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MADAME Bovary. Mœurs de province. Roman de Gustave Flaubert (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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bovary

MADAME Bovary. Mœurs de province. Roman de Gustave Flaubert (1821-1880), publié à Paris en feuilleton dans la Revue de Paris du 1er octobre au 15 décembre 1856, et en volume chez Michel Lévy en 1857.

 

Après diverses oeuvres de jeunesse -jugées comme telles par Flaubert qui n'envisagea jamais de les publier - et la Tentation de saint Antoine (première version, 1849) - texte encore insatisfaisant et qui fera l'objet de deux autres rédactions -, Flaubert, de 1849 à 1851, voyage en Orient. Dès son retour, il se consacre à Madame Bovary qu'il rédige entre septembre 1851 et avril 1856. Désormais, il a trouvé son écriture propre et il désire livrer son oeuvre au public. Or, le 29 janvier 1857, il doit comparaître devant la justice : le réquisitoire de l'avocat impérial prétend démontrer le caractère scandaleux du roman, tant du point de vue moral que du point de vue religieux ; selon Me Pinard, la « couleur générale de l'auteur [...], c'est la couleur lascive». Flaubert est finalement acquitté mais, atterré et dégoûté par cette affaire, il songe à interdire la publication de son ouvrage. Pressé par son éditeur, il accepte tout de même que Madame Bovary paraisse. Mal accueilli, dans l'ensemble, par la critique, le roman, grâce à la publicité du procès, remporte néanmoins un grand succès de vente.

 

Première partie. Charles Bovary, après de médiocres études, s'est établi comme médecin à Tostes, un village de Normandie, où il a épousé une veuve « laide » et « sèche » (chap. I ). Il rencontre. lors d'une consultation, Emma Rouault, la fille du fermier des Berteaux et peu de temps après la mort soudaine de sa femme, il épouse la jeune fille (2-4). Emma, au contraire de son mari, n'est pas heureuse : cette union ne correspond pas à ses rêves d'adolescente romanesque (5-7). Après un bal au château de La Vaubyes-sard, fugitif mirage de luxe et de bonheur (8), elle sombre dans une morosité accrue et Charles décide d’aller l’installer à Yonville-l’Abbaye : il espère que la vie dans un gros bouq; distraira sa femme, alors enceinte (9).

 

Deuxième partie. À Yonville, le couple fart la connaissance du pharmacien Homais et d'un jeune clerc, Léon Dupuis (chap. 1-2). Une tendre complicité s’installe entre Emma et le jeune homme (3-5), mais ce dernier, ne se croyant pas aimé, part terminer son droit à Paris (6). Emma rencontre ensuite Rodolphe Boulanger, cynique et aristocratique séducteur, dont elle devient la maîtresse (7-9). Effrayé par l’ardeur de l'amour qu'il inspire, Rodolphe abandonne brutalement Emma qui pensait fuir avec lui ( 10-13). Plus tard, lors d’une soirée à Rouen, Charles et sa femme retrouvent par hasard Léon (14-15).

Troisième partie. Ce dernier est bientôt l'amant d'Emma, qui invente divers prétextes pour le retrouver à Rouen (chap. I -5). Sommée par Lheureux. son créancier, de rembourser les multiples dettes qu'elle a contractées. Emma s'empoisonne à l'arsenic (6-7). Charles, désespéré et ruiné, meurt, après avoir trouvé dans les papiers de sa femme les preuves de son infidélité (8-11).

 

Le titre du roman contient déjà toute la portée tragique de l'oeuvre : en effet, le destin d'Emma est de ne pouvoir échapper à un nom, c'est-à-dire à son mariage et à sa condition sociale. D'emblée, elle est prisonnière, vouée à occuper une place déterminée dans une structure préexistante. Ainsi, alors que le lecteur attend le personnage féminin éponyme, le roman le met tout d'abord en présence d'un « pauvre garçon » (I, 1) ridiculisé par ses camarades de collège, qui tournent en dérision le « nom inintelligible » (ibid.) qu'il a bredouillé : « Charbovari » est le premier avatar du nom. La scène inaugurale du roman opère donc un double décalage par rapport au titre : Bovary est d'abord une identité masculine, et celle-ci, appropriée et déformée par les autres, se constitue avec peine. La tragédie d'Emma sera d'endosser à son tour ce nom ridicule, porté par un « pauvre diable » (ibid.). En effet, de même que le premier chapitre est consacré à Charles, les derniers portent également sur lui : la vie de l'héroïne est donc, à l’intérieur de la structure romanesque, enchâssée dans une autre destinée. Telle est la teneur fondamentale de la tragédie d'Emma : elle est condamnée à être Madame Bovary. L'habile Rodolphe saura exploiter une telle situation dans ses propos séducteurs : « Madame Bovary !... Eh ! tout le monde vous appelle comme cela !... Ce n'est pas votre nom, d'ailleurs ; c'est le nom d'un autre » (II, 9). À une époque où l'identité de la femme ne peut se

constituer de manière autonome, c'est-à-dire autrement que par le mariage, Emma n'avait d'ailleurs pas le choix : si Charles, de par l'ordonnance des chapitres, encadre son existence, c'est parce que le sort de la femme est inféodé à celui de l'homme, singulièrement dans le contexte étriqué de la vie provinciale. Le sous-titre du roman,

 

« Mœurs de province », désigne clairement la portée sociale exemplaire de l’histoire qu'il narre.

 

En outre, le commencement du roman joue à tromper, de façon significative, l'attente du lecteur. En effet, alors que le titre nous invite à découvrir dans le texte la traditionnelle héroïne, nous trouvons par deux fois l'identité de « Madame Bovary » attribuée à des personnages qui n'occupent pas le centre de la scène romanesque : la mère de Charles, puis sa première femme. Autrement dit, Emma se voit là encore affecter une identité qui lui préexiste. Alors que ses rêves d'adolescente, nourris de lectures romanesques, lui avaient fait espérer une vie aussi passionnante et unique que celles qu'on trouve dans les livres, elle fait l’expérience de la réalité, c'est-à-dire de la déception et de la répétition. Le réel déjoue les mirages de la fiction : la jeune Emma, en devenant Madame Bovary, devient une femme comme tant d'autres - en l'occurrence, comme les deux autres qui l'ont précédée dans le roman. L'héroïne romanesque de Flaubert n'est pas un être d'exception. Elle est au contraire ordinaire, et c'est cela qui la rend vraie et fait sa force. La tragédie moderne est celle du quotidien.

 

Le tragique d'une existence est révélé à travers les détails, à travers les riens de la vie de tous les jours, qui sont en fait lourds de sens : « Mais c'était surtout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui

bovary

« Troisième partie.

Ce demier est bientôt l'amant d'Emma.

qui invente divers prétext es pour le retrouver à Rouen (chap.

1-5).

Sommé e par Lheureux.

son créancier, de rembourser les multiples dettes qu'elle a contractées.

Emma s'empoisonne à l'ars enic {6- 7).

Charles, déses­ péré et ruiné.

meu rt, après avoir trouvé dans les pap iers de sa femme les preuv es de son infidélité (8-11) .

Le ti tre du roman contient déjà toute la portée tragique de l'œuvre : en effet, l e des tin d'Emma est de ne pouvoir échapper à un nom , c'est-à-dire à son mariage et à sa cond ition sociale.

D' emb lée, elle est prisonni ère , vouée à occuper une place déterminée dans une structure préexistante.

Ainsi, alors que le lecteur attend le personnage féminin éponyme, le roman le met tout d'abord en présence d' un « pauvre garçon " (1, 1) ridiculisé par ses camara­ de s de collèg e, qui tournent en déri­ sion le «nom inintelligible " (ibid.) qu'il a bredouillé : « Charbovari ,.

est le premier avatar du nom.

La scène inau­ gurale du r oman opère donc un double décalage par rapport au titre : Bovary est d'abord une identité masculine , et celle-ci, appropriée et déformée par les autres, se constitue avec peine.

La tra­ gédie d'Emma sera d'endosser à son tour ce n om ridicule, porté par un " pauvre diable » (ibid.).

En effet, de même que le premier chapitre est consacré à Charles, les derni ers portent égaleme nt sur lui : la vie de l'héroïn e est donc, à l'intérie ur de la structure romanesque, enchâssée dans une autre destinée.

Telle est la teneur fondamen­ tale de la tragédie d'Emma : elle est condamnée à être Madame Bovary.

L'habile Rodolphe saura exploiter une tell e situation dans ses prop os séduc­ tews : "Madame Bovary !...

Eh ! tout le monde vous appelle comme cela !.

..

Ce n'est pas votre nom, d'aiQeurs; c'est le nom d'un autre» (Il, 9).

A une époque où l'id e ntité de la femme ne peut se constituer de manière autonome, c'est­ à-dire autrement que par Je mariage, Emma n'a vait d'ailleurs pas le choix : si Charl es, de par l'or don nance des c hapitre s, encadre son existence, c'est parce que le sort de la femme est inféodé à celui de l'homme, singulière­ ment dans le contexte étriqué de la vie provinciale.

Le sous-titre du roman, "Mœurs de province,., désigne claire-­ ment la portée sociale exemplaire de l'histoire qu'il narre .

En ou tre, le commencement du roman joue à tromper, de façon signi­ ficative, l'attente du lecteur.

En effet, alors que le titre nous invite à décou­ vrîr dans le texte la traditionnelle héroïne, nous trouvons par deux fois l' ide ntité de «M adame Bovary,.

attri­ buée à des personnages qui n'occupent pas le cent re de la scène romanesque : la mèr e de Charles, puis sa première femme.

Autrement dit, Emma se voit là encore affecter une identité qui l ui préexiste.

Alors que ses rêve s d'adoles­ cente, nourris de lectures romanes­ ques, lui avaient fait espérer une vie aussi passio nnante et uniqu e que celles qu 'on trouve dans les livres, elle fait l'expérience de la réalité, c'est-à-dire de la déception et de la répétition.

Le réel déjoue les mirages de la fiction : la jeune Emma, en devenant Madame Bovary, devient une femme comme tant d'autres- en 'l'occurrence, comlne les deux autres qui l'ont précédée dans l e roman.

L'héroïne romanesque de Flaubert n'es t pas un être d'exception.

Elle est au contraire ordinaire, et c'est cela qui la rend vraie et fait sa force.

La tragédie moderne est celle du quoti­ dien.

Le tragique d'une existence est révélé à travers les détails , à travers les riens de la vie de tous les jours, qui sont en fait lourds de sens : «Mais c'était sur­ tout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui. »

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