LUCRÈCE : De la nature
Publié le 22/09/2012
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Selon Alfred Ernout, qui a traduit et établi le texte du poème pour les éditions Les Belles-Lettres, on ne connaît à peu près rien de l'homme à qui l'ouvrage est adressé. S'il s'agit, comme certains l'ont pensé, de C. Memmius, fils de L. Memmius qui fut en 57 gouverneur de la province de Bithynie où il fut accompagné par Catulle, Ernout estime que Lucrèce « a bien mal choisi son destinataire «. En politique, ce Memmius a plusieurs fois retourné sa veste, passant du camp des adversaires à celui des partisans de César...
«
D'après saint Jérôme, qui letiendrait lui-même d'un ouvrage disparude Suétone, Lucrèce serait névers 99av. J.-C. ; il aurait été sujet à des crises
defolie et se serait suicidé vers 55 av. J.-C. De nombreux commentateurs, ce pendant, réfutent cettethèse, inventée, di sent-ils, pour disqualifier lephilosophe matérialiste.
Lucrèce. Rome, Deutsche Archàologisches Institut.
Le livre
La poésieau service de la science
Débutant par une invocation àVénus, ladéesse qui «inspire
à tous les êtres le désirdepropager leurespèce », les six
livresduDe la nature constituentun hymne à la vie.
Si, pour
exposerunedoctrine et une sagesse qu'ilemprunte àEpicure,
le poète latinachoisi « l'harmonieuse langue desmuses », c'est,
explique-t-il lui-même,pour « laparerdu doux miel poétique»
qui tiendra l'esprit dulecteur « sous le charme».
La seule vision
des origines et du fonctionnement du cosmos ne peut pas
délivrer l'homme de tous les maux,mais elle peut lelibérer de
ceux dontil est le seul responsable, enparticulier la peur de
mourir.L'ouvrage comported'abordune analyse de la matière
composée d'atomes innombrables, mais aussi de vide (livresI
et II), puis une ardentedescription de l'esprit et de l'âme, aussi
mortels
que le corps etétroitement liés à ce dernier (IIIet IV).
Les deux derniers livres s'étendent sur l'origine des astres, de
la Terre, de
l'humanité, ainsi que sur des phénomènes singuliers
comme lesvolcans ou làpeste.
Une rafraîchissante sagesse
Si du point de vue scientifique, de nombreux passages
peuvent fairesourire (lorsque lepoète évoque parexemple
lalutte du feu etde l'eau ou ladéclinaison des atomes), ce
poème, qui date du Ier siècle av. J.-C, conserve toutefois,
aujourd'hui encore, toutesa force. D'abord par sa rafraîchis
sante sagesse - rejet des peurssuperstitieuses, dédramatisation
de la mort etéloge desvoluptés éphémères.
Ensuite,etsurtout,
par la puissance suggestive desimages grâceauxquelles lepoète
décrit lecosmos, ainsi que par la variété de ses accents.
Lucrèce
passe eneffet dulyrisme (dans ses éloges
d'Epicure ou de la
sérénité, parexemple) à
l'épopée (quandilévoque lalutte de
l'homme contre lanature), de laparodie (lorsqu'il semoque de
l'autoflagellation et despleurnicheries de sescontemporains) à
l'élégie, car son enthousiasme pour la vie n'a rien debéat,
comme le prouvent les dernières pages du livre sur les
souffrances desvictimes delapeste..
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