Marguerite DURAS: L'amant (Fiche de lecture)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
Paris.
« Il lui avait dit que c'était comme avant, qu'il l'aimait encore, qu'il ne pourrait jamais cesser de l'aimer, qu'il l'aimerait jusqu'à sa mort.
»
Commentaire de l'oeuvre
Le roman familial
L'oeuvre de Duras commence par mettre en place le roman familial qui génère une série de hantises, qui saturel'espace romanesque de réminiscences.
Quelles sont ces hantises? Elles résultent de la froideur de la mère,uniquement préoccu-pée du frère aîné, le voyou qui occulte la figure souffrante du cadet, tôt disparu, et lasilhouette mince de la rebelle, la
fille insoumise et scandaleuse.
La petite aime le faible, que la vie lui ravit, et cette expériencedouloureuse l'incite à lier l'amour et la mort de manière indéfectible.
Hantise de la mort, de ladépossession.
Hantise de l'amour aussi, toujours lié au scénario du rapt, de la clandestinité et duvoyeurisme.
Voyeurisme dans Le Ravissement de Lol V.
Stein, Le Vice-Consul, India Song, L'Homme assis dans le couloir, parce que Duras ne cesse de théâtraliser la passion, de la représenter comme mise à distance, procurant un plaisir redoublé dans la vision des amours des autres.
A l'égal des tragédies antiques dont tous les spectateurs connaissaient le sujet emprunté à la mythologie grecque,L'Amant ne raconte pas une histoire.
Il constitue le précipité, au sens chimique du terme, de toutes les figures qui hantent l'imaginaire de l'auteur.
Mais il est aussi une avancée vers la révélation d'une vérité longtemps occultée, quiconditionne l'ensemble de la production romanesque.
Ainsi, l'auteur peut revenir sur ce qu'elle a déjà dit dans untexte précédent pour corriger un travestissement de la vérité.
Dans ce roman, Duras révèle son énigme, celle qu'elle n'a cessé d'exorciser au fil de l'écriture, celle qui se trouve aucoeur du principe de sa création.
Après quarante ans de traduction incessante de ses fantasmes, elle rédigeL'Amant au moment où elle ne pouvait plus mettre en cause qui que ce fût.
La mère disparue et l'amant chinois sortide sa vie, elle parachève enfin son oeuvre, elle la signe en évoquant la vérité cachée.
Mais, ce faisant, elle ne secontente pas d'exorciser ses angoisses.
Elle reconstitue le bloc dur, coupant, de son enfance, parce qu'on ne peutexister dans le non-dit.
Elle réagit donc contre la douleur en recomposant les pièces maîtresses du puzzle essentiel.
Une mythologie personnelle
Duras reproduit-elle les faits, sans les transformer? Elle semble procéder, tout comme Rousseau prétend le faire dansses Confessions, à un dévoilement de sa vérité la plus intime.
Son impudeur transforme l'écriture en revendication.Cependant, l'écart entre le texte et les faits vécus existe : il tient à la sélection des souvenirs et à leurreformulation.
L'écriture se nourrit de la réalité, mais l'authenticité de la réflexion exige le recours à une symbolique.Non que Duras, dans L'Amant, fasse sien le principe du mentir-vrai; mais elle n'a pas pour projet de se substituer àses biographes.
« L'histoire de ma vie n'existe pas.
Ça n'existe pas.
Il n'y a jamais de centre.
Pas de chemin, pas deligne.
» L'auteur ne s'intéresse pas à l'anecdote, mais aux zones obscures qui affleurent à certains moments etlivrent alors le secret d'une existence.
Elle obéit à la logique d'une œuvre qui se moque de l'événement, qui s'édifiesur l'absence d'intrigue.
Ainsi, dans Le Square, elle évoque la rencontre de deux personnages dans un jardin public.Rien ne se passe, qu'un échange entre deux inconnus, échange qui permet de déceler dans l'insignifiant un senscaché.La vie racontée par Duras, ce n'est plus tout à fait la vie ordinaire.
Elle acquiert un tempo qui la détache de laréalité, qui la transforme en objet poétique et lui confère le statut du mythe.
Dans L'Amant, Duras relit un épisodefondateur de son existence.
Elle procède à une recomposition du noeud même de ses fantasmes.
Ce faisant, elledonne un sens à sa mythologie personnelle.
Voilà le premier principe qui préside à la composition du récit.
Un faisceau de réminiscences
Dès lors s'impose un faisceau de réminiscences qui brise la suite des événements.
Pourquoi ? La narratrice a attendulongtemps avant de formuler son secret.
La mémoire nie le temps : elle révèle la permanence du fantasme.
Voilà ledeuxième principe de composition du récit : la narration produit un enchâssement de souvenirs, plus ou moinslointains, facettes d'un prisme qui, toutes, convergent vers un foyer central, l'épisode fondateur ou la rencontreavec la passion avec le Chinois.
Deux fils s'entremêlent dans la trame du récit : le roman familial et la rencontreavec le Chinois.
L'un ne va pas sans l'autre.Ainsi, la narratrice peut évoquer, d'une voix blanche, comme sur le divan d'un analyste, ses souvenirs d'enfance.
Elleles reproduit dans un présent intemporel.
« Je suis dans une pension d'Etat à Saigon.
Je dors et je mange là, danscette pension, mais je vais en classe au-dehors, au lycée français.
» Il y a une manière de progression dramatique,puisque le récit retrace les derniers moments vécus en Indochine, avant le départ en bateau.
Mais la dramatisationtient à la convocation de tous les instants signifiants.
Ainsi, la narratrice se souvient de l'époque de ses quinze ans,mais elle remonte aussi plus loin ou elle se rappelle des moments ultérieurs, comme si l'épisode du Chinois constituaitun axe de référence.Le récit reproduit les flashes du souvenir, comme si l'auteur feuilletait l'album de ses souvenirs.
D'ailleurs, elle fait.
»
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