Malheurs de Sophie (les) de la comtesse de Ségur
Publié le 24/01/2019
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Malheurs de Sophie (les), ouvrage de la comtesse de Ségur (1864). Composé
de 22 récits, le livre forme une sorte de trilogie avec les Petites Filles modèles (1858) et les Vacances (1859). Jouant souvent du dialogue, qui introduit à la fois spontanéité et schéma didactique, l'auteur a donné le véritable manuel du bon usage de l'extravagance et de la désobéissance enfantines. Mais, au-delà des leçons de maintien et de charité, demeure l'inquiétante cruauté d'une petite fille qui coupe et sale ses poissons rouges et donne à boire à ses cousins l'eau de l'écuelle de son chien.
«
« Sophie avait un poney à elle, que lui avait
donné son papa ...
On
lui permettait de
donner elle-même du
pain
à son poney.»
EXTRAITS - ----- -~
Quand la procession arriva au petit jardin
de Sophie, on posa par terre le brancard
avec la boîte qui contenait les restes de la
malheureuse pou
pée.
Les enfants se
mirent à creuser la
fosse ; ils y descen
dirent la boîte, jetè
rent
dessus des
fleurs et des feuilles,
puis la terre qu'ils
avaient retirée ; ils
ratissèrent prompte
ment tout autour et
y plantèrent deux
lilas.
Pour terminer
la fête, ils coururent
au bassin du pota
ger et y remplirent
leurs petits arro
soirs pour arroser
les lilas ; ce fut l'oc
casion de nouveaux
jeux et de nouveaux
rires,
parce qu'on
s'arrosait les jambes , qu'on se poursuivait
et se sauvait en riant et en criant.
On n'avait
jamais vu un enterrement plus gai.
Il est vrai
que la morte était une vieille poupée, sans
couleurs, sans cheveux, sans
jambes et sans
tête ,
et que personne ne l'aimait ni ne la
regrettait.
La journée se termina gaiement ;
et,
lorsque Camille et Madeleine s'en
allèrent, elles demandèrent à Paul et à
Sophie de casser une autre poupée pour
pouvoir recommencer un enterrement aussi
amusant.
Arrivés dans la forêt, les enfants cueillirent
quelques fleurs qui étaient
sur leur passage,
mais ils les cueillaient sans s'arrêter.
Sophie aperçut tout près d'un chemin une
multitude de fraisiers chargés de fraises .
«Les belles fraises ! s'écria-t-elle.
Quel
dommage de ne pas pouvoir les manger ! »
Madame de Réan entendit l'exclamation, et,
se retournant, elle lui défendit encore de
s'arrêter.
Sophie soupira et regarda d'un air de regret
les belles fraises dont elle avait
si envie.
«Ne les regarde pas, lui dit Paul , et tu n'y
penseras plus.
SOPHIE : C'est qu'elles sont si rouges , si
belles, si mûres, elles doivent être si bonnes!
PAUL : Plus tu les regarderas et plus tu en
auras envie.
Puisque
ma tante t'a défendu
de les cueillir,
à quoi sert-il de les regarder ?
SOPHIE: J'ai envie d'en prendre seulement
une : cela ne
me retardera pas beaucoup.
Reste avec moi, nous en mangerons
ensemble.
PAUL : Non , je ne veux pas désobéir à ma
tante , et je ne veux pas être perdu dans
Laforêt.
SOPHIE : Mais il n'y a
pas de danger.
Tu vois
bien que c'est pour
nous faire peur que
maman l'a dit ; nous
saurions bien retrouver
notre
chemin si nous
restions derrière.
PAUL : Mais non : le
bois est très épais, nous
pourrions bien ne pas
nous retrouver.
SOPHIE : Fais comme tu
voudras, poltron ;
moi ,
à la première place de
fraises comme celles
que nous venons de
voir, j'en mangerai
quelques-unes.
PAUL : Je ne suis pas
poltron, mademoiselle , et vous, vous êtes
une désobéissante et une gourmande : per
dez-vous dans Laforêt
si vous voulez ; moi,
j'aime
mieux obéir à ma tante.
»
« Un loup énorme, aux
yeux étincelants, à la gueule ouverte, sortit sa
tête hors du bois avec
précaution.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
La comtesse de Ségur s'inspire de sa famille
pour ses personnages :
Sophie de Réan a le
physique de Sophaletta
(Sophie de Ségur,
née Rostopchine): des cheveux blonds cou
pés court comme
un garçon, des yeux pleins
de malice.
Elle porte, hiver comme été, une
robe
de percale blanche à manches courtes.
Camille et Madeleine sont les deux filles de
Nathalie, la fille aînée de la comtesse de
Ségur, Paul est le fils d'Olga, sa dernière
fille.
Tous rassemblés, ils forment un nou- vel
univers imaginaire.
Grâce à la comtesse
de
Ségur, les éditions Hachette firent for
tune avec la Bibliothèque Rose.
Elle fut tra
duite dans toutes les langues, vendue à des
millions d'exemplaires en dépit
de ses prin
cipes éducatifs décriés par la psychanalyse
et bon nombre d'idéologies.
Les
réponses qu'ils inventent quand on
ne
répond pas à leurs questions sont souvent
bien plus effrayantes que la réalité.
»
Sophie
de Ségur.
l Harling ue -Vio llet 2, 3, 4, 5 il!.
de Guy Sabran, éd.
G.P., 1948
« Pourquoi croient-ils donc tous qu'écrire
sur l'enfance, c'est écrire pour les enfants ?
Pourquoi veulent-ils tous que les enfants
aient besoin que soient expurgées pour eux
·
les réalités de la vie ? Les enfants doivent
apprendre la vérité, saprelote !
«On lit les livres de Sophie comme on se ra
conte à soi-même sa propre histoire, comme
on avoue ses rêves sur le divan viennois.
( .
..
)Comme l'analyste, elle reçoit nos rêves,
nos coups, nos rires et nos larmes, elle dé
nonce nos mensonges, exhibe nos refoule
ments , dévoile notre inconscient, exorcise
nos peurs.» Claudine Beaussant.
SÉGUR 02.
»
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