MARIVAUX: LE JEU DU HASARD ET LE JEU DE L'AMOUR (Fiche de lecture et analyse)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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identité.
Pourtant, Silvia continue à jouer le jeu de la soubrette, pour éprouver Dorante (Acte II).
Les choses se compliquent quand Mario, le frère de Silvia, s'efforce de rendre Dorante jaloux en se faisantpasser pour l'un des soupirants de Silvia.
Dorante, amer, songe alors à s'en aller, au grand désespoir de Silviaqui réalise qu'elle a peut-être été trop loin.
Mais Dorante finit par la demander en mariage.
Le triomphe de Silviaest total.
Elle peut enfin lui avouer qui elle est réellement et l'on s'apprête à célébrer un double mariage : celuide Silvia et Dorante, et celui de Lisette et Arlequin.
Nous ne sommes jamais inquiétés par les obstacles qui se dressent entre Silvia, Dorante et leur amour, carnous ne sommes pas dupes.
On sourit à les voir s'éviter, se manquer, car l'on sait que le dénouement seraforcément heureux.
Tel est le jeu que Marivaux entretient avec son public, qui en connaît les règles.
Surscène, les personnages inventent leur propre jeu.
La scène du théâtre italien, marquée par l'influence de lacommedia dell'arte, est propice au divertissement, et Marivaux a créé pour elle un théâtre adapté en empruntant à la dramaturgie italienne son réalisme romanesque et fantaisiste.
Le travestissement est la meilleure des preuves de ce perpétuel jeu avec la vérité auquel se livrent les personnagesde Marivaux.
Dans un premier temps, Silvia et Dorante vont jouer le «jeu du hasard» en décidant, sans seconcerter, de se déguiser en soubrette et en valet.
Ce jeu devient le «jeu de l'amour» quand, Dorante ayant jeté lemasque, Silvia persiste seule à feindre, malgré les sentiments qu'elle éprouve pour lui.
Pour souligner enfin que tout cela n'est qu'un jeu, Marivaux oppose au couple Silvia-Dorante, le duo formé parLisette et Arlequin, qui jouent sur un mode parodique la même comédie de l'amour, en s'embarrassant moins queleurs maîtres, malgré leurs déguisements, des préjugés sociaux et des questions d'amour-propre.
UN THÉÂTRE DE LA NUANCE
Marivaux se démarque à plus d'un titre des grands dramaturges qui l'ont précédé au XVIIe siècle.
La grandeoriginalité de son théâtre est avant tout d'être un théâtre dans lequel la vérité s'exprime dans la nuance.
À la différence de certaines comédies de Molière, celles de Marivaux ne privilégient pas la farce.
S'il est despersonnages comiques dans ses pièces, ce sont en règle générale des rôles de second plan.
Par ailleurs, le riren'émane pas comme chez Molière de personnages par essence ridicules et susceptibles d'être moqués.
Si Silvia etDorante nous font rire, c'est d'un rire bienveillant et non moqueur, et d'abord grâce au jeu qu'ils jouent en setravestissant.
Lors de leur première rencontre (I, 7), le comique provient du décalage qui existe entre leursmanières, qu'ils tentent de calquer maladroitement sur celles de leurs valets, et ce qu'ils sont réellement.
Leurdialogue, sur le mode du tutoiement, mêle ainsi des expressions du parler populaire (Dorante multiplie les jurons) etdes propos qui trahissent la noblesse des jeunes gens :
DORANTE
Tout valet que je suis, je n'ai jamais eu de grandes liaisons avec les soubrettes, je n'aime pas l'espritdomestique ; mais à ton égard, c'est une autre affaire : comment donc ! tu me soumets, je suis presquetimide, ma familiarité n'oserait s'apprivoiser avec toi, j'ai toujours envie d'ôter mon chapeau de dessus ma tête,et quand je te tutoie, il me semble que je jure ; enfin, j'ai un penchant à te traiter avec des respects qui teferaient rire.
Quelle espèce de servante es-tu donc, avec ton air de princesse ?
(I, 7)
Les personnages de Marivaux savent par ailleurs se montrer spirituels dans le dialogue, variant spontanément lesregistres (la remontrance, l'impatience, la préciosité, l'étonnement), enchaînant les répliques avec à propos,multipliant les traits d'esprit, les antithèses ou les alliances de mots :
SILVIA
Laisse là ton amour.
DORANTE
Quitte donc ta figure.
(I, 7)
La nuance s'exprime également chez Marivaux dans l'épaisseur qu'il donne à ses personnages.
Ceux-ci ne sont pas,comme chez Molière, des «caractères» marqués par un trait dominant ou, comme chez Racine, des êtres dominésjusqu'à l'obsession par une passion.
Les personnages de Marivaux sont des êtres «en mouvement» que l'on voitévoluer subtilement sous nos yeux : Silvia passe ainsi de la curiosité à l'amour-propre, et enfin à l'amour.
Satransformation nous fait voir P al-
chimie subtile de l'amour qui naît par hasard et se révèle en modifiant l'âme dans laquelle il s'est installé.
C'est là leterrain de prédilection de Marivaux, qui excelle à déchiffrer les finesses de la psychologie — notamment féminine —et qui cherche avant tout à peindre toutes les nuances de l'amour :.
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