LUTHER : De la liberté du chrétien
Publié le 23/02/2013
Extrait du document
Pour comprendre le retentissement - national d'abord puis plus étendu par la suite - de ce traité, il faut faire mention de l'état d'esprit allemand d'alors : en 1520, le peuple allemand est las comme le seront les Français en 1789. Il attend une personnalité nouvelle et forte, un leader et un nouveau dogme. Luther cristallisera certaines de ses aspirations et le rendra entièrement responsable de son salut.
«
Frontispice du Petit Catéchisme de Luther, édité à Wittenberg
en 1529
~------- EXTRAITS
Pourquoi l'homme intérieur
est-il libre ?
Troisièmement.
Si nous considérons l' hom
me intérieur et spiritue l pour voir dans
quelles conditions il est
un Chrétien juste et libre
et mérite ce nom, il est
évident qu'aucun élé
ment extérieur ne peut le
rendre libre ni juste ,
quelque nom
qu'on lui
donne, car sa justice et sa
liberté ,
inversement sa
malice et sa sujétion
ne sont ni corpore lles ni
extérieures.
Que sert à
l'âme que le corps soit
indépendant, robuste et
sain , qu 'il mange, boive
et vive comme il veut
?
Inversement, en quoi
l'âme pâtit-elle si le
corps est captif, malade
et épuisé , s 'il a faim ,
soif
et souffre contrairement
à son désir
? Aucune de ces choses ne
pénètre
jusqu ' à l' âme pour la libérer ou
la réduire en servitude , la rendre juste ou
mauvaise.
Luther justifie sa théorie de l'homme
extérieur en s'appuyant sur les textes
En voici asse z au sujet des œuvres en
général et de celles qu'un Chrétien doit
pratiquer dans son propre corps.
Parlons
maintenant davantage des œuvres qu'il doit
pratiquer dans ses rapports avec les autres
hommes .
Carl' homme ne vit pas seulement
à l'intérieur de son corps, mais il vit aussi
parmi les autres hommes sur la terre.
Aussi
ne peut-il se passer des œuvres dans ses
rapports avec eux, il est toujours amené à
leur parle1 ; il a affaire à eux, encore qu'il
n'ait besoin d'aucune de ses œuvres pour se justifier
et faire son salut.
Aussi doit-il avoir
l ' esprit tout à fait libre à l'égard des œuvres
et ne viser qu'à obliger autrui et à lui rendre
service grâce à elles, il ne doit rien se
pro
poser d'autre que satisfaire aux besoins
d 'autrui :
c'est là mener une vie vraiment
chrétienne, alors on se met à l' œuvre avec
une foi et une charité ardentes comme saint
Paul l'enseigne aux Galates.
Les œuvres doivent
être des actes
d'amour
Et aussi le Christ (Math.
!7, 24): comme le
denier
del' impôt était exigé de ses disciples,
il discutait avec saint
Pierre pour savoir si
les enfants des rois n'étaient pas dispensés
de l'obligation de
payer l'impôt, et saint
Pierre lui répondit que si, il lui donna
l'ordre
de se rendre au bord de la mer et dit :
« Pour ne pas les scandaliser va à la mer,
tire
le poisson que tu pêcheras, prends-le et
dans sa bouche tu trouveras un denier que
tu donneras pour moi et pour toi.
» C'est
un bel exemple
pour illustrer cet
enseignement que
donne le Christ en
se nommant et en
nommant les siens
des fils de rois qui
n'ont besoin de
rien et néanmoins
il se soumet
volon
taire me nt, il est
prêt à servir et à
payer l'impôt.
Or;
dans la même me
sure où toutes ses œuvres et toutes celles de
ses Chrétiens leur
sont nécessaires pour
leur salut , elles sont toutes au contraire de
services librement rendus par amour et pour
l' édijïcation d'autrui.
Garnier-Flammarion, 1992
Adam et Ève, gravure tirée de la traduction
de lAncien Testament par Luther ( 1524 )
NOTES DE L'ÉDITEUR l'autre.( ...
) La connaissance de Dieu est
double , générale
et propre.
» Thébald Süss,
Luther, P.U.F, 1969.
étud
iante, ni dans la nobl esse allemande ; « Toute la théologie de Luther est dominée
par un dualisme analogue au dualisme
platonicien du monde empirique et du
monde des idées,
et dont le dualisme
anthropologique de l
'homme extérieur et de
l'homme intérieur est un des exemples les
plus remarquables.
Au-delà de ce dualisme
anthropologique apparaît, chez Luther, un
dualisme universel, celui de Dieu et du
monde divin et éternel
d'une part, du
monde d'ici-bas, extérieur et corporel de
«Si Luther n'avait pas rencontré le
scanda le sur sa route, il aurait probablement
abouti à la même doctrine de la justification :
celle-ci était mûre dès 1515, alors qu'il
n'avait prêté encore aucune attention aux
turpitudes du haut clergé.
Mais
il n'aurait
trouvé en suite aucun engagement dans la
révolte et dans le schisme : ni ch
ez ses
frères en religion, ni dans
la jeunesse
1 ima ge co lo riée d u xv1e siè cle, coll.
L au sa r / E xp lo re r 2 g ra vur e d'a p rès Cra nac h/ G i raud o n 3, 4, 5 B.N .
il n'aurait trouvé lui-même aucune g loir e
à s'obstiner ni aucune sa
tisfaction à
blasphémer.
Si la papauté de la Renaissance
n 'avai t pas à se reprocher une responsabilité
dans l'hérésie
d'un homme, elle encourait
par contre une responsabilité formidable
dans le déchirement
d'un peuple et dans la
dissolution de la
chré tient é.» Ivan Gobry,
Martin Luther, Éditions de la Table Ronde,
1991.
LU THER 02.
»
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