L'Homme révolté
Publié le 29/03/2013
Extrait du document
En écri vant cet essai, Camus a voulu « dire la vérité sans cesser d'être généreux «. Sa vérité et sa générosité ne furent cependant pas du goût de tout le monde, puisqu'à cause de la teneur de ce li vre, il se brouilla avec un bon nombre de ses relations de Saint-Germain-des-Prés, notamment avec Sartre, et rompit avec les existentiali stes. On rattache souvent Camus au mouvement existentialiste, simplement parce qu ' ils étaient contemporains. Mais son oeuvre, L'Homme révolté en particulier, révèle de profondes différences.
«
« Celui qui tue ou torture ne connaît
qu'une ombre à sa
victoire : il ne peut se sentir innocent.
Il faut
donc créer la
culpabilité ch
ez la
victime e lle-même ...
»
EXTRAITS ~~~~~~~~
De l'envie à l'institution
Heathcliff, dans Les Haut s de Hurlevent,
tuerait la terre entière pour posséder Cathie,
mais il n'aurait pas
l'idé e de dire que ce
meurtre est raisonnable ou justifié
par
un système.
Ill' accomplirait , là s'arrête
toute sa croyance.
Cela suppose la
for ce
de
l'amour et le
caractère.
La
for ce
d'amour étant rare,
le
meurtre reste excep
tionnel et garde son
air d'effraction.
Mais
à partir du
moment
où , faute de carac
tère, on court se don
ner une doctrine , dès
l'instant où le crime
se raisonne, il proli
fère comme
la raison
elle-même , il prend
toutes les figures du
syllogisme.
Il était
solitaire comme le
c ri , le voilà universel
comme la science .
Hi er jugé, il fait la loi
aujourd'hui.
De la difficulté de secouer son joug
La révolte de Spartacus illustre constam
ment ce principe de revendication .L 'armée
servile libère les esclaves et leur livre im
médiatement en servitude leurs anciens
maîtres.
Selon une tradition, douteuse, il est
vrai, elle aurait même organisé des combats
de gladiateurs entre plusieurs centaines de
citoyens romains et installé sur les gradins
des esclaves délirant de joie et d'excitation .
Mais tuer des hommes ne mène à rien
qu'à
en tuer plus encore .
Pour faire triompher un
principe, c'est un principe qu'il faut abattre.
La cité du soleil dont rêvait Spartacus n' au
rait
pu s'élever que sur les ruines de la
Rome éternelle, de ses dieux et ses institu- tians
.L
'arm ée de Sparta cus mar che en effet,
pour l'in vest ir, vers R ome épouvantée
d'avoir à
pa yer ses crimes .
Pourtant, à ce
moment décisif, en vue des murailles sa
crées,
l'armée s'immobilise et reflue ,
c omme si elle reculait devant ses principes ,
l'institution , la cité des dieux.
Celle-ci d é
truite, que mettre à sa place , hors ce dés ir
sauvage de justice, cet amour blessé et fu
rieux qui a tenu jusque-là ces malheureux ?
Dan s tous les cas, l'armée fait retraite , sans
a voir
combattu, et décide alors par un cu
rieux mouvement, de revenir au lieu d' ori
gine des révoltes serviles, de refaire en sens
inverse le lon g chemin de ses victoires et de
rentrer en Sicile .
(
...
)
Alors commencent la défaite et
le martyre.
Avant la dernière bataille, Spartacus
fait
mettre en croix un citoyen romain pour ren
seigner ses hommes sur le sort qui les at
tend.
(
...
) Spartacus mourra, comme il l'a
voulu, mais sous les coups des mercenaires ,
esclaves comme lui, et qui tuent leur liberté
avec la sienne.
Pour l'unique citoyen cru
cifié, Crassus suppli
ciera des milliers d'es
cla ves.
Les six mille
croix
qui , après tant
de justes révo ltes, ja
l onneront la route de
Capoue à Rome, dé
montreront à la foule
servile qu'il n
'y a pas
d'équivalence dans
; \"' "
'
! ,; ·I i
' ~
l e monde de la puis
sance , et que les maî-
~
tres c alculent ave c ~·,·,
usure le prix de leur
propre sang.
Éditions j
Andre Sauret, 1942 i
1
« Même quand la
justice n'est pas
réalisée, la liberté
préserve
l e pouvoir de
protestation et sauve la
communicatio
n.
»
NOTES DE L 'É DITEUR le fossé qui séparait les homme s.
»
P.
Lécollier , Encyclopœdia Universalis,
1968.
l
e sens de son existence, le sentiment
de l
'absurde est né, mais aussi la révolte ,
qui s'ins urge contre le non- sens.
Malade,
il se découvre mortel, mai s de tout son
pouvoir de vivre, il proteste contre la
menace : il entend guérir.
Guérit-on
jamais ? Toute sa vie ne sera qu'un long
combat entre les forces de vie et les forces
d e mort, entre la fatigue et la volonté de
créer , entre la flamme et la cendre.
»
Ro ger Quilliot, L'Homme révolté,
Commentaires Gallimard, 1967.
Albert
Camus a publié
L'Homme révolté en
1951, entre Les Justes (1950) et Le Mythe de
Sisyphe (1953).
«De L' Étranger à La Chute, Albert Camus
n 'a cessé de poser le problème de la misère
humaine, c'est-à-dire de la solitude.
Et si
l'appel à la solidarité retentit avec tant de
force dans
La Peste et dans L'Homm e
révolté,
c'est parce que l'auteur a me suré
1 D .R .
2.
3.
4 .
5 lithographies de Luc Simon, éd.
And ré Sauret , 1942
«Camus a toujours eu le goût des bilan s,
de s mises au point :
il ne lui suffit pas de
vivre, il lui faut encore savoir comment et
pourquoi il vit.
En ce sen
s, son œuvre est
constamment aux limites de la métaphysique
et de la morale sans
s'y installer jamais.
L 'absurde et la révolte sont chez lui
contemporains .
Du jour où
il s'interroge sur
CAMUS 04.
»
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