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Les Tragiques d’Aubigné (résumé & analyse)

Publié le 16/11/2018

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Le dessein des Tragiques

Œuvre inspirée, les Tragiques apparaissent comme le résultat d’une vocation; ils sont la réponse tardive à un appel, deux fois prononcé, de la providence divine. A l’instar de Jonas, à qui il a fallu l’engloutissement dans la baleine pour répondre à la mission prophétique qu’il refusait, la double agonie de Talcy en 1572 et de Castel-Jaloux cinq ans plus tard constitue le préliminaire nécessaire à la conversion du poète et au tournant de l’œuvre. Rejetant alors « les feux d’un amour inconnu », pour ne plus céder qu’à l’embrasement de l’amour divin, d’Aubigné va exalter les martyrs de la Réforme, en appelant sur les bourreaux et les tyrans la colère de Dieu. Le mythe personnel de la vocation reçue à l’article de la mort sur la table de Talcy, où sa dépouille est exposée, est significatif du risque crucial désormais encouru dans l’écriture. La vérité, mortelle pour son détenteur, « porte un Cousteau pour celui qui la porte », et l’écrivain s’abolit, jusqu'à en perdre le sens et la parole, dans la présence immédiate à Celui qu’il chante.

Les sept livres composant les Tragiques se distribuent en deux volets antithétiques qui animent le drame logique auquel se ramène en définitive le plan du Rédempteur : désordre et ordre; « monde renversé » de la perversion actuelle où les « mères non-mères » mangent leurs propres enfants, où le roi saigne ses sujets et se gausse de leurs corps massacrés, et, par contraste, règne de la justice de Dieu, qu’appelle l’apocalypse imminente. C’est tout d’abord la fresque des misères présentes brossée dans les trois premiers livres du poème : « Misères », évoquant, dans une composition à la Callot, les malheurs de la guerre civile; « Princes », où la corruption de la Cour et des grands est stigmatisée; « la Chambre dorée », qui dénonce la justice cannibale des juges royaux mués en inquisiteurs. A cet univers dénaturé s’oppose le dessein du Créateur, dont l’exposé fait la matière des deux derniers livres : « Vengeances » énumère les châtiments exercés par Dieu contre les persécuteurs de l'Église depuis Caïn; « Jugement », terme et dénouement de cette Divine Comédie protestante, donne à voir, en une vision extasiée, la résurrection de la chair et le partage de l’humanité entre élus et réprouvés à l’heure dernière. Le désordre contemporain sert donc de contre-épreuve et d’annonce à l’ordre final que le poète prophétise. Dans l’intervalle, « Feux » et « Fers », de trame plus narrative, relatent l’un l’époque des bûchers, l’autre les grandes persécutions culminant à la Saint-Barthélemy, où l’on voit, en une anecdote célèbre mais sans doute apocryphe, le roi Charles IX « giboyer aux passants » depuis la fenêtre du Louvre. Ce martyrologe, inspiré de Crespin, assure la transition entre l’ici-bas et l’au-delà, entre la déploration du temps présent et le chant de la vie future. Vivantes hosties dans lesquelles le peuple élu découvre la preuve de sa Rédemption à venir, les martyrs huguenots accusent la férocité de leurs tortionnaires et, simultanément, préfigurent l’ultime « conversion » par quoi le royaume de Dieu appartient, selon la parole de l’Évan-gile, aux faibles et aux persécutés de ce monde.

La tragédie et son double

Le titre des Tragiques, œuvre placée sous l’invocation à Melpomène, fait explicitement référence au théâtre, et la métaphore baroque du monde comme sanglant « eschaffaut » où jouent des acteurs tour à tour pathétiques ou grotesques est filée au long des sept chants. De là l’introduction d’un dynamisme et d’un jeu dans l’antithèse structurante que nous venons de décrire de façon un peu rigide.

« mos embrassé d'un seul regard à la façon d'un atome.

Par ce passage incessant de 1 'échelle humaine à 1' échelle divine, d'Aubigné retrouve, conformément au modèle biblique, ce réalisme « créature! », produit d'une indivi­ sion du sublime et du familier, où le critique E.

Auerbach voyait la caractéristique principale des livres sacrés hébreux.

La finesse délicate de certains traits-> du poète veuf.

dont la foi ne saurait apaiser la douleur.

«Extatique en (ses) angoisses>>, et se tenant dans une impossible tension entre l'adoration et la révolte.

d'Aubigné ne peut plus qu'exhaler un cri proche du mutisme.

[Voir BIBLE J. »

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