MAINE DE BIRAN : Mémoire sur la décomposition de la pensée; Rapports des Sciences naturelles avec la psychologie; Nouveaux Essais d'anthropologie
Publié le 14/10/2013
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L'expérience privilégiée et première dans laquelle l'aperception se déploie est celle de l'effort où, se heurtant à la résistance que lui opposent ses muscles lorsqu'il veut mouvoir l'un de ses membres, le moi prend conscience à la fois de lui-même et de son corps. C'est là le fait primitif de conscience, où le moi s'aperçoit comme cause, produisant hors de lui un effet, le mouvement d'un organe d'abord et, éventuellement, un changement dans le monde extérieur.
Que faut-il entendre par cause ici ? Une cause efficiente, conçue, à la suite de Locke et des philoso¬phes-physiciens depuis Descartes, comme une impulsion : e Toute force ou cause efficiente ne peut être qu'une impulsion (...) ; car la force propre et indivi¬duelle [le moi] qui sert de type à toutes ne se manifeste que sous un seul mode d'action ou sous une seule force, qui est l'impulsion. « Autrement dit, toutes les causes efficientes sont de même nature, qu'elles soient mentales ou physiques, ce qui fonde les rap¬ports de la psychologie avec les sciences naturelles et manifeste la primauté de la première, puisque c'est la cause-moi qui, dans l'ordre de la connaissance, sert de modèle à celles qui sont à l'oeuvre dans la nature.
«
MAINE DE BIRAN 457
peut être nié, mais ne doit pas faire oublier que Maine
de Biran est un philosophe profondément enraciné
dans son pays et dans son époque, soucieux de dis
cuter ses contemporains et les doctrines qui sont les
leurs,
au point même de penser fréquemment à l'aide
de leur propre terminologie.
C'est dans cette optique
que nous allons présenter trois œuvres du philosophe
de Bergerac qui rythment son itinéraire intellectuel
tout en y marquant, chacune, une certaine rupture,
que Henri Gouhier a caractérisée par le terme de
« conversion » : le Mémoire sur la décomposition de la
pensée
(1804-1805), les Rapports des sciences naturelles
avec la psychologie
(1813-1815), et les Nouveaux Essais
d'anthropologie
(1824).
*
* *
Le climat intellectuel au tournant du x1xc siècle est
dominé par l'idéologie, c'est-à-dire la philosophie de
la Révolution.
Le 22 août 1795, l'Institut national des
sciences
et des arts est créé à Paris ; quelques mois
plus tard,
Cabanis en est nommé membre résident et,
au début de l'année suivante, il y fait associer Destutt
de Tracy qui, dans un mémoire lu en 1 798 devant ses
pairs,
introduit le terme « idéologie » pour désigner la
science des idées ou de l'origine de toutes nos
connaissances.
Cette nouvelle façon de concevoir la
démarche philosophique se place sous le patronage de
Condillac,
auteur de l'Essai sur l'origine des connais
sances humaines,
et doit remplacer l'ancienne méta
physique, tombée en désuétude.
Au tournant du
siècle, on observe donc un mouvement intellectuel
travaillant
presque d'une seule voix à faire progresser
cette science des idées nouvellement constituée, s'ef
forçant de réaliser
pour la philosophie ce que la Révo
lution a fait
dans le domaine politique.
Ce mouve
ment accepte à la fois l'empirisme sensualiste de
Condillac, pour qui toutes nos connaissances viennent
de l'expérience sensible, c'est-à-dire des sensations ;.
»
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