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Lucien Leuwen de Stendhal

Publié le 14/10/2018

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stendhal

Lucien Leuwen

Les deux grands romans de la deuxième manière de Stendhal, Lucien Leuwen et la Chartreuse de Parme, sont moins âpres et moins négatifs que le Rouge et le Noir; dans l’un et l’autre, un héros moins exceptionnel et plus heureux se trouve doublé d’un mentor « politique », d’un « père » favorable et protecteur, et s’insère plus activement dans l'ample fresque politique qui se déploie

stendhal

« autour de lui.

Le romanes qu e inc lut la présence au monde et à l a politiqu e: c'est cette présen ce qui sépare et unit les va l eurs romanesques et les non-va leu rs de la réalité .

Lucien Leuwen a pour point de dé part le manus ­ crit d 'un ouvrage intitulé le Lieutenant, soum is à Sten­ dhal par une de ses amies, Mm e G aulthier.

Stendhal sem­ ble avoir repris les données du Lieutenant dans la première par t ie de son roman (l'é pisode de Nancy) .

A u centre de Lu cie n Leuwen, le contraste absolu : d'une part, l 'épisode am ou re ux, du ro man esque le plus pure­ ment traditionnel, c'est l'« amour de loin »; l'amant res­ pectueux , l'héroïne chaste s'aimen t dès la première vue (une chute de cheval sous les fenêt res de Mme de Chas­ telle r, au nom significat if) , s'ado ren t sans jamais se l'avouer; plus l 'héroïne aim e, plus elle se ren d inaccess i­ ble, par un scrupule d'honn eur qui est peut -être un scru­ pu le d 'amo ur.

L u cien aime éperdumen t une mru"tress e qu'i l« n'a pas eue» (com me Stendha l avec Mé tilde) et demeure fidèle à son souve nir, à son image, qui inspire sa vie dans la deuxième moi tié du roman.

D'autre part , un roman intensément social (on l'a dit balzacien) : L uc ien, fils de banquier, dispose de tous les atouts possi­ b les, mais, comme privilégié , il manque d 'én ergie et de personnalité; et un ro man intrinsèqueme nt e t cruellement po liti que, où le héros est confronté non seulement au cho ix politique (être républicain malgré sa fortune ), aux événements po l itiques (la grève rép rim ée par son régi­ men t) , mais aussi à la politique comme action, com me « coquinerie » ind ispe nsable , et pe u rel uisant e : la tram e de l'action est donc l'activ ité politi que de Lucien au mi nist ère de l'Intéri eur , celle de son père à la banque et à la Chambre.

Le roman tr anspose les gran ds et pet its événemen ts politiques d 'un e période qui correspond, en gros, à son élaboration.

C' es t sans doute le plus grand roma n politi que du siècle, et p lus encore le roman du politique, du pouvoir, de ses ressorts : la va nit é, l'avi­ dité; les puissants sont des voleurs, le pouvoir a été volé en 1830, le pouvoir est un vol en soi.

La notion de formation romane sq ue unit les deux aspects en contre ­ p o int : Luci en est un jeune homme comblé, donc mal parti, l'exact op posé d'un Juli e n.

Po ur être, il lui faut déc hoir, mériter ce qu' il a, gag n er «sa propre estime » en se risquant lui aussi dans le combat de la vie; destiné à être soi en se dépo uillant de son amour-propre et de son idéa lisme , il est formé successivement par le heu rt aves ses camarades de régiment, où il doit se po se r e n s 'opposant; par la ma scarade all ègre qui le fait entrer dans les salons légitimistes de Nancy, où il apprend à jou er son rôle dans la pa r titio n socia le; par la « coquine­ rie » politique, où il apprend que le courage est le même en tout da nge r, et que l'effort exercé sur les autres po ur les faire agir est l'épre uve et la preuve du Moi; par l 'amour surto ut, qu i dé liv re l'âme de toute crispation vanite use, qu i an nihile l'amou r-prop re, et qui achemine Luc ien vers l'héroïsme de disponibilité et d'h umilit é final.

C'e s t l'effort qui fait le héros : ic i effort sans gran­ deur , mais non sans courage.

Pour faire ses classes d'im ­ moralité et de volonté, Luci en est aidé par un mentor cynique, le docteu r du Poiri er, et par s on père, person ­ nage qui incarne l'ironie, le jeu (le jeu de la Bourse ) et le machiavé lisme .

Stendhal a-t -il réussi dans L ucien Leuwen le roman «comique» qu'il cherchait à écrir e? A-t-i l réuss i le « comique » de la politique, surm onté 1' « odieux » des fai ts pour les ramener a ux schème s ordinaires de la comédie (les mots de parti remplaçant les mots de carac­ tère) ? Le comi que est da ns le récit, dans les person nages co nscie nts des rôles qu 'ils voient jouer ou q u'i ls jouent, dans le texte lu i-mêm e, qui est un j eu perpé tuel.

Syn opsis.

- Selon le pla n in it ia l de l"au teur.

le héros .

f il s d'un riche banquier parisien.

et chassé de Polytech ni· qu e pou r son répu blican is m e, de vait.

vers 1833.

trave rse r trois milieux : N ancy (une ville de prov ince parmi d"autres) .

o ù il es t so us-li eute nant de lanc iers, où il fréquente les salons lég i timistes et où il s"épre nd de M •ne de C haste lle r: il en est ch assé par la ruse du doc teu r du Poi rie r, q ui simu le un f aux accouc h eme nt de l'héroï ne; P aris .

où il est le se cr é­ taire de M.

de Va ize.

min istre de l'Inté rieu r.

lié à son père par des s pécu lations (favo risées par l'utilisat ion malhon ­ nête du télégraphe).

et qu ïl doit serv ir dans de dou te uses beso gnes (affa ires de Bou rse.

d"age nts provo cateu r s.

de t r uq uages d'élect ions); Rome, où il parve na it co mme atta ­ ch é d 'a m bassa de a prè s la mo r t e t la ruin e de son père .

A la f in il deva it é pous er M"'" de Chas tel! e r.

S tendha l a esq uissé u n e prem iè re version des deux premières parties , co rrigé et d icté les dix-hu it p re miers c hap it r es intitu lés le Chasseur vert (publi é s sous ce titre e n 1855 ).

e t déci dé de ne pas éc rir e la dern ière étape.

Éd ité pour la prem ière fo is en 1894.

le ro man est do nc sans doute achevé.

mais bie n loin d'u n e ré dact ion fina le; même le t itre de Lucien Leuwen est incer­ t ain.

S te n dha l ayan t au ssi pensé à l'Orange de Malte, le Télégraphe, l'Amaran te et le No ir, les Bois de Prémol, le Rouge et le Blanc.

BIBLIOGRAPHIE Le livre important de V.

Brombert, Stendhal et la v oie obli­ que, Ya le-P aris, P.U. F., 1954, porte particulièrement sur ce roman.

On y jo indra « Lucien Leuwen », le plus mécon nu des roman s de Stendhal, pub!.

collect iv e du S.E.D .E .S .- C.D .U ., 1983, et chez le même éditeur , M.

Crouzet, Quatre Essais sur «L ucie n Leuwen », 1984.

L'es sai capital de P .

Valéry, «Sten ­ dha l».

repri s dans les Œuvres , Bib l.

de la Pléiade, t.

I, 1957, était ori gi ne llem ent une préface à Luc ien Leuwen.. »

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