Les passions de l'âme de Descartes. 3 ème partie
Publié le 04/10/2010
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- Le traité cartésien des Passions de l’âme est le dernier texte que Descartes publia de son vivant en français, après le Discours de la méthode (1637), Les Méditations sur la Philosophie première (1641) et Les principes de la philosophie (1643). La version définitive du traité des passions date de 1649 et est représentatif de la dernière phase de l’activité cartésienne et constitue le résultat, voire le couronnement, de toute l’oeuvre antérieure de Descartes.
- La décision cartésienne d’écrire un traité des passions ne saurait s’expliquer indépendamment de la fortune que le genre “traité des passions” a connue, en France particulièrement, depuis la fin du XVIe siècle. Depuis cette époque, la question des passions humaines, de leur nature, de leur usage, ou de leur valeur, est devenue le problème essentiel d’une réflexion morale désormais affranchie en grande partie de la tutelle des Eglises. Projet d’une connaissance exacte de la nature de l’homme : à la suite de Montaigne, Pascal, Malebranche réclament une science de l’homme en un siècle où l’on constitue la première science rationnelle de la nature. L’aspiration est grande à la prolonger dans la réalité humaine. - On se demande alors si le spectacle des passions humaines impétueuses, changeantes, rebelles à l’analyse dissimule un mécanisme constant, reposant sur des propriétés, à l’instar de ce qui se passe dans la nature extérieure. Le théâtre classique (Racine, Corneille), les moralistes (La rochefoucauld, Pascal…) décrivent avec acuité les conflits que les passions engendrent dans l’homme , l’emprise qu’elles ont sur lui, et explorent l’aliénation de l’homme par son désir. Intensité donc des débats sur les passions à l’époque de Descartes dont témoigne une série d’ouvrages très lus : P. Charron, De la sagesse (1601), Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu (1616), le médecin Coëffeteau, Tableau des passions humaines, de leurs causes et de leurs effets (1620), l’abbé Senault, De l’usage des passions (1641). - Descartes entend renouveler le genre ou plutôt de montrer sur cette question communément disputée la supériorité éclatante de sa propre philosophie. Il s’agit, sur toutes les dimensions de l’affectivité passionnelle, de promouvoir une science des passions qui cherche à en comprendre les causes en adoptant vis-à-vis de ces passions l’attitude du physicien. A noter que Les passions de l’âme de Descartes vont jouir d’une grande notoriété : le traité a été longuement médité par Malebranche et par Spinoza, il a inspiré, plus ou moins directement, toute une thématique littéraire (Racine, Mme de la Fayette) et toute une doctrine de l’expression dans les arts. Mais cette postérité n’a pas suffi à assurer au traité des passions une fortune comparable à celle du Discours de la méthode ou des Méditations métaphysiques : l’ouvrage est demeuré jusqu’à une date assez récente relativement peu lu; la seule étude spécifique de l’oeuvre est celle de Denis Kambouchner, L’homme des passions (1995). Cette situation vient sans doute du dépaysement assez profond que suscite l’étude des Passions pour un lecteur habitué à identifier la pensée de Descartes à un simple dualisme métaphysique.
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corps.
La morale, c'est-à-dire la conduite de la vie et les règles de cette conduite, dépend de la connaissance detoutes les choses composant la nature, dont l'homme est un élément.
Il ne s'agit plus, comme dans la moraletraditionnelle, de forger un type d'homme idéal et abstrait, vers lequel il faudrait tendre en se dépouillant de toutesles imperfections de la nature humaine.
Il convient au contraire de connaître la nature pour avoir prise sur elle etconnaître notre nature pour prendre la mesure exacte du pouvoir que nous avons sur nous-mêmes.
La morale doitêtre informée par la physique et la médecine, dans la mesure où elle ne peut ignorer que l'homme désire et qu'il a des passions nécessaires et souvent utiles à la conservation de sa vie.
La médecine est donc le support de lamorale : il ne peut y avoir de médecine de l'âme sans santé du corps.
- Les passions de l'âme divisent l'étude des passions humaines en six problèmes fondamentaux qui n'occupent pas chacun une séquence bien définie de l'ouvrage puisque certains se trouvent traités, sous différents aspects, enplusieurs lieux parfois très éloignés.
1.
problème de la nature des passions; 2.
problème de leur processus psycho-physiologique; 3.
problème de leur différenciation ou classification; 4.
“ “ de leur utilité ou fonction; 5.
“ “ des conditions et moyens de leur maîtrise; 6.
“ “ de leurs rapports avec les vertus et les vices. - L'ouvrage est divisé en trois parties : la première partie tente de définir la passion, de déterminer son essence propre, en procédant à une série complète de divisions : la passion est une action du corps contre l'âme engendranten elle des mouvements qu'elle n'a pas produits. La deuxième partie étudie les passions simples, ainsi que leur genèse psychologique. La troisième s'attache surtout au caractère valorisant ou dépréciatif des passions dérivées et envisage les conditions et les moyens de leur maîtrise.
Il s'agit, dans cette partie, de la morale cartésienne despassions.
- Avant d'aborder l'étude de la troisième partie, il convient d'exposer brièvement les grands thèmes que Descartes aabordés dans les deux parties précédentes.
III) LA DEFINITION DES PASSIONS - Dans la langue de Descartes, le mot de passion ne renvoie pas précisément aux intérêts prédominants d'unindividu, ou à ses désirs les plus affirmés (passion du pouvoir, de l'argent, etc.).
Il se rapporte à un certain typed'émotions de l'âme.
Ces émotions doivent d'une part se produire dans des circonstances, à des momentsdéterminables : rien n'est sujet à une passion qu'en tant qu'il lui arrive quelque chose de nouveau; pour qu'un objetqui se présente cause en nous une certaine passion, il faut qu'il ait en soi quelque chose qui nous surprenne (pas depassion sans un facteur de nouveauté, de surprise).
Ces émotions doivent d'autre part avoir une dimensionphysiologique : il leur est très généralement associé des signes extérieurs tels que changements d'expression desyeux et du visage, rougeur, pâleur, tremblements, larmes, etc.
- Ces signes extérieurs répondent à des mouvements intérieurs du corps, affectant le coeur, la circulation du sang,etc.
Il n'est pas absolument nécessaire que l'âme qui ressent la passion soit consciente de tous ces changements;mais il faut que, si elle y prête attention, elle puisse ressentir, au moins de manière confuse, une certainemodification de l'état intérieur du corps.
En somme, l'affection de l'âme qu'on appelle “passion” n'est que l'effet dansl'âme d'une certaine modification physiologique, qui est elle-même l'effet d'un processus où l'âme n'intervient pasnécessairement.
- Il faut rappeler que l'âme et le corps sont à concevoir comme deux substances distinctes, capables comme tellesd'exercer leurs fonctions indépendamment l'une de l'autre.
L'âme, dont toute l'essence est de penser (il fautcomprendre parmi nos pensées tout ce qui, en nous, fait l'objet d'une conscience absolument immédiate), n'a pasbesoin du corps pour penser, et le corps, en tant que machine de parties matérielles, n'a pas besoin de l'âme pourêtre capable de mouvements propres.
Il est animé de mouvements involontaires, spécifiquement corporels, informantl'âme de la nature de ses exigences, tels les sentiments de la faim, de la soif, de la douleur, du plaisir.
Si le corpsest une machine, l'âme n'est pas néanmoins comme un pilote logé dans un navire : elle ressent intimement ce quesent le corps car elle lui est intimement jointe.
Il est dès lors tout aussi nécessaire de ne pas confondre l'âme et lecorps pour ne pas prêter à l'une les propriétés de l'autre, que de comprendre l'union étroite de ces deux substancesdont l'homme est le composé.
L'âme ne se contente pas de subir les effets du mécanisme corporels.
- Le mécanisme des passions dévoile leurs deux ressorts essentiels : l'impression ou l'excitation produite par lesesprits animaux sur la glande pinéale qui communique à l'âme le sentiment correspondant à cette impression oucette excitation.
Les esprits animaux sont un air très subtil qui entre dans la composition du cerveau, des nerfs, desmuscles et qui sont comme les agents de la circulation du sang dans le corps.
Ce sont ces esprits animaux quicausent les passions dans l'âme et l'inclinent à désirer les choses et qui disposent le corps à se porter vers ceschoses ou à les fuir.
A cette impression ou excitation produite par les esprits animaux correspond l'habitude dejoindre à tel mouvement produit sur la glande une pensée ou une représentation.
Mais l'âme peut réagir et opposeraux impressions qui nous sont nuisibles une pensée ou une volonté contraires.
Ainsi, par exemple, la présence d'undanger imprime le sentiment de la peur, habituellement suivi de la fuite..
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- Descartes, Les passions de l'âme, Pléiade, Gallimard, page 768. "Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut légitimement estimer consiste seulement partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour se qu'il en use bien ou mal, et partie en ce qu'il sent en soi même une ferme et constante résolution d'en b