Livre IV : « La religion est glorifiée » (choix de poèmes)
Publié le 16/03/2015
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Livre IV : « La religion est glorifiée «
(choix de poèmes)
SUM
PIÈCE I, « SACER ESTO «. Ce poème assure la continuité du thème amorcé dans « Non « (III, 16) : Louis-Napoléon ne doit pas mourir car il a commis trop de crimes pour s'en sortir à si bon compte (« Gardons l'homme vivant «). Il faut, au contraire, qu'il subisse « l'exécration de tout le genre humain «. Son châtiment sera d'être devenu l'expression de la vengeance divine sur la terre ; à l'instar de Caïn, « il appartient à Dieu «.
PIÈCE IV, « À DES JOURNALISTES DE ROBE COURTE «. Ce poème prend à par¬tie les journalistes de L'Univers, journal d'obédience catholique dirigé par Veuillot, qui se rangea du côté de Louis Napoléon. Ces journalistes sont pré¬sentés comme des intéressés (« Vous avez, au milieu du divin évangile,/ Ouvert boutique effrontément «), des lâches, des hypocrites (« Tartuffe ne meurt pas «) et sont présentés finalement comme des persécuteurs de Jésus lui-même.
PIÈCE VII, « UN AUTRE «. L'attaque hugolienne se dirige ici exclusivement sur Veuillot qui représente le parti catholique favorable à l'homme du coup d'État. Le poète soutient que, parti d'une existence obscure, Veuillot, pour prospérer, a dû se livrer à mainte bassesse : « Il insulte, il prêche, il fait la roue «. Par-dessus tout, c'est son hypocrisie qui est dénoncée (« Il ripaille à huis clos, en public il sermonne «).
PIÈCE IX, « CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT... «. Dans une première partie le poème fait l'éloge de « ceux qui luttent «, c'est-à-dire qui ont devant leurs yeux, en permanence, un projet à réaliser : « quelque saint labeur ou quelque grand amour « ; en revanche les autres humains existent « sans vivre,/ Inutiles, épars «. Dans un dernier mouvement, le Poète pro¬clame son mépris pour cette vie qui côtoie « le bord sinistre de la nuit «.
PIÈCE X, « AUBE «. Ce poème commence par l'évocation rafraîchissante de la naissance du jour qui plongeait les premiers philosophes de l'humanité dans le songe. Toutes les voix de la nature se réveillent tandis que le rayon du soleil « perce l'âpre forêt «. Mais la chute du poème change brusquement sa dimension bucolique car il nous rappelle qu'il est plus extraordinaire de rendre sensibles à l'honneur et au bien les âmes de Baroche et Trolong, com¬plices de Louis Napoléon Bonaparte, que d'arrêter le soleil.
PIÈCE XIII, « ON LOGE À LA NUIT «. Dans ce poème, le Louvre apparaît métamorphosé en une « auberge « où l'empereur passera la nuit « jusqu'à demain matin « ; c'est dire en même temps que cet empire ne peut être qu'éphémère à l'échelle de l'Histoire et qu'il altère la solennité du pouvoir en son contraire : de fait, les gens qui s'y trouvent font ripaille dans un décor de massacre : « Le boeuf Peuple rôtit tout entier devant l'âtre « pour l'empereur « Tom-Pouce Attila «, tandis que « la lèchefrite chante en recevant le sang «. Mais dehors, dans la nuit, sous les traits de la vengeance efficace, « avec des ordres dans sa poche «, « arrive l'avenir, le gendarme de Dieu «.
«
fPo-1 -LE RENVERSEMENT DES VALEURS
Dans la pièce XI, on voit comment le poète oppose un autrefois où les rois «étaient grands», profondément mêlés à l'histoire de la nation(« Ils avaient der
rière eux des siècles éblouis ») et un aujourd'hui où l'on voit commettre les pires
crimes par Louis-Napoléon qui n'est rien d'autre qu' «un prince de la pègre».
Tout
ce qui faisait les qualités de la nation (l'honneur, le droit, la probité) se trouve ren
versé; l'honneur n'est plus du côté de la justice mais là où se trouvent les prison
niers (
« Mes fils, soyez contents; l'honneur est où vous êtes », XII), ce que dé
nonce aussi la pièce III intitulée
« Les commissions mixtes », lesquelles ne font
que bannir le droit: «Cette justice-là sort de ces juges-là/Comme des tombeaux la
vipère
», comparaison mortitêre qui ferme tout horizon possible.
Tout marque
ainsi que ce nouveau règne, dans la vision qu'en propose le poète, se désolidarise
et de la nation et de !'Histoire: le
mot« Sacre» n'est qu'« un reste du mot Mas
sacre».
Il -LA SATIRE DE L'ÉGLISE
Comme l'indique le titre du Livre IV, l'accent est mis en particulier sur le statut
de la religion; mais pour l'essentiel le poète se place dans une perspective sati
rique : les pièces IV et V visent le même parti catholique, son journal et son rédac
teur en chef Louis Veuillot (
« Ce drôle était voleur avant d'être ministre » ).
Là en
core
nombre de valeurs sont renversées et ces dévots sont armés de la « griffe »
de Satan.
Outre l'habituelle satire contre ce parti (hypocrites qui déclament un
« rôle », V), Hugo les accuse surtout d'utiliser la langue et le verbe à des fins
d'obscurcissement, au service de la tyrannie :
«Vous insultez l'esprit, !'écrivain
dans ses veilles/et le penseur rêvant sur les libres sommets
» (IV).
Ce parti catho
lique n'a d'ailleurs rien à voir avec la justice divine qui condamne Louis Napoléon (« Sacer esto »), maudit comme Caïn.
C'est même ce parti dévot qui s'arrange
pour
« faire retomber la pierre » du tombeau sur le front de Jésus (IV).
Ill -LE NÉANT DES ÊTRES
L'unité profonde du livre IV, au centre des Châtiments, réside de façon signifi
cative dans
la dénonciation de l'inconsistance des êtres qui touchent de près ou
de loin à ce coup d'État.
Louis Napoléon, qui l'a décidé, est« sacer »,il ne relève
plus de la justice de ce monde mais directement de Dieu;
c'est un mort-vivant:
«Il marche, il va, suivi par l'œil fixe des morts»; silence et haine l'accompagnent,
pas d'hommes mais
« des spectres
toujours
».
Ces complices n'ont même plus de
nom
(«Quelqu'un», V; «Un autre», VII).
Enfin, la pièce IX est une présentation
générale de ces êtres du néant.
L'obscurité
(IX), la boue (VI, VII), l'égout, l'ano
nymat, la négation des
qualités(« sans cœur, sans style, sans esprit», VII) sont les
motifs les plus récurrents pour peindre ces êtres, dont le souci dès lors est
de se
travestir, de se dissimuler sous les apparences.
D'où l'importance de la théma
tique
carnavalesque: parodie(« Vous parodiez les martyrs», IV), mascarade (les
grands hommes sont des« nains», XIII), farce(« Ta vie est une farce», V).
IMUBlill•••-•1 931.
»
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