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Maison Tellier (la). Nouvelle de Guy de Maupassant (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

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Maison Tellier (la). Nouvelle de Guy de Maupassant (1850-1893), publiée, dans le recueil de huit récits auquel elle donne son titre, à Paris chez Victor Havard en 1881.

 

Dans la Maison Tellier, qui ouvre son premier recueil entièrement personnel publié après l'ouvrage collectif des Soirées de Médan (1880), Maupassant reprend le personnage qui a fait le succès de 'Houle de suif, celui de la prostituée qu'il place ici dans son milieu habituel - une maison close -, et joue autrement de la moralité sociale.

 

I. La maison Tellier. tenue par une patronne respectable, accueille chaque soir les bourgeois de Fécamp, qui se livrent là à une « débauche honnête et médiocre ». L’établissement, comportant un café et un salon où l’on « monte », héberge cinq pensionnaires : Fernande la belle blonde, Raphaële la belle Juive, Rosa la Rosse et deux servantes, Louise et Flora. Un samedi soir, les notables fécampois trouvent la maison fermée. Privés de leur plaistr, ils se disputent, ne comprennent pas. L'explication se trouve sur une pancarte : « Fermée pour cause de première communion. »

 

II. Toute la compagnie s'est en effet transportée dans l'Eure, où la nièce de Mme Tellier, Constance, fait sa première communion. Pendant le trajet en chemin de fer, un commis voyageur lutine ces dames. Emmenées dans la carriole de Rivet, le frère de Madame, elles arrivent au village, que leur présence colorée affole, surtout pendant la cérémonie à l'église. Rosa, très émue, se met à pleurer, imitée par tous les fidèles. Le curé sent alors la présence de Dieu, parle de miracle. Suit un festin, mats Madame pense déjà au départ Son frère tente de violenter Rosa. avant de reconduire à la gare les filles, qui hurlent des refrains grivois de Béranger.

 

III. A la réouverture, le dimanche soir, « l'établissement Tellier avait un air de fête ». Les habitués s'y précipitent, boivent, dansent avec les filles qui se montrent «d'une complaisance inconcevable » : « Ce n'est pas tous les jours fête », conclut Madame.

L'origine de l'histoire, contée à Maupassant par Hector Malot (selon le témoignage d'Edmond de Goncourt) ou par Charles Lapierre (qui situe la maison close à Rouen, la communion à Bois-Guillaume), importe évidemment moins que la construction de la nouvelle ou que l'effet produit par les comparaisons et les métaphores assimilant le bordel à une institution respectable. Il est d'abord comparé à un « pensionnat de demoiselles » sagement tenu par « une mère très bonne, pleine de mansuétude et de complaisance », qui donne à ses filles une exceptionnelle autorisation de sortie ; puis à une « entreprise » dont la patronne et le « personnel » doivent satisfaire une « clientèle » honorable : les « affaires » imposent de ne pas « chômer deux jours de suite ». Une autre métaphore filée identifie le personnel à une « troupe » militaire qui change de « garnison », selon le mot du commis voyageur, défile dans le village « comme un état-major en grand uniforme » et reprend, pour finir, « le costume de combat ».

 

Mais l'équivalence la plus marquante s'établit entre la maison Tellier et la « maison de Dieu », entre bordel et église, prostitution et religion. Jouxtant l'église, donnant sur une chapelle, l'établissement louche se signale par une « petite lanterne comme celles qu'on allume [...] aux pieds des madones ». Les pensionnaires, présentées comme « recluses », changent de « monastère » (toujours selon le facétieux commis voyageur).

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« que de la nouvelle : " La communiante reposa son front sur le sein nu de la pr ostituée.

» On aurait tort cependant de ne voir dans cette nouvelle " sur les femmes de bordel à la premiè re communion ,.

(let­ tre de Maupassant à sa mère, jan­ vier 1881) qu'une volonté de blas­ phème.

De même que Flaubert a montré dans " Un cœu r simple » (voir *Trois Contes) que bêtise et mystidsme pouvaient s'accorder, de même la Mai­ son Tellier met dans le " cœ ur inquiet et troubl é " des prostituées un « besoin d'expansion tendre,., une nosta l gie de pureté qui culmine dans une sorte de folie mystique se propageant à travers l'église.

Maupassant jugeait ce texte « au moins égal à Boule de suif, sinon supé­ rieur».

Cette supériorité, l'auteur pou­ vait la sentir dans une plus grande intégration de la moralité à l'immora­ lité du sujet , alors que Boule de suif se construisait sur une opposition et une inversion des valeurs qui restaient extérieures les unes aux autres : les h onnêtes gens gredins 1 la fille publi­ que digne et patriote.

Dans la Maison Tellie r, personne ne condamne les filles pour immoralité, surtout pas les bour­ geois aisés qu'elles divertissent, ni le paysan normand, pour qui « c'est un bon métier"·. »

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