L'Éthique à Nicomaque d'Aristote (fiche de lecture)
Publié le 22/08/2012
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La question de la volonté En outre, il y a, chez Aristote, une théorie de la volonté. L'acte humain vertueux ou vicieux n'est accompli ni par nécessité, ni par chance, mais par choix délibéré... L'homme, principe et maître de ses actes, en est donc responsable. Le domaine du volontaire, c'est ce qu'un homme peut ne pas faire et qu'il fait, en agissant par lui-même et en connaissance de cause. Une théorie de la pratique On retrouve cette perspective dans la Politique qui se termine par trois mots qui en résument l'esprit : la mesure, le possible, le convenable. La juste mesure est donc ce qui détermine les sciences pratiques (morale, politique). La juste mesure n'est pas une moyenne. C'est un sommet qui ne peut être déterminé que par la raison délibérante. La pratique, chez Aristote et contrairement à Platon, ne peut pas être déduite de la science. Aristote montre que la pratique n'est pas un corollaire de la science, mais un champ ayant sa rationalité propre. La rationalité de la pratique morale ou politique, c'est la manière de gérer des raisons qui poussent l'action dans un sens mais qui ne s'imposent pas comme nécessaires. La fin de la pratique morale ou politique n'est pas le rationnel, mais le raisonnable. Tendre vers le bien Que l'homme doive « chercher à s'immortaliser autant qu'il est possible « est' une invitation qui peut paraître aujourd'hui héroïque. Mais il ne s'agit pas d'une proposition de dépassement illégitime des limites, que les Grecs condamnaient. Il ne s'agit pas de démesure. Cette invitation est une tension vers un idéal ; elle présuppose que l'homme n'est pas immortel par nature et que l'immortalité n'est pas pour lui autre chose qu'un idéal, l'assimilation progressive et tendancielle à un modèle divin qui demeure en soi inaccessible. De fait, dans l'Éthique à Nicomaque, mais aussi dans l'Éthique à Eudème, Aristote ne se perd pas à décrire cet idéal dont l'approximation la plus haute est la vie contemplative. Il nous montre seulement l'effort humain à accomplir pour tendre à cet idéal. Aristote s'appuie là sur le concept de nature. Toute activité a pour fin le bien de l'agent. (2e bien pour l'homme a pour nom le bonheur. La nature de l'homme est donc de tendre vers ce bien qu'est le bonheur. Chez un être doué de mouvement, cette nature n'est jamais entièrement réalisée. Car si l'homme atteignait ce bien, il cesserait de se mouvoir et alors il ne serait plus un homme. L'homme se réalise en effet dans ce mouvement. Tendre vers le bonheur, tel est le destin de l'homme. Éduquer la volonté Parce que l'homme a une nature plus élevée que tout autre animal, il est celui chez qui l'indétermination et la contingence dans la réalisation de la nature sont les plus fortes. Plus haute est la fin, plus difficile et fatigant est l'effort pour s'en rapprocher. C'est pourquoi la volonté de l'homme a besoin d'être éduquée. Pour faire le bien, il ne suffit pas d'une intention droite, mais il faut un habitus, c'est-à-dire une disposition acquise (et autant que possible irréversible). G. Le Bon, dans sa Psychologie de l'éducation (1902), dira pour définir l'éducation que c'est « rendre le conscient inconscient «. Il y a quelque chose de cela chez Aristote. La bonne habitude, c'est ce que l'auteur de l'Éthique à Nicomaque nomme la vertu. Comme le note Pierre Aubenque, « ...la vertu est donc une seconde nature qui, par sa relative constance, doit suppléer aux défaillances de la première et ainsi aider celle-ci à se réaliser (de même, commentera Théophraste, que la culture de la vigne aide celle-ci à produire ses fruits les plus \"naturels\", c'est-à-dire les plus achevés dont elle soit capable). Parmi les vertus, dont certaines sont proprement morales, et les autres \"intellectuelles\", une place à part doit être faite à la prudence (phronésis), vertu de la bonne délibération, qui entre les deux extrêmes de la démesure et de l'inertie, doit discerner à chaque fois où est le juste milieu, combinaison optimale du souhaitable et du possible «. La hiérarchie des fins Nous avons vu, dans notre résumé de l'Éthique à Nicomaque, qu'Aristote avait hiérarchisé les finalités de l'existence humaine. Au-dessus, la philosophie. Ensuite, la politique. En fait, Aristote n'est pas aussi catégorique. Il hésite. D'abord, parce qu'il n'y a pas de contradiction entre les deux idéaux. L'un et l'autre réalisent la nature de l'homme. Si la philosophie réalise la part la plus éminente de l'homme, la politique aussi est importante. C'est grâce à elle que peut être construit un mode satisfaisant de relations aux autres. La justice, but de la politique, est une fin noble. A la limite, on peut même comprendre chez Aristote que la politique est une condition pour que certains puissent s'adonner pleinement à ]la recherche de la vérité. La société aristotélicienne suppose l'esclavage. Pour qu'il y ait des philosophes, il faut qu'il y ait d'autres personnes qui produisent (4 chapitres de la Politique sont consacrés à ce problème). La hiérarchie des fins n'exclut donc pas la division sociale du travail. La morale est ouverte à tous, mais à chacun selon la place qu'il occupe. Pour Aristote, l'homme est un animal politique. Cela signifie que, contrairement aux animaux ou aux dieux, l'homme, pour atteindre l'humanité, doit être un citoyen. Mais on sait que, dans la société grecque, les citoyens, ceux qui pouvaient prendre vraiment part à la vie de la Cité, étaient peu nombreux. En conclusion, nous dirons que l'Éthique à Nicomaque propose une théorie morale intéressante : celle du juste milieu. Cette conception morale eut beaucoup de succès. Elle fut largement reprise, notamment par saint Thomas d'Aquin (1225-1274) qui construisit sa philosophie morale à partir d'une lecture d'Aristote. La pensée de saint Thomas d'Aquin domina toute une partie de la philosophie chrétienne jusqu'au début du XX siècle.
...
«
~RISTOTE
Ethique à Nicomaque
~ Une seule hirondeUe ne fait pas le printemps.
non plus
qu'un seul beau jour.
Or de la même manière, la félicité et
le bonheur ne sont pas donnés non plus en un seul jour.
ni
même en peu de temps.
• (1, 3)
>Repères
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique,
physique
et éthique), l'Éthique à Nicomaque constitue l'œuvre la plus
aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines par
exclusion de la nature et du divin, eUe constitue le premier effort pour penser
l'action humaine* de manière immanente et autonome et lui reconnaître
ainsi
une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère en effet
une critique
de ses prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application pour des principes extérieurs, que ce soient les dieux
de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus pragmatiquement, les
techniques
de la sophistique.
> Problématique
La recherche menée ici concerne la définition de l'homme, problème qui
donne lieu à deux réponses différentes et rivales.
En situant d'abord l'essence
de
l'homme dans le logos, qui définit la pensée aux prises avec les choses
humaines, Aristote commence
par assimiler l'homme à son activité pratique*
(praxis).
Mais, au dernier livre, il tend au contraire à supplanter cette réponse
en identifiant le propre
de l'homme à son principe le plus élevé, l'esprit ( noûs),
et à son accès au divin dans la contemplation (theôria).
La difficulté et la
fécondité
de l'ouvrage résident ainsi dans cette tension autour de la question,
reprise
par l'Islam et le Christianisme, de savoir si c'est dans le domaine des
affaires humaines
ou bien dans le dépassement de soi vers l'absolu que réside
la nature véritable
de l'homme et, par conséquent, son bonheur.
> Thèses essentielles
t le bonheur est le souverain bien
Si tous les hommes recherchent le bonheur, ils ne l'entendent pas pour autant
de la même manière.
Il semble donc qu'il n'y a pas un Souverain Bien mais
plusieurs (plaisir, honneur, richesse, vertu).
Aristote en déduit
que le Bien n'est
eaz.
»
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