plus profonde qui nous constitue, cette faille béante sur
l aquelle nous tentons de nous constituer.
Blanc hot l'obsc ur
T 'Arrêt de mort marque un tournant dan s 1 'œ uvre de
L Maurice Blanchot.
En effet, il passe avec cette œuvre de
l 'écriture romanesque
(Thomas l'Obscur en 1941 , Aminadab
en 1942, Le Très-Haut en 1948, etc.) à celle du récit.
Rupture
formelle qui ne se traduit pas pour autant par
un changement
radical de thématique .
Ici encore, l
'auteur réaffirme l'impos
sible séparation de l'expérience littéraire de l'expérience de la
mort.
Le texte de Blanchot repose sur l'idée fondamentale que
le
langage entretient un rapport d'anéantissement avec les
choses
qu'il nomme .
En affirmant, le langage corollairement
nie en ce qu'
il ôte toute réalité sensible aux choses qu' il fait
exister.
C
'est cette analyse même du langage pris dans une dia
lectique présence-absence que l'on retrouve dans l 'ense mble de
la production fictionnelle de Blanchot et qui sous-tend ses tra
vaux de critique.
Analyse ardue s'il en est et qui justifie que ses
récits soient
à la fois difficiles, décisifs et fascinants, que son
écriture soit blanche et neutre, en refu s des fioritures du styl e..
»
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