Mains sales (les) de Jean-Paul Sartre (analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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Mains sales (les). Pièce en sept tableaux et en prose de Jean-Paul Sartre (1905-1980), publiée à Paris dans les Temps modernes en mars et avril 1948, reprise en volume chez Gallimard en 1948, et créée à Paris au théâtre Antoine le 2 avril 1948.
Sartre a indiqué lui-même plusieurs sources des Mains sales : une trêve au cours de l'insurrection de Paris en août 1944; les « difficultés que [ses] élèves, bourgeois de bonne volonté, avaient avec le parti communiste » ; enfin l'assassinat de Trotski (1940) qui fournit la trame de la pièce. Pour comprendre les enjeux et la portée des Mains sales, il faudrait en outre évoquer non seulement la lecture par Sartre de la Maladie infantile du communisme, de Lénine, dont l'argumentaire est repris dans les propos de Hoederer sur le réalisme politique, mais aussi la situation historique dans laquelle s'inscrit la composition : l'année 1947 marque en effet le début de la guerre froide, le renvoi des ministres communistes du gouvernement Ramadier et l'effritement de la mystique de la Résistance. On comprend que ce contexte tendu ait contribué à la fois au triomphe de la pièce dès sa première représentation et au malentendu engendré, le public ne voyant qu'un brûlot anticommuniste là où Sartre proposait une réflexion sur les rapports entre morale et politique, au travers de deux hommes mis en « situation ».
Dans un Etat imaginaire d’Europe centrale, l'illyrie, au moment de la débâcle allemande, un jeune homme de vingt-deux ans, Hugo Barine, se rend à sa sortie de prison chez Olga, une ancienne camarade communiste, Sur l'ordre du Parti il a tué Hoederer, un dirigeant dont la ligne pragmatique d’alliance avec la bourgeoisie avait été jugée dangereuse. Hugo, témoin gênant, doit être liquidé. Olga obtient cependant un sursis afin d’examiner s’il est ou non « récupérable », d’autant que l’on ne sait si son crime était davantage passionnel que politique. Hugo revit donc pour Olga les événements qui ont conduit à son arrestation (tableau I).
Mars 1943, deux ans plus tôt Dans l'IIlyrie occupée, trois forces préparent la relève politique : la droite fascisante, la bourgeoisie nationaliste et libérale, le parti communiste clandestin scindé en deux tendances, l’une qui prétend que le Parti doit prendre seul le pouvoir, l'autre, représentée par Hoederer, qui propose une alliance provisoire avec les deux autres forces, au risque de trahir ses principes. Hugo, rejeton de la bourgeoisie passé au Parti, intellectuel jusque-là cantonné dans des besognes journalistiques, veut faire ses preuves. On le charge donc d'éliminer Hoederer (tableau 2).
Hugo s’installe chez lui au titre de secrétaire, avec sa femme Jessica. Hoederer comprend qu’Hugo souffre de ne pas être reconnu par les militants prolétariens comme un des leurs parce qu’il est un « gosse de riches », un intellectuel, un « type qui ne travaille pas de ses mains ». Lui qui est passé directement de l’enfance à l’âge d’homme, il propose à Hugo de l’aider à franchir ce pas. Troublé, Hugo laisse passer plusieurs jours sans se résoudre à tuer Hoederer (tableaux 3 et 4).
Sommé d’accomplir son contrat ou d'être « buté comme un petit imbécile dont on se débarrasse par crainte de ses maladresses », Hugo est de plus en plus désemparé : tuer, c’est abstrait, mais tuer un homme, c’est obscène. Aussi tente-t-il de convaincre Hoederer que sa ligne trahit l’idéal révolutionnaire, que tous les moyens ne sont pas bons. Mais Hoederer lui montre qu’en faisant du Parti une fin et non un moyen, il s'enferme, par esprit de système, dans un idéal de pureté coupé du réel. Hugo a peur de se salir les mains, Hoederer, lui, a les « mains sales », car on ne saurait gouverner innocemment. Hugo n'attend des hommes que ce qu'ils pourront devenir, Hoederer les aime pour ce qu’ils sont, vices compris. Désemparé, Hugo transforme son incertitude en résolution : il tuera Hoederer (tableau 5).
Prévenu par Jessica, Hoederer parvient à force de persuasion à désarmer Hugo à qui il explique qu’il a choisi un chemin difficile pour se prouver qu’il était capable d’agir, et lui propose encore de l’aider. Hugo est sur le point d’accepter lorsqu’il surprend Jessica, qui l’a provoqué, dans les bras de Hoederer. Hugo trouve alors la force de tirer sur celui-ci et le tue (tableau 6).
Retour au présent. Interrogé sur les véritables motifs de son geste, Hugo ne parvient pas à les démêler : il devrait sentir le poids de son crime, et tout en comprenant que cet acte est devenu son destin, il ne parvient à le considérer que comme un « assassinat sans assassin ». Olga lui propose de continuer à faire passer le meurtre
pour un crime passionnel et lui offre de l’aider à réintégrer le Parti. Hugo apprend alors que ce dernier, depuis, a adopté la ligne d’Hoederer, désormais considéré comme un héros. Il est devenu un meurtrier encombrant. Comprenant qu’à la honte d’avoir tué celui qu’il admirait on lui demande d’ajouter la honte d’un crime pour rien, Hugo refuse l’offre d’Olga et se livre à ses tueurs en criant : « Non récupérable ! » (tableau 7).
«
liste et libérale, le parti communiste clandestin scindé en deux tendances, l'une qui prétend que le Parti doit prendre seul le pouvoir, l'autre,
représentée par Hoederer, qui propose une alliance provisoire avec les deux autres forces, au risque de trahir ses principes.
Hugo, rejeton de la bourgeoisie passé au Parti, intellectuel jusque-là
cantonné dans des besognes journalistiques, veut
faire ses preuves.
On le charge donc d'éliminer
Hoederer (tableau 2).
Hugo
s'installe chez lui au titre de secrétaire, avec sa femme Jessica.
Hoederer comprend
qu'Hugo souffre de ne pas être reconnu par les militants prolétariens comme un des leurs parce qu'il est un «gosse de riches », un intellectuel, un «type qui ne travaille pas de ses mains ».
Lui qui
est passé directement de l'enfance à l'âge d'homme, il propose à Hugo de l'aider à franchir ce pas.
Troublé, Hugo laisse passer plusieurs
jours sans se résoudre à tuer Hoederer
(tableaux 3 et 4).
Sommé d'accomplir son contrat ou d'être
« buté comme un petit imbécile dont on se débarrasse par crainte de ses maladresses », Hugo est de plus en plus désemparé :tuer, c'est
abstrait mais tuer un homme, c'est obscène.
Aussi tente-t-il de convaincre Hoederer que sa ligne trahit l'idéal révolutionnaire, que tous les moyens ne sont pas bons.
Mais Hoederer lui
montre qu'en faisant du Parti une fin et non un moyen, il s'enferme, par esprit de système, dans un idéal de pureté coupé du réel.
Hugo a peur
de se salir les mains, Hoederer, lui, a les « mains sales », car on ne saurait gouverner innocem
ment.
Hugo n'attend des hommes que ce qu'ils pourront devenir, Hoederer les aime pour ce qu'ils sont, vices compris.
Désemparé, Hugo
transforme son incertitude en résolution : il tuera
Hoederer (tableau 5).
Prévenu par jessica, Hoederer parvient à force
de persuasion à désarmer Hugo à qui il explique
qu'il a choisi un chemin difficile pour se prouver
qu'il était capable d'agir, et lui propose encore de
l'aider.
Hugo est sur le point d'accepter lorsqu'il
surprend Jessica, qui l'a provoqué, dans les bras de Hoederer.
Hugo trouve alors la force de tirer
sur celui-ci et le tue (tableau 6).
Retour au présent.
Interrogé sur les véritables
motifs de
son geste, Hugo ne parvient pas à les démêler : il devrait sentir le poids de son crime,
et tout en comprenant que cet acte est devenu
son destin, il ne parvient à le considérer que
comme un « assassinat sans assassin ».
Olga lui
propose de continuer à faire passer le meurtre pour
un crime passionnel et lui offre
de l'aider à réintégrer le Parti.
Hugo apprend alors que ce dernier, depuis, a adopté la ligne d'Hoederer,
désormais considéré comme un héros.
Il est
devenu un meurtrier encombrant.
Comprenant
qu'à la honte d'avoir tué celui qu'il admirait on
lui demande d'ajouter la honte d'un crime pour rien, Hugo refuse l'offre d'Olga et se livre à ses tueurs en criant : « Non récupérable ! » (tableau 7).
Sans jamais avoir eu le souci de théo
riser
ses idées sur le théâtre comme il a
pu le faire pour le roman (Qu'est-ce que
la littérature?, 1948), Sartre a tout de
même
précisé ses intentions et vivifié
les contenus
du genre, essentiellement
par
opposition au psychologisme des
années trente.
Aussi, l'idée directrice
de la dramaturgie sartrienne est celle
d'un.
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