LES œUVRES DE CIRCONSTANCE : CRITIQUE ET POLITIQUE chez SARTRE - Qu'est-ce que la littérature?

« • de s articles et des préface s de critique littéraire , philosophique , artistique dans Situations 1 (1947, tex­ t es de 1938 à 1945; publiés dans la collec tio n «Idées » sous le titre Critiques littéraires), Situations IV, portraits (1964, textes de 1948 à 1963), Situations IX, mélanges (1972, textes de 1964 à 1970).

L es premiers articles de critique littéraire, écrits avant ou pendant la gue rre, son t orien tés par la reche rche de la métaphysique sous-jace nte aux techniques romanesques, notamment chez Faulkner, Do s P assos , Mau riac, Camus, et par la déco uverte d'écri­ tures nouvelles aptes à ex prim er le vécu de la contin ­ ge nce (chez les roma n ciers américains « du comporte­ ment» et dans l'Étranger d e Camus) ou à réal i ser un fanta stique moderne (chez B la nchot).

Situations lV ras­ semble des écrits de virtuose parmi les plus baroquisants de Sartre : « Un parterre d e capucines », par exemple, q ui décrit ave c une débauche ludique de métap h ores les squelettes décoratifs de Sainte-Marie d e la Concept ion , à R ome; ou «De s ra ts et des homme s», qui sert d e préface au roman autobiog raph ique d 'André Gorz, le Traître : en mêlant b rilla mment la méta ph ore et le concept, l'emphase et l'ironie, Sar tre montre comment un homme naît d e l'écri ture, comment un «auteu r>> est nécessairement divisé par« la criailler ie de la foule» qui l 'h a bit e; • de s manife stes littéraires : Situations 11 (1948) rassem ble les tro is t extes parus dans les Temps modernes où s'é labo re la notio n de «litté r ature en gagée».

Les deux premi ers surtou t, «Présen tation des Temps moder ­ nes» e t « la Natio na bsatio n de la li ttérature », sont iss us d'une réflexio n collective et déf ini ssent le programme de la revue .

Ils s'op po sent à la conception périmée d'une «littérature intempestive», qui se s ituer ait au- de ssus de la mêlée et ôtera it à l'écrivai n sa responsabilité.

Ils défi ­ n i ssent la « litté r atu re en gagée » non co mme une li tt éra­ ture de propagande ou de par ti, mais comme une li ttéra­ ture actu elle , s'adressa n t aux contemporains pour leur dévoiler le monde et « diss oudre les mythes dans un petit bain d'acide c ritiq ue».

Le tex te de s confé rences don nées au J apo n en 1966 sur les intellectuel s, «Plaidoyer pou r les intellectue ls » (Situations Vlll; rep ris dans la collec­ tion « Idées » ) , affine la théorie d e la « littéra tur e en ga ­ gée » , l'insère dans une de scription de 1' intellec tue l d échiré entre des aspira tions à l'unive rsel et les particu­ larismes d e sa classe et assigne pour tâche à l'éc rivain d e ren dre compte de l'« universel singulie r»; • des reportages, de s témoignages sur l'Occupation, les États-Unis (Situations Ill, 1949, textes de 1 9 44 à 194 6), la Libération (Combat, avril-septembre 1944) .

Pour Sar tre le reportage fait pa rtie des ge nres litté raires et peut même devenir un des plus importants d'entre eux .

Il compose ces repo r tages à partir d'un montage d'anecdotes signifiantes dont le com ment a ire dégage le sens et qui servent de base à la ré flex ion; • de s textes politiques: précédant d'u n an le premier vo lume des Situations, Réflexions sur la question juive ( 1946; repris dans la collec tion « Idée s ») est le me illeur exemple d'analyse phénoménologique d'une «sit u a­ tion » dont Sa rtre ti re une leço n poli tiq u e.

Le livre co m­ mence par un po rtrait de 1' antisémite : être juif, selo n Sartre en 1946 , c'est être co ndi tionné par l a passio n haine use et fasci n ée de l'antisém ite et par la négation du dé mo crate, c'est être« délaissé dans la con dition juive}}, L e « Juif inau thentique » nie ou refuse cette situ ation; le Juif authe nti que l'assume.

Mais l 'authenticité indi vi­ due lle d es Jui fs ne résout rien : la vraie quest ion n'est pas la qu estio n juive, mais la q u estion de l'an tisémi­ tis me , qui concerne les non J uifs.

Ce texte est l'un des plus célèbres, des plus eff icaces et des plus discutés de Sartre.

E n 1 966 , il en a reconn u les l imites: cette étude gé nér alise abusivement la sit u at ion des Juifs e n France dans l'entre -deux-g uerres, elle souffre de l'absence d'un e documen tati on his torique solide sur l' antisémi­ tisme e t sur la cu ltur e juive, e n tiè rement passée sous silence .

Les text es politiques des Situations se groupent en tro is sér ies : « Coloniali sme et néo-colonialisme>} (Situations V , 1964 , textes de 1954 à 1963); «Problèmes du marxism e » (Situations Vi, 1964, t ex tes de 195 0 à 1954, et Situations Vll, 1965, textes de 19 53 à 1962); « Autour de 1968 » (Situations Vlll, 1972, texte s et entretie ns de 1964 à 1970) .

La plu part d'entre eux sont des préfa ces ou des « réponses}}, étr oitemen t dé ter mi ­ nées par l'o uvra ge à présenter ou à réfuter.

La préface aux Damnés de la terre de Franz Fanon offre un bon exem ple de cette écriture polémiq ue: elle s'a dresse avec insistance aux Européens , et à eu x seuls; elle les insulte et les me nace; elle prophétise; elle renverse les rôles du colo n et du colo nisé dans des scé narios im aginaires; elle mime ve rbaleme n t la vio le n ce qu'elle conseille.

Qu'est -ce que la littérature? 1 ((Qu'est -ce qu 'écrire?» L es poètes.

comme les pein­ tres.

les sculpte urs.

les mus iciens .

co nsid èrent les mo ts comme des choses et non comm e des signes ou comme des out il s.

P our le prosate ur, le langage est act io n pa r dévo ileme nt : (. »