Lettres d'Italie
Publié le 10/04/2013
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En 1739, le jeune Charles De Brosses, ami de collège de Buffon, part pour l'Italie sous prétexte d'effectuer des recherches dans les bibliothèques sur l'oeuvre de Salluste. Ses lettres, pour la plupart postérieures au voyage, furent éditées imparfaitement en 1799, après sa mort et, de façon plus complète, en 1836. Dessins

«
Charles De Brosses
( 1709-1777) était
connu sous le nom de
Président De Brosses
par la fonction de
premier président qu'il
occupa au Parlement
de Dijon.
Bon vivant et
esprit frondeur ,
il fut
deux fois exilé sur ses
propres terres.
Il a
laissé une intéressante
correspondance avec
Voltaire (1858,
posthume).
« •.• quelle impression
croyez-vous que vous
fera
le premier coup
d'œil de Saint-Pierre? Aucune.
Rien ne m'a tant surpris à la vue de
la plus belle chose qu'il
y ait dans l'Univers que
n'avoir aucune
surprise.»
EXTRAITS ~~ ~ ~~~~~
Les courtisanes de Venise
Elles composent un corps vraiment respec
tables par les bons procédés.
Il ne faut pas
croire encore,
comme on le dit, que le
nombre en soit si
grand que l'on marche
dessus ; cela n'a lieu que pendant
le temps
du carnaval, où l'on trouve sous les arcades
des Procuraties autant de femmes couchées
que debout ; hors de là, leur nombre ne
s'étend pas à plus du double de ce qu'il y en
a à
Paris ; mais aussi elles sont fort
employées.
Tous les jours régulièrement à
vingt-quatre ou vingt-quatre heures et demie
au plus tard, toutes sont occupées.
Tant pis
pour ceux qui viennent trop tard.
A
la diffé
rence de celles de
Paris, toutes sont d'une
douceur
d'esprit et d'une politesse char
mantes.
Lettre à M.
de Blancey, 14 août 1739
«Ah! Chienne de montagne » : excursion
au
Vésuve
Nous descendîmes du sommet avec plus de
satisfaction et de facilité que nous
n'y étions
montés ; mais, ô
Dieu ! quelles fu
rent ma surprise et
la véhémence de
mon indignation,
lorsqu'en plon
geant mes regards,
j'aperçus au bord
d'une ravine mon
très cher cousin (la
paresse l'avait em
pêché de monter avec nous), qui,
d'un air
fort posé, achevait de manger deux dindons
et de boire quatre bouteilles de vin que nous
avions apportées pour
la halte.
Je fis au plus
vite écrouler sous mes pieds pierres ponces
et mâchefer ; à chaque coup de talon je
descendais de vingt pieds : heureusement
j'arrivai assez à temps
pour lui arracher un dernier
pilon, sur lequel il avait déjà porté
une dent meurtrière.
Lettre à M.
de Neuilly,
26 novembre 1739
Le chauvinisme gaulois
Je remarque ici, en général, que cette
ardente vivacité des Français, jointe à la
mauvaise habitude de préférer tout haut
ce
qui se fait chez
eux à ce qui se pra
tique ailleurs, est
une des principales
causes
pour les
quelles ils sont plus
mal vus chez l'étrqn
ger qu'aucune autre
nation.
Elle fait dire
qu'on ne peut les
avoir
pour compa
gnons ;
qu'ils veu
lent être maîtres partout, et qu 'ils ne parlent
que d'un ton despotique.
Lettre à l' Abbé Cortois
La mort de Clément XII
Je viens de v
oir au palais pontifical une
triste image des grandeurs humaines : tous
les appartements étaient ouverts et désertés,
je les ai traversés sans y trouver un chat,
jusqu'à la chambre du pape, dont
j'ai trouvé
le corps couché à l'ordinaire dans son lit,
et gardé
par quatre jésuites de la péniten
cerie, qui récitaient des prières ou en fai
saient semblant.
Le cardinal camerlingue
était venu sur les
neuf heures faire sa f onc
tion : il a frappé à diverses reprises
d'un
petit marteau sur le front du défunt, l' appe
lant
par son nom : « Loren zo Corsini » ;
et, voyant qu'il ne répondait pas, il a
dit :
« Voilà ce qui fait que votre fille est
muette
» , et lui ayant ôté du doigt l'anneau
du pêcheur, il l'a brisé selon l'usage.
« .•• voici la vraie
campagne de Rome qui
se présente.
( ...
) Il fallait
que Romulus fût ivre
quand il songea à bâtir une ville dans un terrain aussi laid.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR surveiller, à cent lieues de penser que nous
le lirons, avec un naturel moins aisé que le
naturel littéraire, un peu empêtré, tâtonnant,
émouvant ; ce sont de vraies lettres, écrites
à la diable, parfois bousculées,
interrompues par le départ de la poste, des
fourre-tout où s'entassent pêle-mêle
les
affaires domestiques, les affaires publiques,
les affaires de tête, les affaires de cœur.
»
Yves Florenne, Le Président De Bro sses,
Mercure de France, 1964.
charme
;
c'est ce qui en fit aussi la fortune.
Lui-même, avec beaucoup
d'esprit et de
simplicité,
s'est moqué en passant des
voyageurs qui, dans leurs relations,
" ne
quittent que rarement le ton
emphatique".
Ce ton n'est pas celui de De Brosses.
Rapprochant ce dernier de
la lignée de
Français modernes qui sont allés en Italie,
un Courier, un Stendhal, Sainte-Beuve
s'en
est bien apercu, et il a dit : " Venu avant
eux, il est plus naturel qu'eux.
" » Edmond
Pilon, Lettres d'Italie, préface, Éditions
Aujourd'hui, 1976.
« Il y a cette mine de renseignements -le
président
De Brosses.
Il n'est point de
meilleur compagnon
pour le tour d'Italie.
»
Aldous Huxley.
« Les Lettres italiques étaient faites pour
être lues par-dessus l'épaule du destinataire;
et pour les trois quarts, comme tant
d'autres, comme les
Lettres de Russie de
Custine, elles sont une fiction littéraire ; il y
a de l'art, souvent exquis, jusque dans le
débridé.
Ici,
l'homme parle sans du tout se
« De celles-ci [les Lettres], on a dit qu'elles
sont familières ;
c'est ce qui en fait le
1 litho graphi e de E.
N esle, coll.
Violl et / B.N .
2, 3, 4 grav ures de Go e the, ltali en isc he Reise, Inse l V e rlag, Le ipzig , 19 12 / D.R .
BROSSES 02.
»
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