MALORY : La Mort d'Arthur
Publié le 23/02/2013
Extrait du document
Sir Thomas Malory ( 1408-1471 ), chevalier devenu brigand, écrivit son roman en prison et lui donna pour titre le nom d'un épisode particulier, indiquant peut-être par là qu' il tente de mettre un point final à la légende des chevaliers de la Table ronde. La réécriture de la légende arthurienne ne s' arrête pas avec Malory. Tout récemment, dans son film Excalibur, John Boorman en a retravaillé la matière à la façon d'un artiste médiéval et a proposé de lier la figure d' Arthur à celle de l'énigmatique Roi pêcheur, symbole de la mort d'une dynastie rongée par un mal secret.
«
EXTRAITS
Rêve prémonitoire d 'A rthur et chasse
ratée après l'inceste avec sa
sœ ur
Tel fut le songe d'Arthur : il lui semb la
qu'en ce pays étaient venus griffons et
serpents, et que ces monstres ardaient et
meu rtr issaient tout le peup le en cette
co ntr ée.
Pui s il lui parut ill•fll 6utt• Cut•tt>tr re•t °" ,.,.,,...
qu'il les combattait et
La reine Guenièvre
accompagnée de so n
escorte
qu'ils lui causaient grande
nuisance
et l e navraient .
fort peineusement , mais à
la pmfin il en faisait tuerie.
Quand le roi s'éve illa ,
il fut asse z angoisseux
de son rêve ; aussi , pou r
l'arracher de sa pensée, se
prépara-t-il avec moult
chevaliers
à courir une
c ha sse .
Si tôt qu'il fut dans
la
gaud in e, le roi vit un
grand
cerf par devant lui.
« Ce ce1f je veux courre », dit le roi
Arthur , et il brocha son cours ie r des
éperons
et chevaucha longtem ps à la
poursuite.
Souvent,
par fin e force , il fut
sur le point de férir le ce 1f ; cependant le
roi avait randonné ce
ce1f une si grande
pièce de temps que son cheva l perdit le
souffle et chut mort.
Apparition du Graal devant
les chevaliers de la Table ronde
Lors, aussitôt ils ouïrent des craq ueme nts
et fracas de tonnerre
à cro ire que la place
a llait être dévastée.
Au milieu de cette
venteuse tempête, entra un rayon de sole il
sept fois plus éclatant qu' oncques
le plein
j o ur
n'apparut , et ils furent tous éclairés
par
la grâce du Saint-Esprit.
Lors chaque
cheva lier se
mit à conte mpler son voisin,
et cha cun vit l'autr e d'aspect plus beau
qu'il ne l'avait jam ais vu.
D e cette affaire,
il n'y eut ch eva li er qui pût articuler une
parole
pendant une grand e pièce de temps,
et ils
s'en tre-re gardai e nt co mm e
s' ils e ussen t été mu ets .
Adonc entra dans
la salle le Saint Graal , co u vert d'un blan c
sa
mit , mai s personne ne put voir le vase
ni qui le portait.
( ...
) Quand le Saint
Graal eut traversé la salle, le Vase sacré
disparut soudain, sans qu
'on sut où ni
comment .
Alors tous retrouvèrent le
souffle p
our parl er.
Et le roi remercia
Di eu d e la g
rand e grâce qu'il le ur avait
envoyée.
Fin du roman:
séparation de Lancelot
et de Guenièvre
« Le destin qu'ave z embra s
sé, le prendrai-je à mon
tour, pour plaire
à Jés us , et
sans cesse me consacrerai
à pri er spécialement pour
vous.
( ...
) Toujo urs m' adon
nerai à
la pénite nce et à la
prière, ma vie durant ,
si
je puis trouver quelque
ermi te, gri s ou blan c, qui
consente
à me r ecevo ir.
C'est pourquoi, madame,
je vous conjure de me
donner un baiser
qui sera
l e dernier.
» « Non, dit la
r eine, cela
je ne le ferai
point.
Abstenez-vous de telles actions.
»
Et ils se séparèrent.
Mais onques n 'ex ista
h omme
si dur de cœur
qui n'eût
ple ur é à
voi r la douleur qu'ils manifestaient.
Ils
lam entaien t co mm e s'ils eussent été per cés
de lances, et maintes
fois pâm ère nt.
L es
dames emp ortèr e
nt la rei ne dans sa
c hambr e.
Quand messire
Lan cel ot revint
à lui , il prit son coursier et che vauc ha tout
l e
jour e t tout e la nuit , dan s une gaudin e,
en pleurant .
Traduction de Marguerite-Marie Dubois ,
Aubier-Montaigne , 1948
Un chevalier de la
Table ronde
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Son m érite fondamental n'est pas ta nt la
fluidit é
et l 'aisance de sa lan gue que son art
à combiner le patho s et la simpli cité , le
s ty le romanesque et l e sty le plus direct de
l 'é pop ée.
Sa langue a la fo rce d' un discours
et l
'aisa nce d' un co nte populaire.
Il est
traditionnel et frais en même temps, et tout
à fait adapté à so n th èm e.
» Eugène
Vinaver,
Malor y, Oxford University Pr ess,
1 929.
« Malory n'est point cet aristocrate patriote
qui désire à tout prix maintenir les idéaux
du passé ;
il ne tent e pa s de faire revivre
une
histoi re é ducatri ce à l'u sage du pe uple ;
jamais
il ne ch erch e à unir volontair ement
de s scè nes di sparat es ; et la co hésion , que
certains ont c
ru déco uvrir dan s ce fouillis
monumental, est pur em ent ima ginaire.
L'adaptateur ne désire point coordonner ses
différents
livres ; il travaille selon le
principe du Moyen Age, cueillant
l 'a n ecdote ,
insouci eu x des effe ts et des
co nséq uences, visa nt à l'inté rê t imm édia t que
rien ne rattache
à l'épisode suivant.
( ...
)
Tout est franc, droit, net ; redondance,
empha se, recherche , grandiloq uence ou
précio sité sont également bannis.
( ...
) San s
doute manque-t-il de méthode ; le sens de
l'ob servation lui fait défaut; il ne voit pas
le s déta
ils ; il dédaigne les règles de la
composition et de la rédaction, et cependant
so n œuvre est une œuvre
d'artiste .»
Mar guerite-Marie Dubois, Le Roman
d'Arthur et des ch
eva liers de la Tabl e
r onde,
introduction , Paris , Aubier
Mont aigne , 1948 .
1.
2.
3, 4 gravures d'Au b rey B ea rdsley.
Mac Mi llan.
Londres.
1901 / B .N.
MALORY02.
»
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