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L'ÎLE DES ESCLAVES de Marivaux (résumé et analyse)

Publié le 17/01/2015

Extrait du document

marivaux
« Vous avez été leurs maîtres, et vous en avez mal agi; ils sont devenus les vôtres, et ils vous pardonnent; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous: je ne vous en dis pas davantage )) (T rivelin, scène 11 ). Cette conclusion révèle toute l'ambiguïté de Marivaux. Le système social est sauvegardé par la vertu des valets qui donnent ainsi l'exemple à leurs maîtres repentis : « la paix est conclue, la vertu a arrangé tout cela ». Toutefois, on peut se demander dans quelle mesure ce n'est pas la condition de valet qui, induisant des souffrances) permet à Arlequin et à Cléanthis de laisser parler leur coeur. Scène 9) Arlequin tient cet étrange propos: «si j'avais été votre pareil, je n'aurai peut-être pas mieux valu que vous )), De même, les maîtres n'arrivent à rougir de leurs indignités que parce qu'ils en sont les victimes en devenant à leur tour des esclaves. Dans ces conditions, on peut se demander si le regard suffit pour se repentir. Si la pièce eut autant de succès, n'était-ce point parce que ces maîtres qui regardaient s'en tiraient à bon compte? Voyant leur vice mais n'en faisant point l'expérience, se repentiraient-ils? Et surtout changeraient- ils d'attitude, d'autant plus que Marivaux semblait les conforter dans leur rang? Le fait que T rivelin ne poursuive pas son développement pourrait traduire cette conscience chez Mari- UTOPIES vaux de l'utopie théâtrale. Le spectateur est conscient, mais cette conscience suffira-t-elle? Les pleurs, à la fin de la pièce, ne renvoient pas à la comédie larmoyante. Pour Marivaux, les pleurs désignent l'émotion de l'âme touchée par le sentiment. Celui qui pleure vit pleinement l'expérience et par là peut espérer se réformer. Pour conclure, il semblerait que l'exercice de la vertu passe par une épreuve de l'orgueil dont les maîtres sont en général privés. Par conséquent, la réforme des coeurs n'est qu'utopie. • L'Île des Esclaves est une pièce remarquable en ce qu'elle met en scène toute la morale et toute l'esthétique de Marivaux. La critique sociale passe chez Marivaux à travers le champ de l'expérience d'un regard lucide. Le théâtre, en tant que miroir, se révèle extrêmement efficace pour démasquer les défauts des hommes. Il s'agit de rendre les hommes meilleurs: qu'ils laissent parler le fond de leur âme, c'est·à-dire leur vertu. On peut bien sûr s'étonner d'une telle conclusion, quand Marivaux n'a cessé de nous montrer le poids du social sur notre existence et combien par exemple les privilèges gâtent l'esprit de l'homme. Marivaux avait le coeur généreux, vertueux, et il avait une immense foi en l'homme et en sa bonté. Il cherchera à travers ses journaux à démontrer quel avantage on peut trouver à l'exercice de la vertu et de la sincérité. Là était une ultime utopie que la Révolution française balaiera.

marivaux

« Marivaux ne dessine fermement aucun projet politique, aucun système social nouveau.

Travail de philosophe qu'il tenait pour ridicule, travail qui aurait plongé la pièce dans des lour­ deurs didactiques qu'en dramaturge expérimenté il a su éviter.

De toute façon, il faut bien admettre que Mari­ vaux a perverti la tradition littéraire pour faire de son île autre chose qu'un exposé politique.

L'ÎLE OU L'ÉVEIL D'UNE CONSCIENCE Quand lphicrate et Arlequin débar­ quent sur l'île, il peut paraître étrange qu'Iphicrate la présente à son valet; il n'y va pas de son intérêt, à moins que sa vanité jointe à sa naïveté l'aient poussé à croire qu' Arlequin se mon­ trera compatissant.

Son étonnement devant l'attitude de son valet pourrait le laisser croire.

L'angoisse du maître, qui a perdu ses repères et tente en vain de retrouver ses compagnons de voyage, peut aussi se manifester incons­ ciemment par cet impair.

Du coup, l'île des esclaves.

n'est.

plus perçue comme une utopie mats comme un mythe.

Tout dans la définition qu'en donne le maître renvoie à cette figure.

L'histoire est ancrée dans un passé loin­ tain : «depuis cent ans)) (le nombre cent représente moins une durée quan­ tifiée qu'un lointain intemporel).

De plus, elle est extrêmement schémati­ que: elle repose sur l'antagonisme entre maîtres et esclaves, sur un ren­ versement radical des rapports de force.

La violence suggérée ( « leur cou­ tume est de tuer tous les maîtres>>) est à peine tempérée par la chute de la UTOPIES phrase : « ou de les jeter en esclavage ».

Iphicrate, en véhiculant cette histoire, rappelle l'angoisse inconsciente du maître de se voir renversé par son esclave.

Dès lors, les maîtres sont sen­ sibles à l'iniquité sociale dont ils avaient perdu la conscience, volontai­ rement ou non.

Leurs esclaves, devenus à présent leurs maîtres, vont en faisant leur por­ trait, en jouant la comédie devant eux ou avec eux, réveiller cette conscience.

Euphrosine, puis Iphicrate se voient obligés de se mirer dans le miroir peu flatteur de leur domestique.

Cléanthis démasque la coquette qui se cache dans Euphrosine (se.

3) alors qu' Arlequin fait d'Iphicrate le modèle du petit­ maître (se.

5).

L'humiliation qu'ils en ressentent est redoublée par la présence de Trivelin, qui écoute ces portraits et exige qu'ils en admettent la justesse.

Quand Cléanthis et Arlequin déci­ dent, devant leurs anciens maîtres, de jouer la comédie de l'amour, ils leur donnent à entendre et à voir à nouveau ce qu'ils sont derrière leurs masques.

Les maîtres prennent conscience de leur ridicule, de leur morgue, de leur mépris, mais aussi du sentiment de honte et de désarroi qu'une telle situa­ tion génère.

Enfin, quand Arlequin fera sa cour à Euphrosine, celle-ci éprouvera l'indi­ gnité d'un comportement autoritaire, tyrannique que seul le sentiment de pitié peut anéantir.

En fait, la cons­ cience s'éveille par le biais du regard et du cœur.

Quant aux domestiques, ils n'ont pas besoin de se voir pour se connaître.

Leurs souffrances les ont déjà instruits, comme elles leur ont déjà ouvert les 151. »

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