L'ÎLE DES ESCLAVES de Marivaux (résumé et analyse)
Publié le 17/01/2015
Extrait du document
«
Marivaux ne dessine fermement
aucun projet politique, aucun système
social nouveau.
Travail de philosophe
qu'il tenait
pour ridicule, travail qui
aurait plongé la pièce dans des lour
deurs didactiques qu'en dramaturge
expérimenté
il a su éviter.
De toute
façon,
il faut bien admettre que Mari
vaux a perverti la tradition littéraire
pour faire de son île autre chose qu'un
exposé politique.
L'ÎLE OU L'ÉVEIL D'UNE CONSCIENCE
Quand lphicrate et Arlequin débar
quent sur l'île, il peut paraître étrange
qu'Iphicrate la présente à son valet; il
n'y va pas de son intérêt, à moins que sa vanité jointe à sa naïveté l'aient
poussé à croire qu' Arlequin
se mon
trera compatissant.
Son
étonnement devant l'attitude de son valet pourrait
le laisser croire.
L'angoisse du maître,
qui a perdu
ses repères et tente en vain
de retrouver ses compagnons de
voyage, peut aussi
se manifester incons
ciemment par cet impair.
Du coup,
l'île des esclaves.
n'est.
plus perçue
comme
une utopie mats comme un mythe.
Tout dans la définition qu'en
donne le maître renvoie à cette figure.
L'histoire est ancrée dans un passé loin
tain :
«depuis cent ans)) (le nombre
cent représente moins une durée quan
tifiée
qu'un lointain intemporel).
De
plus, elle est extrêmement schémati
que: elle repose sur l'antagonisme
entre maîtres et esclaves, sur
un ren
versement radical des rapports de
force.
La violence suggérée (
« leur cou
tume est de
tuer tous les maîtres>>) est
à peine tempérée par la chute de la
UTOPIES
phrase : « ou de les jeter en esclavage ».
Iphicrate, en véhiculant cette histoire,
rappelle l'angoisse inconsciente du
maître de
se voir renversé par son
esclave.
Dès lors, les maîtres sont sen
sibles à l'iniquité sociale dont ils
avaient perdu la conscience, volontai
rement
ou non.
Leurs esclaves, devenus à présent
leurs maîtres, vont en faisant leur por
trait, en jouant la comédie devant eux
ou avec eux, réveiller cette conscience.
Euphrosine, puis Iphicrate
se voient
obligés de
se mirer dans le miroir peu
flatteur de leur domestique.
Cléanthis
démasque la coquette qui
se cache dans
Euphrosine (se.
3) alors qu' Arlequin
fait d'Iphicrate le modèle du petit
maître
(se.
5).
L'humiliation qu'ils en
ressentent est redoublée par la présence
de Trivelin, qui écoute ces portraits et
exige qu'ils en admettent la justesse.
Quand Cléanthis et Arlequin déci
dent, devant leurs anciens maîtres, de
jouer la comédie de
l'amour, ils leur
donnent
à entendre et à voir à nouveau
ce qu'ils sont derrière leurs masques.
Les maîtres
prennent conscience de
leur ridicule, de leur morgue, de leur
mépris, mais aussi du sentiment de
honte et
de désarroi qu'une telle situa
tion génère.
Enfin, quand Arlequin fera
sa cour
à Euphrosine, celle-ci éprouvera l'indi
gnité
d'un comportement autoritaire,
tyrannique que seul le sentiment de
pitié peut anéantir.
En fait, la cons
cience s'éveille
par le biais du regard
et du cœur.
Quant aux domestiques, ils n'ont pas
besoin de se voir pour se connaître.
Leurs souffrances
les ont déjà instruits,
comme elles leur
ont déjà ouvert les
151.
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